Sommet de Cordoue sur l’intégration des Roms : L’UE n’est pas à la hauteur

12 avril 2010
Le Second Sommet Européen des Roms qui s’est tenu à Cordoue les 8 et 9 avril derniers s’est montré extrêmement décevant. Le 25 mars 2010, le Parlement Européen avait rappelé à l’ordre la Commission en défendant la création d’une véritable stratégie européenne pour l’intégration des populations Roms dans l’Union Européenne. Ce sommet faisait suite à la première conférence de Septembre 2008 qui a manqué à l’objectif d’améliorer l’intégration des Roms au sein de l’Union Européenne. Et pourtant, la campagne menée par le nouveau parti écologiste hongrois, dont l’affiche de campagne mettait les Roms en première ligne, montre une réelle volonté d’intégration des populations voyageuses.
L’Espagne aurait dû jouer un rôle moteur pour l’impulsion d’une réelle stratégie européenne, mais a provoqué de nombreuses déceptions malgré les 107 millions d’euros débloqués en faveur de la population Gitane à l’issue de la rencontre. Souvent désignée comme un pays modèle d’intégration des populations voyageuses, l’Espagne était en effet attendue au tournant. Si la situation est loin d’être idéale, de nombreuses populations Gitanes espagnoles vivent dans des conditions bien plus supportables que dans le reste de l’Union. A travers les siècles, l’Espagne s’est appropriée la richesse culturelle des Gitans (Flamenco, Carmen) leur permettant plus d’intégration dans la vie publique. Parallèlement, une politique de sédentarisation forcée, discutable, a été mise en œuvre, réduisant les tensions entre différents modes de vie. Enfin, l’Espagne a su laissé se structurer un mouvement associatif « pro Gitan », dont de nombreuses organisations, telle l’Union Romani, participent de manière intégrante aux différents processus de décision, notamment aux sommets intergouvernementaux comme à Cordoue.

Restent de nombreuses questions : quelle politique d’accès à la citoyenneté pour les populations immigrées ? quelle politique d’intégration des populations souhaitant rester mobiles ? quelle politique d’identité pour ces, toujours, « citoyens de seconde zone » ? Les changements récents (diversification des populations, notamment due à l’immigration de Roms d’Europe de l’Est ; diversification de l’emplacement géographique des anciennes et nouvelles populations Rom et Gitane) amplifient les défis à relever malgré la multitude des pistes à explorer : politiques d’attribution des fonds européens, notamment dans le domaine du logement et de l’emploi ; développement des méthodes de démocratie participative permettant d’intégrer les différentes catégories de population ; vaste campagne européenne d’accès aux droits dans chacun des Etats-Membres, portant les différentes thématiques d’accès au logement, à la citoyenneté et à l’identité, à la protection judiciaire et sociale, etc ; élaborer enfin une stratégie de lutte contre le racisme et la discrimination dont sont victimes les populations Roms et voyageuses. Le prochain défi sera de faire de tous ces éléments des outils durables de toutes les populations migrantes à venir, européennes ou non européennes, qui devraient se multiplier dans les années à venir du fait, entre autres, du changement climatique.

Mais Zapatero, boudant le sommet, n’a pas encouragé la participation des ministres et chefs d’Etat des membres de l’UE. Et tandis que ce sommet apparaissait comme un fiasco fait de justes analyses, de pieuses promesses et vide de propositions, les Verts hongrois obtenaient un score sans précédent au premier tour des législatives, avec une campagne basée sur le vivre-ensemble entre hongrois et populations Roms qui constituent, en Hongrie, la plus importante minorité.

Le LMP, « Faire de la politique autrement », nouvellement entré sur la scène politique hongroise et membre observateur du Parti Vert Européen, s’est construit dans un mouvement similaire à celui marquant Europe Ecologie : il rassemble très largement les associations environnementales, mouvements sociaux et écologistes qui souhaitent apporter un nouveau souffle à la politique hongroise. Cette coopération originelle entre mouvements divers explique surement leur volonté de se battre pour l’intégration de tous à la société hongroise. Leur victoire est due à l’émergence de l’écologie politique sur la scène internationale mais aussi à ce volontarisme sans précédent. C’est également le rôle des Verts, au Parlement Européen, que de pousser à la mise en place d’une réelle stratégie pour les Roms, basée à la fois sur l’anti-discrimination et l’interculturalité, la défense des libertés et des droits individuels et la correcte appropriation des fonds régionaux européens.

Dans cette bataille, les Verts ne sont pas sans alliés. La défense de la situation des Roms traverse les groupes politiques et se fait de plus en plus présente dans l’opinion. Les Etats-Membres ont également une responsabilité dans cette stratégie : en premier lieu, concentrer leurs efforts sur l’intégration plutôt que sur les expulsions forcées, investir dans l’éducation plutôt que dans les centres de redressement, mettre en avant les initiatives locales, être à l’écoute des populations comme celles de la population Toulousaine à qui j’ai rendu visite le 6 avril dernier, et qui vivent dans des conditions déplorables, invisibles pour qui ne veut pas les voir. Il faudra toutefois se montrer vigilants : les réalités sont diverses entre les gitans espagnols, les Roms fraîchement immigrés et naturalisés, entre ceux qui ont gardé un mode de vie mobile et ceux qui se sont sédentarisés. Prendre en compte la complexité et la diversité des situations est indispensable à la mise en place d’une véritable stratégie européenne pour l’intégration des Roms en Europe, dans le respect de l’altérité et des droits humains. Pour que l’Europe soit unie, dans toute sa diversité.

Catherine Grèze

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