L’Europe face à la crise

25 juillet 2011
Le sommet européen a mis sous contrôle l’incendie grec qui menaçait de se propager à l’euro et de ravager des pans entiers de l’économie européenne. Mais la stabilité à long terme reste à construire, autour des mécanismes de la solidarité européenne qui, par le passé, ont démontré leur efficacité.

L’engrenage de la crise s’est enclenché en 2008 avec la crise des « subprimes » américaines, c’est-à-dire une dette énorme contractée par des gens qui ne seraient jamais en mesure de la rembourser. Tout part de là : à force de « tirer la croissance », et même « d’aller la chercher avec les dents » comme le proclamait Sarkozy alors qu’il venait de gagner les élections présidentielles en 2007, le modèle productiviste de « la croissance qui crée des emplois », et cela de manière continue sans jamais ralentir, s’est littéralement « crashé » aux USA, dont la crise économique, par son effet de taille, a eu un impact dans le monde entier.

Les subprimes américaines ont propagé leur contamination au système économique européen, effet immédiat de l’interpénétration des économies occidentales. Les banques ont été aussitôt atteintes, principalement celles des pays les plus proches économiquement, et politiquement, des USA : Royaume Uni, Irlande, Islande, et l’Europe du Nord en général. Mais les subprimes n’étaient pas qu’américaines. En Europe même, le modèle productiviste a fait ses propres ravages, et le phénomène d’un endettement démesuré des ménages s’est produit également en Irlande, en Espagne, au Portugal et en Grèce. D’où en Europe aussi le renflouement des banques par les États, notamment la Grande Bretagne, l’Irlande et même l’Allemagne, amenant le creusement de la dette des États, celle que l’on appelle la « dette souveraine ». Ceux qui ne pouvaient pas suivre ont été balayés comme l’Islande, et la Grèce désormais.
Enfin, troisième facteur de vulnérabilité d’un système économique, sa dépendance, ce que les économistes appellent la « balance des paiements », c’est dire que, quand elle est négative, vous dépensez davantage en importations (énergie, biens industriels et de consommation, etc…) que ce que vous êtes capables d’exporter, y compris par le biais de l’activité touristique qui permet de faire, en quelque sorte, de « l’exportation sur place ».

La Grèce a cumulé les trois : exposition du système bancaire au plan international, surendettement démesuré de l’État et des ménages, et dérive de son système économique vers un tout-tourisme de services au détriment des secteurs productifs agricole et industriel. S’y est ajoutée une pratique détestable du mensonge statistique pour donner le change durant toutes les années avant la crise. La Grèce a donc une situation tout à fait à part, y compris vis-à-vis de ses « compagnons d’infortune », Irlande, Portugal, Espagne, voire Italie.

L’Italie, dont les traditions bancaires prudentes n’ont jamais été remises en cause, et dont la structure économique productive reste conséquente, a les atouts pour échapper, malgré un système étatique peu productif et consommateur à l’excès de dette publique, à la tourmente des marchés. Encore faut-il que l’incendie grec soit circonscrit !
Le Portugal se rapproche du cas grec, avec une économie largement déstructurée, c’est-à-dire peu en mesure de faire face à l’endettement qui est désormais le sien. Mais les proportions sont moindres, et ils ont des atouts que les Grecs n’ont pas, notamment l’épaulement de leur système bancaire, par ailleurs peu impacté par la crise américaine, sur les économies en pleine croissance de son ancien empire colonial, notamment Brésil et Angola.

Cela vaut aussi pour l’Espagne avec l’Amérique du Sud. Mais le désordre interne des subprimes y a été tel que l’économie espagnole traverse une crise énorme, portant le chômage à 20%, un taux épouvantable. D’où la propagation là-bas très importante de la contestation des « indignados » sur les places des grandes villes, Madrid, Barcelone, etc…

L’Irlande, elle, a subi de plein fouet la contamination de la crise mondiale doublée de l’effet des « subprimes internes » du fait d’un endettement énorme des ménages dans l’immobilier. Elle s’accroche à son économie productive obtenue pour beaucoup grâce à un système fiscal avantageux en faveur de l’implantation d’entreprises américaines. Pour cela elle résiste obstinément à « l’harmonisation européenne » que Bruxelles veut lui imposer en contrepartie de sa solidarité. Et elle a raison !

Mais aucun de ces pays ne résisterait si l’incendie grec n’est pas contenu. L’issue serait alors un « décrochage » de tous ces pays, et d’autres, Chypre et Malte, obligatoirement, la Belgique peut-être, voire même la France, qui glisseraient hors de la zone euro.
Les mesures annoncées sont importantes, et même rassurantes pour l’immédiat. En réduisant de facto la dette grecque d’environ 40%,- ce que les banques devront assumer même si on essaie de faire semblant de dire qu’il n’y a pas eu défaut de paiement-, en réduisant les taux d’endettement par le jeu de la solidarité européenne, et en armant le système économique de l’euro de moyens d’action nouveaux que la « souveraineté des États » interdisait jusqu’à présent, la situation de la Grèce apparaît sous un jour nouveau. Et donc celle de tous les autres.

Mais il reste une inconnue de taille : comment permettre aux économies périphériques de l’Union Européenne de retrouver des performances économiques valables ? Les mécanismes de « régulation territoriale » qui répartiront mieux la richesse économique sur tout le territoire européen devront à l’avenir être largement renforcés. Et, dans l’immédiat, l’espace méditerranéen doit impérativement être consolidé.

François Alfonsi.

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