Réconcilier les femmes et le changement climatique

18 avril 2012
Allier changement climatique et droits des femmes ; c’est un sujet insolite, et pourtant le sujet découle d’un raisonnement précis et concret. Il est à l’ordre du jour du Parlement européen : l’eurodéputée EELV Nicole Kiil-Nielsen présente son rapport.

Femmes et climat par EurodeputesEE

Le 20 avril, le Parlement européen se penchera sur le rapport de l’eurodéputée EELV Nicole Kiil-Nielsen, sur les femmes et le changement ?climatique.

Comme l’explique la députée,

« A chaque crise, à chaque révolution, nous entendons qu’il faut d’abord résoudre le problème, et que les droits des femmes viendront… après. Ce raisonnement est daté et inopérant. Au contraire, les changements climatiques et la justice et l’égalité pour les femmes sont intrinsèquement liés. On ne peut pas proposer de solutions efficaces et innovantes si on n’élargit pas notre champ de vision. D’après une étude réalisée par la London School of Economics et l’Institut Max Planck, les femmes auraient jusqu’à 14 fois plus de risque de mourir durant une catastrophe naturelle ou dans les suites de la catastrophe. »

L’une des premières études qui a permis d’établir l’inégalité homme femme face au changement climatique a été réalisée suite au tsunami de 2004 en Asie, par l’association Oxfam. Pour la première fois, on découvre qu’une catastrophe naturelle fait beaucoup plus de victimes chez les femmes que chez les hommes. Les femmes représenteraient jusqu’à 90% des personnes décédées dans les suites? des catastrophes climatiques. Ainsi au Bangladesh, en avril 1991, un cyclone avait ravagé le pays, laissant près de 150 000 morts. Les victimes étaient à plus de 90% des femmes. Les cyclones sont-ils machos ? Oui, mais la société l’est encore davantage. Et ça ne s’arrête pas aux portes de l’Europe : lors de la canicule en 2003, 70% des victimes étaient des femmes.

Les raisons de cette différence se résument à un problème d’égalité : souvent les femmes sont dans une situation économique plus précaire, elles n’ont donc pas les moyens ou le droit (interdiction de quitter la maison seule) de fuir ou de s’adapter. La différence se joue aussi sur l’accès à l’information : pour se préparer à réagir à une catastrophe, il faut savoir ce qui peut se passer et comment y réagir. A l’inverse, lorsque les femmes sont mises en responsabilité, on obtient des résultats satisfaisants sur les deux fronts : la ville de La Masica au Honduras, grâce à un système d’alerte et de gestion des catastrophes qui incluait les questions de genre, a été la seule à n’enregistrer aucun décès pendant et après l’ouragan Mitch en 1998.

Selon l’eurodéputée, pour lutter? contre le changement climatique, il faut impliquer davantage les femmes et défendre davantage leurs droits. Pour illustrer ses propos, Nicole Kiil-Nielsen relate un exemple en Tanzanie :

« Dans le district du Kilombero, une ONG a lancé un programme pour creuser un puits pour un village. Au bout de deux ans à peine, le puits s’est asséché. On a compris que la consultation de la population pour trouver le bon emplacement n’avait eu lieu qu’avec les hommes du village. Or, comme ce sont les femmes qui collectent l’eau, elles seules savaient où il fallait creuser. Après avoir compris l’erreur, le puits a été creusé à l’endroit indiqué par les femmes et ne s’est jamais réasséché. »

Lorsque l’on apprend, par exemple, que les femmes sont responsables de 80% de l’agriculture en Afrique et qu’elles doivent collecter l’eau et les combustibles pour préparer la nourriture, le rapport avec le changement climatique est plus intelligible. Les impacts du changement climatique sont déjà très concrets pour de nombreuses femmes, qui doivent adapter la recherche de ressources et les cultures aux contraintes climatiques. Ecouter l’expérience de ces femmes, qui sont souvent coupées du monde politique où les décisions sont prises, permet de mettre en place des projets climatiques qui respectent l’environnement et l’humain.

La députée poursuit ; « Je pense que la lutte contre le changement climatique est notre priorité ?absolue. Dans un contexte de crise économique, on voit que l’écologie comme les droits des femmes sont mis à mal, or d’après moi c’est en liant les ?deux que nous proposons une vision politique cohérente et des solutions? efficaces. Nous proposons des choses concrètes comme l’obligation d’avoir 40% de? femmes dans les délégations européennes et les instances de financement des? politiques climatiques, des politiques d’enseignement qui encouragent ?l’accès des femmes aux postes techniques et scientifiques. La lutte contre le changement climatique peut nous permettre dans le même? temps de lutter contre les discriminations et de générer des solutions plus? efficaces. C’est un raisonnement gagnant gagnant. »

Pour mieux adapter les politiques de demain, Nicole Kiil-Nielsens propose une solution concrète ; « Nous souhaitons en outre appréhender davantage la question du genre en demandant une collecte des données par sexe, lors des phases d’évaluation ou de lancement des projets en matière de changement climatique. Cela permettra de mieux adapter les politiques qui seront décidées. »

La rapporteure conclue ; « A l’approche de Rio +20, c’est aussi envoyer un signal positif de plus .»

Vidéo à suivre

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3 commentaires

  • Anonyme dit:
     - 

    Bien sûr, »la Femme est l’avenir de l’Homme »!La « scien
    ce » l’a prouvé:les femmes ont un certain « bon sens » vi
    tal,qui gère toutes les fonctions relatives aux « geste
    s de la vie »,en plus des 5 sens…Pourquoi les prisons
    sont-elles remplies à 80% d’hommes…?

    En Afrique ou sur d’autres continents,y compris en Eur
    ope,le « pivot » incontournable de la société est la fem
    me:au temps des campagnes de pêche à la morue,qui « gé
    rait » la vie au foyer…?Hélas, la France diffère tel
    lement des pays scandinaves,dans la place faite aux
    femmes à occuper des postes de direction de sociétés ou de services publics,de sièges au Parlement…

  • hennion-rolland dominique dit:
     - 

    Texte nouveau et très intéressant. Je regrette seulement la remarque sur la canicule de 2003 où 70% des victimes ont été des femmes: cette canicule a tué les personnes âgées et on sait bien qu’ il y a plus de femmes que d’ hommes âgés, cet argument ne me semble donc pas pertinent.
    Dominique Hennion- Rolland

  • Monique MINACA dit:
     - 

    En 1998 déjà, le cahier spécial N°46 de Femmes d’Europe publication de l’U.E aujourd’hui disparu, dont le titre était  » Les femmes et le développement durable… façonner notre qualité de vie », montrait que l’implication des femmes dans tous les champs du développement durable était non seulement très pertinent mais aussi facteur de qualité de vie. Déjà à ce moment là, il n’y avait rien d’insolite à opter résolument pour l’approche de genre dans tous les champs d’études, de recherches et d’actions liés au développement durable y compris aux changements climatiques et leurs graves conséquences sur les populations dont plus de 50% sont des femmes, faut il le rappeler?

    Aujourd’hui, Il importe surtout de combler un retard méthodologique majeur. En effet, en dehors des pays Nordiques, trop peu de personnes maîtrisent réellement l’approche de genre et les « gender studies » et les utilisent quotidiennement dans leurs politiques. Nous sommes encore souvent dans des systèmes scientifiques et politiques trop aveugles sur le genre qui reste donc un angle mort. Il importe donc que l’ensemble des acteurs hommes et femmes confondus se familiarisent avec l’approche de genre, ses méthodes de travail et surtout les nouveaux indicateurs qui ont été déterminés depuis longtemps et sont déjà utilisés à l’ONU par diférentes directions.

    En fait, l’approche de genre doit devenir une nouvelle culture partagée, c’est un apport scientifique incontournable. Il est même stupéfiant et tellement rétrograde, qu’à ce jour, le fait de rapprocher changement climatique et droits humains soit considéré comme insolite. En effet,les droits humains (droits de l’Homme, en français) comprennent les femmes à part entière, officiellement à l’ONU, depuis 1995 seulement. A ce moment là, officiellement, les études sur les femmes sont devenues études de genre dans l’unité de l’ONU qui se préoccupe du développement. Donc en anglais, de WID à GAD, de « Women in development » à « Gender and dévelopment », et ceci fait une énorme différence.

    Pour que cette évolution majeure ne reste plus confidentielle depuis 1995, il serait temps enfin que tout le monde se mette à jour scientifiquement, pratique et maîtrise l’approche de genre systématiquement. Par exemple, dans tous les champs d’études de la société, il est incontournable aujourd’hui de disposer et de travailler avec des statistiques par sexe, aussi dites genrées.

    Merci à Nicole Kiil-NIelson d’avoir si justement argumenté et fait un plaidoyer indispensable pour que cette approche essentielle soit enfin mise à l’ordre du jour et pour que les femmes, dans leur ensemble, soient enfin pleinement associées aux décisions pour l’ensemble des sujets qui font l’avenir et le renouvellement de nos sociétés.

    Ainsi de l’insolite, l’implication des femmes deviendra normale, courante, pertinente et indispensable.

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