Quelle nouvelle taxe carbone en 2010 ? Une méthode à changer, par Yannick Jadot

11 janvier 2010
Tribune parue dans le Monde, 8 janvier 2010

La contribution climat-énergie avait fait l’objet, lors du Grenelle de l’environnement, de longues discussions et d’accords de principe entre syndicats, entreprises, associations, collectivités locales et Etat. En 2009, la commission Rocard avait proposé des modalités précises de mise en oeuvre. On peut considérer que ces processus aboutissaient à une forme de compromis social au service de l’intérêt général, un équilibre fragile entre les objectifs environnementaux et économiques, et l’équité sociale.

Les exonérations de taxe carbone concernant les industries les plus polluantes, pour l’instant soumises à une « bourse du CO2 », étaient trop nombreuses selon le Conseil constitutionnel.

En remettant en cause l’un après l’autre ces principes et modalités d’application au fur et à mesure que les lobbies défilaient dans les bureaux de ses conseillers, et en faisant de la taxe carbone un enjeu de communication personnelle, Nicolas Sarkozy a pris la responsabilité de rompre les équilibres délicatement construits et de susciter la polémique politicienne.

Les arbitrages du président ont cassé l’énorme potentiel d’efficacité énergétique et sociale de la contribution climat-énergie : signal prix insuffisant, manque de prévisibilité à long terme, absence de critères sociaux pour les compensations, multiplication des exonérations, exemptions des industriels… Après les critiques des écologistes, Nicolas Sarkozy s’est attiré la sanction du Conseil constitutionnel.

La décision du Conseil est une opportunité pour relancer le débat sur la contribution climat-énergie. Le gouvernement a le choix. Il peut, ce qu’il semble privilégier, revoir a minima la taxe carbone en maintenant autant que possible les exonérations, abusant de l’argument des pertes de compétitivité, et maintenir le pays en état d’ébriété énergétique et de dépendance au pétrole et au nucléaire. Une autre approche, que nous défendons, comprend trois éléments.

Premièrement, il faut reprendre le compromis de la commission Rocard sur le prix de départ de la tonne de CO2 et surtout sa progressivité, et sur l’absence d’exonérations pour les secteurs économiques non couverts par le marché carbone européen.

Deuxièmement, afin de répondre aux objections du Conseil constitutionnel, le gouvernement doit appliquer le même dispositif aux industriels français soumis au marché carbone européen et qui reçoivent des quotas carbone gratuits, c’est-à-dire la quasi-totalité d’entre eux. Ainsi, le gouvernement ne doit exonérer aucune industrie mais peut prévoir de redistribuer une partie des recettes à certains secteurs : aux entreprises qui optent résolument pour des pratiques écologiques plus responsables et font la preuve d’une atteinte grave à leur compétitivité internationale.

Taxation de l’électricité

Troisièmement, le gouvernement doit réunir toutes les parties prenantes (à l’image du Grenelle, en ajoutant des représentants des formations politiques du Parlement) pour construire un compromis sur les modalités d’application de la contribution climat-énergie qui n’ont pas été précisées. Et évidemment s’engager à faire siennes les conclusions de ce groupe. Ces modalités concernent la taxation de l’électricité, et notamment du chauffage électrique, acteur important de l’effet de serre, et l’utilisation des recettes de la contribution.

Sur ce dernier point, nous proposons de créer un fonds de transition énergétique dont les priorités seraient le financement d’un programme de rénovation thermique des bâtiments, en particulier le logement social, l’investissement dans les infrastructures de transports collectifs et le soutien à la transition des secteurs comme l’agriculture, la pêche et le transport routier de marchandises, qui sont au bout de leur logique de concentration, d’intensification et de libéralisation, et dont la survie repose dorénavant sur le dumping social et environnemental. Ce fonds devrait également être abondé par la réaffectation des soutiens publics incompatibles avec les objectifs de transition énergétique (autoroutes, nucléaire, agrocarburants…).

L’accroissement des inégalités sociales, la raréfaction des ressources et les changements climatiques imposent une révolution fiscale en France. Des centaines de milliers d’emplois en dépendent. Il reste quelques mois avant qu’une « nouvelle » contribution climat-énergie soit présentée au Parlement. C’est le temps nécessaire au débat démocratique. A chacun d’être responsable. Le président de la République doit être le premier d’entre nous.

Yannick Jadot est eurodéputé Europe Ecologie, ancien négociateur du Grenelle de l’environnement.

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