Tibor Navracsics, une nomination qui sent le souffre

1 octobre 2014
Tibor Navracsics, ancien Ministre de l’Administration publique et de la Justice, et Ministre sortant des Affaires étrangères et du Commerce hongrois a été proposé par son pays au poste de Commissaire européen. S’il est confirmé par le Parlement européen, il devrait hériter de l’éducation, de la culture, de la jeunesse et de la citoyenneté.

Sa nomination est particulièrement alarmante. C’en est presque une insulte à toutes celles et tous ceux qui défendent la démocratie, la liberté d’information et d’expression, l’éducation et la participation active des jeunes et de la société civile comme principes fondamentaux. Le Commissaire en charge de l’Education, de la Culture, de la Jeunesse et de la Citoyenneté devrait avant tout incarner les valeurs humanistes du projet européen, valeurs d’une société ouverte et inclusive pour toutes et tous.

Or M. Navracsics est un proche conseiller du Premier ministre Viktor Orbán, dont les dérives autoritaires et les atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux de son gouvernement ont été à plusieurs reprises critiquées par la Commission et le Parlement européens, grâce notamment au travail de notre collègue l’eurodéputé vert portugais Rui Tavares. En tant que Ministre de l’Administration publique et de la Justice, Navracsics a été l’instigateur de la réforme des médias hongrois qui, en 2011, a placé médias publics et privés sous la supervision du gouvernement, muselant ainsi toute critique ou opposition.

Nous ne pouvons pas non plus oublier que c’est sous sa responsabilité qu’a été votée en 2013 la réforme constitutionnelle subordonnant de fait le pouvoir judiciaire aux pouvoirs législatif et exécutif, confinant le Conseil national de la magistrature à un rôle purement consultatif, et privant largement la Cour constitutionnelle de ses pouvoirs.

Et les récents événements en Hongrie ne peuvent que nous alarmer davantage ! Depuis sa réélection au printemps dernier, le gouvernement hongrois a lancé une vaste campagne d’attaques visant la crédibilité des ONG hongroises et s’efforce de mettre la main sur leurs ressources financières. Le 8 septembre dernier, la police a envahi les locaux d’Ökotárs et Demnet, deux ONG responsables de la distribution des subventions accordées par le gouvernement norvégien à la société civile hongroise. Deux semaines plus tard, les autorités fiscales leur coupaient les vivres. Le Premier ministre Viktor Orbán a visiblement dressé une liste de 13 ONG considérées « ennemies » du gouvernement. Amnesty International Hongrie et le Conseil de l’Europe ont réagi pour interpeller la communauté européenne sur le sujet à l’instar des Verts/ALE, qui ont dénoncé ces actions dans une lettre ouverte et appelé le Parlement européen à agir au plus vite.

Pourtant, si M. Nacracsics était confirmé par le Parlement européen, il aura non seulement le pouvoir de limiter ou de bloquer toute initiative législative européenne visant à soutenir l’éducation, la culture, la jeunesse et la citoyenneté, mais il aura également la main sur les fonds alloués aux ONG pour des projets visant à promouvoir et à renforcer la citoyenneté européenne.

La liberté d’expression est un principe essentiel de tout système démocratique et un droit reconnu par la Charte européenne des droits fondamentaux. Comme un principe fondateur de l’Union, la liberté d’expression doit être non seulement protégée, mais aussi « promue » entre les États membres (art. 49 du traité de l’Union européenne). Toutes les actions destinées à limiter l’activité des organisations des droits de l’homme ou d’intimider leurs dirigeants et militants violent non seulement les règles contraignantes de l’Union, mais également le principe de coopération loyale qui doit caractériser les relations entre l’Union et ses États membres (art. 4 p. 3 TUE). ?

Parmi les Commissaires désignés, nous, élus européens écologistes identifions plusieurs candidats aux profils hautement problématiques. Parmi ceux-ci Tibor Navracsics est clairement en première ligne. Nous appelons nos collègues du Parlement européen à ne pas se résigner en tournant l’audition de Navracsics en mascarade et à résister au sacrifice des portefeuilles éducation, culture, jeunesse et citoyenneté.

Karima Delli
Pour la délégation Europe Ecologie au Parlement européen.

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Un commentaire

  • Hermann LUGAN dit:
     - 

    Merci pour cet engagement clair. Espérons que vous parveniez à convaincre vos collègues députés et que les nominations ne se fassent pas paradoxalement sur l’autel de l’union des deux grands partis pour endiguer les eurosceptiques…

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