Plus d’écologie, c’est plus d’emplois

10 juillet 2009
Dans sa chronique du vendredi 12 juin, Eric Le Boucher revient sur le programme économique d’Europe Ecologie pour le qualifier de « rudimentaire, gauchisant, peu crédible ». En tant qu’initiateur du projet économique et social d’Europe Ecologie, je suis ravi que nos propositions fassent débat dans vos ­colonnes. Et pour que le débat puisse continuer, je propose quelques éléments de réponses à Eric Le Boucher.
Vous mettez en cause l’idée portée par les écologistes que « les secteurs plus économes en énergie sont plus créateurs d’emplois » en vous demandant quel mécanisme explique cette vertu créatrice d’emplois ? La réponse est double. Premièrement, l’intensité en emplois en France des secteurs qui pourraient se développer dans le cadre de la conversion écologique de notre économie (comme l’isolation des bâtiments, les énergies renouvelables, les transports en commun) est supérieure à celle des branches dont l’activité va diminuer, comme l’importation de pétrole ou la fabrication d’automobiles individuelles. Il faut en effet, selon l’Insee, près de seize emplois en France pour générer 1 million d’euros de chiffre d’affaires en isolant des bâtiments quand il en faut moins de trois dans le raffinage du pétrole.

Deuxièmement, l’augmentation prévi­sible du prix du pétrole – alors que la crise bat son plein, il est déjà remonté à 70 dollars le baril – va ponctionner le pouvoir d’achat des ménages, comme ce fut le cas au premier semestre 2008. Les ménages seront donc amenés à réduire leur consommation pour payer leur énergie, entraînant un effet récessif dans le reste de l’économie. Les politiques écologiques d’économies d’énergie qui permettent de diminuer notre consommation de pétrole réduisent également la facture pétrolière, ce qui profite à l’emploi en France dans les autres secteurs. En 2008, nous avons acheté pour 65 milliards d’euros de pétrole et de gaz à l’étranger. Un montant qui représente plus de 3 fois le plan de relance de Nicolas Sarkozy.

Ce sont ces deux mécanismes qui expliquent que toutes les études (OCDE, Commission européenne, WWF, Confédération européenne des syndicats (1)) évaluant l’impact en emplois des politiques de lutte contre le changement climatique aboutissent à la même conclusion : plus d’écologie, c’est beaucoup plus d’emplois créés que détruits. Des emplois largement non délocalisables car, même au siècle de la mondialisation, il reste difficile de faire rouler un bus dans Paris depuis Marrakech ou d’isoler votre résidence varoise depuis Bangalore !

S’il y a donc une véritable convergence d’intérêts sur ces questions entre les forces sociales et environnementales, il serait absurde de nier que, pour le salarié de Continental ou de Renault, fabriquer moins de pneus et moins de voitures individuelles revient à menacer directement son emploi. C’est justement pour cela qu’Europe Ecologie a défendu pendant la campagne la mise en place d’un « revenu de transformation écologique ». Dans de nombreux secteurs, le savoir-faire des ouvriers peut servir à fabriquer autre chose. Mais, pendant la phase de transition, il est impératif de garantir au salarié concerné son revenu antérieur et ses droits à la protection sociale. La conversion écologique de l’économie va de pair avec une sécurisation des parcours professionnels, revendication importante de syndicats comme la CFDT et la CGT. Mais cette conversion d’une « vieille » industrie à une nouvelle peut se faire parfois rapidement. En février, par exemple, Ford annonce la fermeture de son usine située près de Bordeaux. 1.600 salariés sont menacés de perdre leur poste. Quelques jours plus tard, ces emplois seront sauvés grâce à l’investissement d’un industriel allemand qui va y fabriquer principalement des pièces pour les éoliennes. Car le mécanisme qui fait tourner les roues des voitures n’est pas très différent de celui qui fait tourner les pales d’éolienne. Voilà des compétences qui serviront à diminuer notre empreinte écologique au lieu de l’augmenter.

N’en déplaise à certains, en économie, le vert est bien la bonne couleur pour nous sortir du rouge. Et en politique, c’est peut-être aussi la couleur de l’avenir.

(1) Pour une présentation de ces études, voir notamment « L’Economie verte expliquée à ceux qui n’y croient pas », 2007.

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