Les mineurs isolés étrangers : un enfant avant d’être un migrant

19 mai 2010
Difficile à chiffrer, la situation des mineurs étrangers non accompagnés arrivant en Europe n’en reste pas moins alarmante. Eurostat estime à 10.960 le nombre de mineurs non accompagnés ayant demandé l’asile en 2009 dans 22 États membres, ce qui représente une hausse de 13 % par rapport à 2008. Et pourtant ces chiffres n’incluent pas tous ceux livrés à eux même et n’ayant fait aucune demande de protection. Certains évaluent à 100.000 le nombre de mineurs étrangers isolés sur le territoire de l’Union européenne. L’épisode des jeunes mineurs Afghans dans la jungle démantelée de Calais en 2009 y a donné un visage mais pas de réponse.
Les disparités entre les Etats membres sont flagrantes : face à la Hongrie qui interdit rigoureusement la rétention de mineurs, la Grèce l’a érigé en réponse systématique. Réduire ces écarts en harmonisant par le haut, en s’appuyant sur les bonnes pratiques existantes, doit constituer la ligne directrice d’une démarche commune aux Etats membres afin de s’assurer du respect en toutes circonstances de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le nombre croissant de ces mineurs non accompagnés ainsi que l’urgence de leur situation exigent une réponse rapide et durable en conformité aux droits de l’enfant.

Dans le cadre du programme de Stockholm, la Commission européenne vient d’adopter le 6 mai dernier un « plan d’action pour les mineurs non accompagnés » pour la période allant de 2010 à 2014. Celui-ci s’articule autour de trois champs d’action:
(1) empêcher les tentatives périlleuses de migration par de la prévention
(2) garantir l’accueil et les garanties procédurales dans l’UE pendant la migration
(3) rechercher des solutions durables par le retour et la réinsertion dans le pays origine ou l’octroi d’un statut juridique particulier lui permettant de s’intégrer dans l’Etat où il réside.

Malgré la réaffirmation dans ce plan d’action de l’intérêt supérieur de l’enfant conformément à la Charte des droits fondamentaux et à la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, ces trois objectifs n’expriment pas la primauté du caractère de « mineur » sur celui de « migrant ». Pourtant, cette compréhension de la problématique des mineurs isolés étrangers doit rester au centre de toute législation concernant cette population extrêmement vulnérable.

1- Avant la migration : quel type de prévention?

Le plan d’action donne la part belle à la prévention dans les pays d’origine, notamment afin de prévenir les migrations dites « dangereuses ». Si le financement de projets dans le pays d’origine est nécessaire afin de sensibiliser les individus sur la réalité des parcours migratoires, cet appui financier ne doit pas justifier la mise en place de nouvelles barrières à l‘entrée dans l‘Union européenne ni à un retour automatique. Par exemple, le financement de centres d’accueil tels que des orphelinats dans les pays tiers ne saurait motiver le renvoi d’un mineur. Ensuite, on peut douter de la pertinence de la proposition de la Commission de mandater Frontex- agence de gestion des frontières extérieures, majoritairement composée de militaires- pour mettre au point des évaluations et analyses de risque relatives à ces mineurs isolés étrangers. Une entité plus qualifiée et indépendante comme l’Agence pour les Droits Fondamentaux serait sans aucun doute mieux à même de conduire une telle mission. Enfin, il faut rappeler que les difficultés du parcours migratoire de ces individus sont souvent le produit des politiques migratoires elles-mêmes.

2- Pendant la migration: améliorer et harmoniser les garanties procédurales et d’accueil

Le plan d’action met l’accent sur l’harmonisation des mesures d’accueil et sur le renforcement des garanties procédurales. Il est vrai que la situation de ces mineurs varient beaucoup selon leur pays d’arrivée ou encore leur statut (réfugiés, demandeurs d’asile, situation non régulière,..).
D’abord, les lieux d’hébergement doivent être appropriés et possibles pour l’intégralité de ces mineurs: tous ont besoin d’un abri qu’il soit d’urgence ou de long terme. Le fait que de nombreux mineurs fuguent de ces centres ne doit en aucun cas justifier cette carence d’hébergement. La situation dans le Calaisis est significative des effets dramatiques du manque de politique de logement adaptée.
Quant aux garanties procédurales, elles sont essentielles pour rendre effectif l’intérêt supérieur de ces mineurs et de leurs droits. Il est par exemple essentiel d’assurer que les représentants de ces mineurs soient adéquatement qualifiés, à la fois en matière de protection de l’enfance et du droit des étrangers, tout au long du processus décisionnel. Aussi, plus qu’un simple recensement des meilleures pratiques dans la détermination de l’âge, un indicateur commun est indispensable. A l’heure actuelle, de nombreux Etats utilisent un examen osseux dont la fiabilité scientifique est nulle. La marge d’erreur peut aller jusqu’à 18 mois! Dans tous les cas, le bénéfice du doute doit clairement aller à la faveur du mineur. Ensuite, la Commission reconnaît à bon escient le besoin d’arrêter dans les 6 mois une décision sur l’avenir de l’enfant afin d’éviter l’écueil des Etats Membres, qui trop souvent font trainer les décisions pour mieux expulser les mineurs ayant atteint la majorité. En revanche, la rétention de mineurs même exceptionnelle ne peut être justifiée en aucun cas.

3- Après la migration: la recherche de solutions durables

Le retour dans le pays tiers ne doit pas être l’horizon indépassable des mineurs non accompagnés. Un temps d’accueil est nécessaire afin de comprendre la situation du mineur, de pouvoir échanger avec lui sur les possibilités qui lui sont offertes, son projet de vie tout en assurant sa protection. Cela ne peut se faire que dans le temps, c’est pourquoi les renvois immédiats de mineurs tels que ceux en zone d’attente sont totalement inacceptables. Une évaluation tout à fait scrupuleuse de l’intérêt supérieur de l’enfant, en se posant notamment la question de sa sécurité, de sa protection et de son avenir est absolument nécessaire avant toute décision. D’autant que comme le souligne la Commission, les Etats membres peuvent expulser les mineurs non accompagnés appréhendés à l’occasion du franchissement irrégulier de leur frontière extérieure en les privant du peu de garanties prévues par la directive Retour, comme l’accès au système éducatif de base.

La possibilité proposée par la Commission de réinstallation durable dans l’UE des mineurs non accompagnés réfugiés après examen minutieux de l’intérêt supérieur de l’enfant et de son projet de vie représente une véritable avancée. Enfin, l’intérêt supérieur de l’enfant devrait exclure du champ d’application des accords de réadmission les mineurs isolés étrangers, alors que pour le moment ces accords leur sont pleinement applicables.

Par cette législation, l’Union européenne a le pouvoir de transformer la situation de maltraitance des mineurs isolés étrangers en Europe en contraignant les Etats membres à mettre en œuvre effectivement les droits de ces enfants.
Europe Ecologie s’engage à ce que le Parlement endosse pleinement son rôle de colégislateur garant des droits fondamentaux afin d’établir une véritable protection européenne de ces mineurs isolés étrangers
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