Haïti : Intervention d’Eva Joly au nom du groupe des Verts européens

19 janvier 2010
Cette nouvelle crise humanitaire dans laquelle est plongée Haïti dépasse peut-être dans son ampleur toutes celles qui l’ont précédée. De sorte que je doute qu’on puisse trouver les mots justes pour penser aux victimes, parler aux survivants et s’adresser aux familles ; pour leur dire à quel point nous partageons leur douleur et sommes conscients de notre responsabilité.
Aussi violent qu’il ait été le tremblement de terre n’explique pas à lui seul l’ampleur des dégâts. Ceux-ci tiennent aussi à la pauvreté chronique dans laquelle Haïti survit depuis de nombreuses années. Et la communauté internationale a été incapable jusque-là d’y changer quoique ce soit. Pire, en imposant à Haïti des politiques dont on sait aujourd’hui qu’elles ne marchaient pas, les institutions internationales, l’Europe et ses partenaires ont aggravé la fragilité de son tissu social, de son économie, de ses institutions. Dans les années 1970, Haïti était sur le plan alimentaire presque auto-suffisante, elle produisait 90% de ses besoins agricoles. Aujourd’hui, elle en importe plus de la moitié… On se doute que cela n’a pas pu se faire sans mettre à mal la production locale. Haïti, dès avant ce tremblement de terre, était un pays sans ressources, parce que privé des ressources auxquelles il avait droit.

Il nous faut donc d’abord apporter un maximum de soutien à Haïti pour régler ce qui relève de l’urgence. De ce point de vue, on ne peut que déplorer les difficultés de l’assistance internationale à se mettre en place. A l’avenir, nous devrons améliorer nos façons de procéder.

Surtout, nous devons prendre conscience que l’Aide au développement sur le long terme ne saurait être efficace si nous imposons ce que nous considérons être les bonnes priorités alors que tous sur place nous disent que nous nous trompons. C’est à une remise en cause de nos propres méthodes que nous devons procéder. Et cela n’ira pas sans augmenter les fonds que nous réservons, sur le long terme, aux politiques de développement. L’UE a annoncé le montant de l’aide qu’elle débloquait pour Haïti, les Etats membres ont fait de même de leurs côtés. Mais je vous invite à comparer ces chiffres (de la part de l’UE et sauf erreur de ma part, 130 millions d’euros à court terme, et 200 millions pour les besoins à plus long termes) à d’autres chiffres, ceux de la rémunération en vigueur dans certains secteurs, notamment les 155 Mds de dollars pour quelques milliers de personnes travaillant au sein des principales banques américaines ou de la City, pour cette année seulement. Cela pose la question du modèle de développement que nous voulons promouvoir, au niveau global.

L’aide humanitaire d’urgence est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Elle ne doit en aucun cas se substituer à l’aide au développement, qui elle-même ne doit pas être vécue par les pays qui sont censés en bénéficier comme un véritable diktat. La première façon d’en venir en aide aux pays les plus en difficulté, c’est encore de les respecter, et de leur permettre de bénéficier de leurs propres ressources. Nous devons annuler la dette d’Haïti, et nous acquitter de celle que nous lui devons.

Monsieur le Président, Mme le Haut Représentant, M. le Commissaire, mes chers collègues, nous devons aux victimes d’Haïti de les aider à reconstruire un pays qui était dévasté avant même qu’une catastrophe naturelle ne l’ait totalement renversé.

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3 commentaires

  • Yves Loiseau dit:
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    Ouf , il était temps ! Mais, c’est encore trop peu. Temps de parole: 1 mn et demi, je crois, on ne peut pas dire grand chose de plus. Mais… il faut maintenant faire des propositions concrètes pour la Renaissance et surtout -parce que vous avez été élus pour ca- des propositions nouvelles -après autocritique publique- sur la façon dont « l’Europe  » a gère cette crise pour 2 raisons:
    – le Parlement a aujourd’hui autant de pouvoirs que la Commission
    – si les écolos ne font que des propositions « écolos » ils ne seront plus crédibles sur les autres sujets.

  • Anonyme dit:
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    Merci de votre travail. Merci aussi de nous tenir informés. Vous n’êtes pas seule.

  • henno philippe dit:
     - 

    bravo pour cette intervention.vous auriez peut ètre du evoquer les ravages occasionnès par les idees de milton forman et de son collègue ayeck salutations henno philippe

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