Accord CETA : l’Union européenne sacrifie ses fromages

13 mai 2016
L’Europe et le Canada ont finalisé les négociations pour un accord de libre-échange : le CETA. José BOVE a analysé le texte de l’accord désormais public et regrette qu’une fois de plus l’agriculture serve de monnaie d’échange. Pire l’Union européenne va lui sacrifier les 90 % de ses Appellations d’Origine Protégée.
 
L’Union européenne et le Canada ont finalisé les négociations pour un Accord de Libre Echange de grande envergure. Désormais, la transparence est totale : le texte consolidé est disponible en anglais sur le site de la Commission européenne. Et ce que l’on découvre à la lecture de ce document de 1600 pages est inquiétant.

Comme dans nombres d’accords commerciaux bilatéraux, l’agriculture sert de monnaie d’échange. Une fois de plus, l’Union Européenne abandonne ses paysans pour obtenir d’hypothétiques avantages pour ses multinationales des services. Un marché de 50 000 tonnes de viande bovine et 75 000 tonnes de viande porcine s’ouvre en Europe pour l’agro-business canadien. Ces importations massives ont de quoi mettre définitivement à terre des dizaines de milliers de paysans européens, alors que ces productions sont déjà en crise.

Mais l’accord va bien plus loin : l’Union européenne va lui sacrifier les 90 % de ses Appellations d’Origine Protégée.

Aujourd’hui, la labellisation AOP est la garantie pour un producteur que son savoir-faire et le terroir qu’il fait vivre sont uniques et ne seront pas plagiés. C’est un parcours du combattant. Lorsque la reconnaissance officielle arrive enfin, elle fait la fierté des paysans qui se considèrent, à juste titre comme les passeurs d’une tradition. Pour les consommateurs, c’est la garantie d’avoir un met de qualité, produit selon un cahier des charges exigeant. La France compte 45 AOP de fromage, dont le Roquefort, première AOP de l’histoire, obtenue en 1925, 3 de beurre et 2 de crème. Dans cette liste se trouve des noms qui nous sont familiers comme le Comté, le Rocamadour, le Laguiole, l’Ossau Iraty, le Broccio, le Salers, le Bleu de Gex, le Pélardon…Les Appellations d’Origine Protégée sont loin d’être une spécificité hexagonale. L’Italie, l’Espagne, la Grèce, l’Allemagne, le Royaume-Uni ont fait reconnaitre bières, vins, fromages, salaisons, huiles d’Olives etc…. Au total près de 1400 produits qui font le bonheur des gastronomes ont obtenu cette reconnaissance de l’Union européenne. De nombreux autres, en particulier dans les pays de l’est de l’Europe, sont dans l’attente de décrocher l’étiquette rouge et jaune.

Mais revenons à l’accord qui nous préoccupe. Il faut aller dans les détails du CETA pour se rendre compte de l’étendu des dégâts. Sur les 1400 AOP européennes, seules 174 ont eu la chance d’être nommées dans l’Annexe 20-A qui se trouve à la page 516 de ce document roboratif.

En France, sur les 50 AOP laitières, seules 28 sont prises en considération. Trois fromage de brebis sont protégé par une AOP. Il s’agit par orde alphabétique pour ne pas froisser les sensibilités locales, du Brocciu fabriqué en Corse, de l’Ossau Iraty fabriqué au Pays-Basque et dans le Béarn et du Roquefort fabriqué dans l’Aveyron. Seul ce dernier a été pris en compte par les négociateurs européens et ne pourra pas être imité au Canada. Pourtant tous ces fromages bénéficient du même statut au niveau de l’Europe. Ils ne devraient par conséquent pas faire l’objet d’un traitement différentié dans le cadre d’un accord commercial sans que cela n’entraine une discrimination des citoyens européens.

Face à cette injustice et à cette partialité de la Commission européenne j’appelle tous les producteurs AOP à se mobiliser et je les soutiendrai pour qu’ils soient en mesure de saisir la Cour Européenne de Justice pour faire valoir leurs droits d’être traités sans discrimination. L’Europe aurait-elle omis que la diversité qui fait sa devise ne se négocie pas ? Je suis persuadé que la Commission peut trébucher sur la fierté des territoires.

José BOVE, le 2 mai 2016

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