Interdire les « credit default swap non couverts » : c’est bien mais ça veut dire quoi ?

17 novembre 2011
« C’est la première fois que l’Europe interdit une innovation financière et va à l’encontre des intérêts des marchés », se réjouit Pascal Canfin, rapporteur du texte adopté ce mardi 15 novembre 2011 par le Parlement européen. Pour les écologistes, un grand pas démocratique vient d’être fait dans la bataille pour remettre de l’ordre et redonner un peu de sens au monde de la finance. Mais encore faut-il comprendre de quoi on parle ! Lexique.
D’ici un an, les fameux « credit default swap » (CDS) seront interdits en Europe. Pas tous : seulement ceux qui sont « à nu » ou « non couverts ». Les CDS ? Ce sont des outils financiers qui permettent de s’assurer contre le risque de faillite d’un Etat ou d’une entreprise… Mais alors que dans le monde réel, il n’est possible d’assurer que ce que l’on possède, dans le monde de la finance vous pouvez vous assurer sur la maison du voisin. Les CDS se sont donc rapidement transformés en un moyen de parier sur la faillite des pays pour les fonds spéculatifs (qu’on appelle aussi les « hedge funds ») qui pourtant ne possèdent aucune obligation de cet état. C’est cette pratique des CDS « non couverts » à laquelle le Parlement vient de mettre un coup d’arrêt cette semaine à Strasbourg.

L’accord qui a été trouvé en co-décision avec le Conseil européen, qui réunit les Etats-membres, et la Commission européenne, l’exécutif, est une grande victoire pour le Parlement. Si l’Allemagne et l’Autriche par exemple ont toujours soutenu cette ligne, ce n’était pas le cas pour de nombreux pays qui s’opposaient à toute restriction sur les CDS. Si certains Etats comme le Royaume-Uni était idéologiquement contre, la pression des marchés avait aussi poussé certains pays comme l’Italie et Espagne, qui traversent une situation de tension sur leurs dettes souveraines, a refusé toute mesure qui risquerait de perturber le financement de leur dette.


Contre la spéculation sur les dettes des Etats

Afin de répondre aux craintes de ces pays, le Parlement a accepté dans le compromis final d’introduire une possibilité d’« opt out » qui est ni plus ni moins une « issue de secours » si cette interdiction venait à perturber le financement de ces pays. Pour autant, concrètement ré-autoriser les CDS non couverts ne sera pas une mince affaire pour un pays. Abandonner symboliquement le contrôle de l’Etat et laisser les marchés financiers agir à leur guise ne fait pas recette dans l’opinion publique qui, en s’appropriant ce débat, pourrait s’y opposer. D’autre part, surtout en temps de crise, ré-autoriser ce produit financier spéculatif ne servirait à rien et ne ferait qu’augmenter les difficultés d’un pays… Mais le rapport de force politique a ses raisons qui s’éloignent parfois du bon sens.

Le texte voté par le Parlement réglemente dans une deuxième partie les « ventes à découverts » à l’horizon 2012. Que veut dire « vendre à découvert » ? « Disons que je vous achète une action 100 euros et que je vous la livre dans trois jours, explique Pascal Canfin. Entre temps, je vais essayer de spéculer à la baisse pour augmenter ma marge… » Cette technique pousse tout le monde à aller à la baisse de manière massive et une fois de plus aggrave considérablement les tensions. Si certains Etats-membres comme la France, l’Espagne, l’Italie ont déjà pris des mesures contre la vente à découvert, l’Europe ne s’était pas encore prononcé d’un bloc. Un cadre européen est désormais créé et le droit européen harmonisé.

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4 commentaires

  • arzi77 dit:
     - 

    Bonjour

    Ce premier pas pour qu’il ne soit plus interdit de… « rêver a ce cauchemar… »(d’ultra libéral) que sont les « restrictions réglementaires par la puissance publique », va dans le bon sens !
    Cependant… lorsqu’on connait la combinatoire infernale entre les articles 49, 63, & 123 du Traité de Lisbonne, on voit l’étendue du chemin qui reste a parcourir pour que l’UE ne soit plus seulement un « territoire de libre prédation »… un territoire ou après avoir mis les peuples sous la tutelle des agences de notation, on peut vendre à l’encan leurs meilleurs morceaux (le Port du Pirée aux Chinois, par exemple).

    Sinon, l’explication sur les CDS est comprehensible, mais celle sur les ventes a decouvert semble confuse et sans doute erronée ?

  • sourisverte dit:
     - 

    Merci à Pascal Canfin d’expliquer si clairement aux profanes, dans la vidéo, l’effet hautement pervers des « ventes à nu de CDS » sur les dettes souveraines, et combien il était utile de les interdire.

    Un seul regret, mais de taille ! Que cette mesure ne puisse prendre effet immédiatement ! Où en serons-nous dans un an ?

  • sourisverte dit:
     - 

    L’explication de la vente à découvert, dans l’article sous la vidéo, est incompréhensible, me semble-t-il. Il faudrait la reprendre. Celui qui vend à découvert sait qu’il peut emprunter les titres (il a la confiance du prêteur), ou mieux, fait l’emprunt d’abord, vend ensuite et rachète au moment opportun dans le délai de 3 jours dont il dispose, pour rendre au prêteur.

    Je vois que quelqu’un vous en a déjà fait la remarque. Vous devez pouvoir rectifier…

    D’autre part, ces spéculations se déroulent plus souvent à partir d’options à terme émises par les grandes banques qu’à partir des actions elles-mêmes. C’est un autre problème.

    Heureusement, les obligations souveraines avaient été jugées jusqu’à la crise trop sûres pour que les banques aient l’idée saugrenue de lancer de tels produits spéculatifs sur elles, en-dehors des produits d’assurance crédit (CDS). Je crois.

    • Anonyme dit:
       - 

      Merci pour vos contributions. Nous allons essayer le plus rapidement possible d’améliorer la partie ‘vente à découvert’ et pourquoi pas d’y accorder un article à part entière.
      bonne lecture !
      L’équipe du site

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