En finir avec le financement des conflits armés : premier pas vers la traçabilité des « minerais de sang »

16 mars 2017
Le Parlement européen a entériné une législation européenne qui contraint certaines entreprises à s’assurer de l’absence de lien entre leur chaîne d’approvisionnement et les minerais de conflit. Réaction de Yannick JADOT.
 
Plus d’un an après le vote ambitieux du Parlement européen visant à stopper le financement des conflits armés par l’exploitation de certains minerais, les institutions européennes ont trouvé un accord sur ce dossier. Il oblige les entreprises en amont de la chaîne d’approvisionnement (exploitants, négociants, fondeurs) à s’assurer que les minerais qu’ils exploitent n’alimentent d’aucune façon les conflits armés.

Par l’expression « minerais du sang » on désigne quatre minerais et métaux – étain, tungstène, tantale et or – dont la production est contrôlée par des groupes armés en particulier en République démocratique du Congo (essentiellement dans la région du Kivu) et dans la région des Grands Lacs africains mais aussi au Zimbabwe, en République centrafricaine, en Birmanie ou encore en Colombie. Ce pillage de ressources au profit de groupes armés est difficilement chiffré mais à titre d’exemple, on peut citer un rapport d’un groupe de l’ONU estime qui estimait qu’en 2013, 98% de l’or produit en RDC est sorti clandestinement du pays.

Ces matériaux sont des composants indispensables de nombreux outils de notre quotidien tels que les téléphones et les tablettes même s’ils sont utilisés en quantités infimes. Le contrôle de leur origine et leur « traçabilité » le long de la chaîne d’approvisionnement représente donc un enjeu de taille mais également un impératif en termes de responsabilités. Depuis quelques années, diverses initiatives de réglementation ont vu le jour à l’instar du Dodd-Franck Act aux Etats-Unis qui oblige toutes les entreprises cotées en bourse à déclarer publiquement s’ils utilisent des minerais en provenance des zones de conflit en RDC et dans les pays voisins.

L’Union européenne, en tant que première région économique mondiale, avait donc la responsabilité d’agir dans ce domaine. Yannick Jadot, Vice-président de la Commission du Commerce international du Parlement européen se réjouit donc de l’encadrement européen car : « les entreprises d’extraction et liées au commerce des minerais seront désormais contraintes de vérifier l’absence de liens entre leur chaîne d’approvisionnement et les conflits armés ou situations violant les droits humains dont sont largement victimes les populations locales ».

Un premier pas européen

Cet accord est un premier pas dans la bonne direction, mais les écologistes européens regrettent que le texte n’aille pas aussi loin que ce qui avait été voté au Parlement en 2016. Nous regrettons notamment que la réglementation n’entre que pleinement en vigueur au 1er janvier qui sera étendue à 4 ans (contre 2 ans voté par le Parlement), ce qui fait que le règlement ne sera pleinement en vigueur qu’au 1er janvier 2021.

Des lacunes demeurent puisque contrairement à ce qu’avait voté le Parlement, les entreprises européennes qui utilisent ou importent des composants ou des produits finis contenant ces minerais ne seront pas soumis aux mêmes obligations, mais à une simple déclaration écrite auprès des autorités des Etats européens dans laquelle ils s’engagent avoir mis en œuvre des mesures de diligence permettant de s’assurer que les minerais qu’ils utilisent n’alimentent pas les conflits armés.

Les Etats européens sont également parvenus à exclure les “petits” importateurs qui ne sont donc pas concernés par cette obligation (jusqu’à 100 kg pour l’or tout de même). Toutefois, « nous espérons que la Commission rectifiera cette omission majeure dans la législation. Une rectification d’autant plus nécessaire à l’heure où aux États-Unis, le Président Trump tente de détricoter la loi Dodd-Frank » conclut Yannick Jadot.

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