Discrimination : l’Europe, pour sortir les Roms de l’ornière

18 avril 2011

Nord Eclair le lundi 11 avril 2011 à 06h00

Hélène Flautre juge que l’utilisation des financements européens permettrait de répondre en partie aux besoins des populations roms. Face aux stigmatisations qui frappent les Roms, l’eurodéputée Hélène Flautre brandit un texte européen qui fixe la stratégie d’intégration. De quoi faire pression sur les États, assure-t-elle.

La « question rom » a été au centre d’un débat virulent, cet été, entre le gouvernement français et la Commission européenne. Depuis, les choses ont peu changé sur le front de l’urgence humanitaire. Si la Communauté urbaine de Lille a renforcé le dispositif des villages d’insertion et si les expulsions de campements se sont ralenties, des dizaines de familles continuent de vivre dans des conditions catastrophiques, malgré la mobilisation des bénévoles et des travailleurs sociaux.


Objectif : réduction des écarts

Pourtant, des fonds européens existent. « Mais ils ne sont pas utilisés. Les États ne les mobilisent pas ! », s’insurge Hélène Flautre, eurodéputée (EELV) qui plaide pour qu’associations et politiques se saisissent d’un récent texte de la Commission européenne pour « faire pression sur l’État ». Ce texte, qui fixe « le cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms » prévoit une série « d’objectifs en terme de respect des droits sociaux », précise Hélène Flautre. L’eurodéputée assure également que « les États vont devoir s’expliquer sur les moyens mis en oeuvre ». Un dispositif d’évaluation des politiques d’insertion des Roms sera mis en place. Les politiques publiques des États membres seront notamment observées à la loupe par l’Agence des Droits fondamentaux de l’Union européenne.

Les objectifs fixés à l’horizon 2020 par le texte de la Commission ne sont pas particulièrement ambitieux. En matière d’éducation, le texte enjoint ainsi de « veiller à ce que chaque enfant rom achève au moins sa scolarité primaire ». Actuellement, en France, l’obligation de scolarisation des mineurs de 15 ans n’empêche pas de nombreux enfants roms d’être exclus de l’Éducation nationale.

Sur le marché du travail, il s’agit de « réduire l’écart » d’accès à l’emploi entre les Roms et le reste de la population. Pour ceux originaires de Roumanie ou de Bulgarie, cela suppose notamment que la France accepte de remettre en cause les restrictions d’accès au marché du travail prévues lors de l’entrée de ces pays dans l’UE, en 2007. Des restrictions qui doivent en théorie être levées au 31 décembre 2011… Mais les gouvernements peuvent décider de les prolonger, jusqu’au 31 décembre 2013, « si de graves perturbations touchent ou risquent de toucher leur marché du travail » .


Crédits européens non utilisés

En matière d’accès aux soins également, l’objectif fixé est de « réduire l’écart » entre la situation des Roms et celle des autres citoyens. C’est sur le logement que le texte se montre le plus offensif, enjoignant les États de « faire disparaître l’écart entre la proportion de Roms ayant accès au logement (…) et celle de la population en général ».
Au-delà des seules déclarations d’intentions et du cadre stratégique ainsi posé, la Commission européenne pousse également les États membres à consommer les crédits mis à leur disposition. Et des moyens, il y en a, assurent en écho Hélène Flautre et le texte qu’elle brandit comme un « moyen de pression ».

L’Union européenne dispose en effet d’une enveloppe de 26,5 milliards d’euros « pour soutenir les efforts des États membres dans le domaine de l’intégration sociale, y compris pour l’aide à la population rom ». Sur la période 2007-2013, sur les 9,6 milliards d’euros du seul Fonds social européen (FSE), 172 millions sont spécifiquement dédiés aux actions à destination à l’intégration des Roms. À titre d’exemple pour le moins significatif, la Commission souligne que seulement 31% des fonds prévus jusqu’à fin 2009 au titre de l’assistance technique dans les politiques de cohésion ont effectivement été utilisés… Conclusion, pour Hélène Flautre : « lorsque les associations s’entendront dire par le préfet qu’il n’a pas de fonds, elles pourront lui montrer ce document. »

MATTHIEU MILLECAMPS

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