Le nucléaire n’est pas une solution pour le climat !

29 novembre 2019

Un cheval de Troie français s’est incrusté dans le paragraphe sur l’énergie nucléaire de la résolution sur la COP 25. Une version pro-nucléaire de cet amendement ayant finalement été adoptée, les eurodéputé·e·s Europe Écologie ont dû voter contre la résolution sur la COP 25 malgré d’autres belles avancées dans le texte. Réaction de Michèle RIVASI.

Le Parlement européen a adopté ce jeudi 28 novembre deux résolutions. Une première pour déclarer l’état d’urgence climatique et une seconde sur la COP25. C’est une bonne nouvelle, les eurodéputé·e·s demandent aux États et à la Commission européenne d’agir immédiatement afin de contenir la hausse des températures mondiales en dessous de 1,5°C.

Toutefois, un cheval de Troie français s’est incrusté dans le paragraphe sur l’énergie nucléaire de la résolution sur la COP 25. Initialement, le texte stipulait que l’énergie nucléaire n’est ni sûre ni durable sur le plan environnemental ou économique. Ce paragraphe a été effacé par un amendement exprimant que l’énergie nucléaire peut contribuer à atteindre les objectifs climatiques dès lors que celle-ci n’émet pas de gaz à effet de serre.

Cet amendement pro-nucléaire étant adopté, les eurodéputé·e·s Europe Écologie ont dû voter contre la résolution sur la COP 25 malgré d’autres belles avancées dans le texte. Mais c’est dans les textes sur le climat que la bataille actuelle contre le nucléaire se joue.

Déclaration de Michèle RIVASI, eurodéputée des Verts/ALE et co-fondatrice de la CRIIRAD :

 » Ce genre de paragraphe pro-nucléaire s’immisçant dans les textes climatiques est très dangereux. Le choix politique du nucléaire ne peut que reposer sur la tentative de sauvegarde d’une industrie en échec, mais elle ne peut être présentée comme une réponse aux enjeux climatiques. Les promoteur·euse·s de l’industrie nucléaire aiment beaucoup orchestrer le petit refrain d’une énergie dite « décarbonée » afin de rendre le nucléaire incontournable pour endiguer le réchauffement planétaire. Mais l’énergie nucléaire n’a pas les capacités d’être une solution pour le climat.

Si l’on considère l’ensemble de son cycle de vie, de l’extraction du minerai à la gestion des déchets radioactifs en passant par la construction, l’exploitation et le démantèlement des réacteurs, l’énergie nucléaire émet en moyenne 12 gCO2/kWh avec une fourchette comprise entre 3,7 et 110 gCO2/kWh[1]. Cette fourchette large s’explique notamment par les émissions indirectes, très variables d’une installation nucléaire à une autre, et suivant la région du monde concernée. Avec ce bilan carbone, il est davantage pertinent de mettre en balance l’atome avec les renouvelables qui ont des émissions comparables, qu’avec les énergies fossiles.

En outre, le facteur nucléaire est aujourd’hui secondaire dans l’équation énergétique et climatique dans le monde. Les 453 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde ne pèsent que pour 10% de l’électricité mondiale et ne fournissent qu’un peu plus de 2 % de la consommation d’énergie finale. Pour que l’énergie nucléaire pèse de façon significative, il faudrait changer d’ordre de grandeur en déployant des milliers de nouveaux réacteurs sur le globe. Une perspective irréaliste, aussi bien sur le plan économique que géopolitique ou technique. Leur construction s’achèverait trop tard pour avoir un quelconque impact : les réductions des émissions de CO2 doivent avoir lieu dans les 10 prochaines années, pas après.

Se focaliser sur la France, avec ses 75% de nucléaire dans la production d’électricité, est trompeur. Dans le mix énergétique français, l’atome y participe seulement à 18 % et la priorité reste aujourd’hui de réduire la consommation d’énergie. Les efforts de décarbonation doivent surtout être menés dans les transports (responsables de 30 % des émissions françaises), le bâtiment (20%) et l’agriculture (20%). De plus, le nucléaire coûte de plus en plus cher à côté des énergies renouvelables toujours plus propres, sûres et compétitives. Alors que le démantèlement d’une centrale nucléaire est un casse-tête exorbitant, les composants des ENR sont eux facilement recyclables et représentent des débouchés prometteurs en matière d’emploi.

Enfin, les promoteurs de cette énergie soi-disant peu carbonée oublient de mettre dans leur amendement que c’est une énergie dangereuse, non viable économiquement et sale. La production d’électricité d’origine nucléaire génère des quantités démesurées de déchets : chaque année, 23 000 m3 de déchets nucléaires sont produits, dont une partie sont hautement radioactifs et le resteront pendant plusieurs milliers d’années.

Le Parlement européen a décrété l’état d’urgence climatique et pousse les États membres à être ambitieux lors de la COP25. C’est une bonne nouvelle mais je continuerai à me battre pour qu’aucun euro ne soit dépensé dans les énergies fossiles, ni dans l’industrie défaillante du nucléaire qui cherche une bouée de secours dans les investissements climatiques. »

[1] Dans le rapport 2014 du GIEC, le chapitre 7 décrit pour chaque énergie les émissions de CO2 selon l’analyse de leur cycle de vie. La méthodologie du GIEC consiste à compiler des études scientifiques d’origines variées pour en réaliser une synthèse. Pour les énergies renouvelables, nous avons les valeurs médianes suivantes: le solaire photovoltaïque (46  grammes), l’hydroélectricité (24 grammes), et l’éolien terrestre ou offshore (16 grammes).

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6 commentaires

  • Mersch dit:
     - 

    Bonjour,
    Je me suis laissé convaincra par le programme EELV lors de la présidentielle de 2017.
    J’ai adhéré au parti, pas forcément pour y contribuer mais pour vous aider financièrement car je crois qu’il est important de porter l’écologie au premier plan de la vie politique.
    Mais votre petitesse d’esprit me fait réfléchir à mes engagements. Alors que la communauté scientifique est partagée sur le le fait que le nucléaire soit écologique ou non, vous voté non à l’ensemble d’un texte. Encore une fois, vous avez refusé une idée générale pour un point particulière. C’est dramatique. Je ne suis ni pour, ni contre le nucléaire. Je le vois comme un moyen d’arriver à une limitation du réchauffement climatique. Ce n’est pas le seul, ce n’est peut-être pas le meilleur mais ça reste, que vous le vouliez ou non, un moyen !

    Proposer un financement de la recherche sur le traitement des déchets nucléaire (ce qui aurait dû être fait depuis le début) serait peut-être plus productif que de refuser en bloc le nucléaire ne croyez-vous pas ?

    Je suis toujours convaincu de la nécessité de mettre l’écologie au premier plan de la politique (et pas seulement en parole comme arrivent à le faire si bien d’autre parti), je crois toujours à une écologie de solution. Mais pas en une écologie bornée et campé sur des positions de principes.

    En ce moment d’urgence, merci de mettre de l’eau dans votre vin et de faire passer l’intérêt général DEVANT les intérêts particuliers, ou personnel…

    Merci de m’avoir lu et je vous souhaite une bonne soirée.

    Jean-Sébastien MERSCH

    • Delegation dit:
       - 

      Bonjour Mr Mersch,

      Merci beaucoup pour votre interpellation mais il y a visiblement un malentendu. Ce vote ne traduit pas une volonté de passer le combat contre le nucléaire avant la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, ici notre priorité est de trouver les meilleures solutions viables et réalisables pour répondre aux enjeux climatiques. Nous ne voulons pas laisser croire que le nucléaire puisse jouer un rôle important. Même si nous mettons de côté les problèmes tels que la dangerosité et l’accumulation ingérable des déchets nucléaires, l’industrie nucléaire est une industrie en faillite qui essaie d’être sauvée par des fonds publiques. Aujourd’hui, les 453 réacteurs nucléaires représentent seulement 2 % de la consommation d’énergie finale et 10% de la production mondiale d’électricité. Pour que l’énergie nucléaire puisse peser dans le mix énergétique, il faudrait construire des milliers de nouveaux réacteurs dans le monde. Ce qui est impossible aussi bien du point de vue technique qu’économique.

  • Shane Annigan dit:
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    Si, il s’agit d’une solution, c’est simplement qu’elle ne vous plaît pas. Vous êtes contre par idéologie, alors que la science montre bien qu’en nombre de morts ou en dégâts sur l’environnement il s’agit probablement de la meilleure qui soit.

    Le fait que vous ayiez réussi à voter contre les objectifs de réduction de CO2 au niveau européen parce qu’il y a ce détail dans le texte montre bien que vous êtes intégristes. On se passera de vous pour lutter contre le réchauffement climatique, il y a urgence et on ne peut plus se permettre d’écouter les anti-science de tous bords.

    • Delegation dit:
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      Bonjour,

      Il ne s’agit pas d’un texte législatif sur les objectifs de réductions de CO2 mais d’une résolution sur la conférence sur le climat des nations unies (COP 25). Alors que les discussions sont en cours sur la scène internationale pour lutter contre le changement climatique, nous ne pouvions accepter de dire que le Parlement européen puisse reconnaître un rôle de l’énergie nucléaire dans la lutte contre le changement climatique, et ce pour les raisons détaillées dans cet article : l’industrie nucléaire est en faillite, elle ne pèse pas dans le mix énergétique mondiale, elle émet du CO2 et elle est dangereuse et traîne une gestion ingérable de ses déchets.

      Le même jour, nous avons voté en faveur d’une résolution décrétant l’urgence climatique et demandant à la Commission européenne et aux États membres d’agir immédiatement afin de contenir la hausse des températures mondiales en dessous de 1,5°C. Nous ferons tout pour que cette résolution d’urgence ne reste pas juste symbolique. Le Groupe des Verts/ALE a toujours poussé à avoir des textes ambitieux sur les textes énergétiques et climatiques et à défendre des mesures pour atteindre -65% de de gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2040 pour espérer maintenir le réchauffement sous 1,5° comme le stipule l’accord de Paris, une profonde réforme de la PAC, une refonte de la politique commerciale et aucun euro dans les énergies fossiles et l’énergie nucléaire. Il y a urgence, en effet, les efforts de décarbonation doivent être prioritairement menés dans l’efficacité énergétique, les transports, le bâtiment et l’agriculture. Ce n’est pas le moment de perdre son temps dans une fausse solution. L’industrie nucléaire est en déclin, l’énergie nucléaire coûte de plus en plus cher, alors que les énergies renouvelables sont toujours plus propres, sûres et compétitives.

  • denise dit:
     - 

    Le nucléaire est une vaste arnaque de A à Z , tout simplement parce qu’il faut plusieurs générations pour payer la consommation électrique d’une seule.
    L’expansion économique des années 60 réclamait beaucoup d’énergie, et le nucléaire pouvait techniquement répondre à cette demande mais financièrement, déjà à l’époque, c’était un gouffre (aujourd’hui c’est encore pire) ! Si on vendait le KWh au vrai prix personne n’aurait acheté, donc l’état, pour privilégier la fameuse croissance, s’est endetté pour tricher sur le prix en inventant les tarifs « régulés » bien en dessous du prix du marché (l’écart de prix étant payé par les impôts et la dette …). Et à ce prix tout le monde a acheté …
    Pour résumé : nos parents avaient le choix entre une Twingo qu’il pouvait se payer ou une magnifique Porsche payable à crédit sur plusieurs générations … on leur a fait choisir la Porsche au nom de la croissance économique … consommer et produire toujours plus … on est maintenant au pied du mur !
    Et je ne parle même pas des risques d’accidents …

    L’argument des gaz à effet de serre ne tient pas la route une seconde … le principal gaz à effet de serre c’est la vapeur d’eau et toutes les zones de la planète ou il y a de l’eau ou des forets (donc forte évaporation) sont les plus tempérées … les scientifiques du GIEC oublient simplement de parler de l’effet parasol de l’atmosphère … et si on en parle ça ruine l’industrie nucléaire alors CHUUUUUT !!