Une marche pour les Sciences et la Vie sur Terre

Nous soutenons la démarche des scientifiques américains qui protestent le 22 avril à l’occasion d’une « Marche pour les Sciences » organisée en réaction aux pressions qu’ils subissent depuis l’élection de Donald Trump. Une marche reprise dans de nombreux endroits de la planète.
 
Chaque jour par leurs recherches, des centaines de milliers de scientifiques font évoluer nos connaissances. L’Humanité n’a pas seulement évolué en raison de la génétique, elle s’est aussi développée grâce aux grandes découvertes scientifiques. C’est pourquoi nous nous inquiétons tant du dévoiement que de l’instrumentalisation des sciences à des fins idéologiques, hors de toute rationalité ou transparence.

L’élection de Donald Trump a déclenché outre-Atlantique une vive réaction de la communauté scientifique, nous partageons ces inquiétudes et c’est la raison pour laquelle nous soutenons la marche pour les sciences du 22 avril. En niant l’origine anthropique du dérèglement climatique actuel – comme l’a fait Donald Trump en supprimant toute référence au climat sur le site de la Maison Blanche – une partie du monde politique porte une responsabilité immense et menace l’avenir même du vivant sur Terre. Il en va de même lorsque les conséquences sanitaires de composants chimiques, tels les perturbateurs endocriniens, ne sont pas objectivement débattues, ni férocement combattues. Nous sommes conscients que cette défiance n’est pas forcément le fruit de l’ignorance et que des enjeux financiers considérables sont en jeu, les multinationales et leurs relais s’organisant pour défendre leurs intérêts coûte que coûte, quitte à occulter des résultats scientifiques ou les falsifier.

Pour nous, l’indépendance de la recherche, seule garantie d’une lutte efficace contre les conflits d’intérêts, constitue l’une des conditions d’une démocratie vivante défendant l’intérêt général : dans une société qui se technicise, le travail scientifique a un rôle de plus en plus central dans le processus décisionnel politique. À cet égard, la protection des lanceurs d’alerte revêt une importance toute particulière et nous dénonçons vigoureusement l’irruption des partenariats public-privé dans les universités qui privatisent la recherche publique et les brevets déposés grâce à nos impôts.

Pour les mêmes raisons, nous souhaitons préserver et défendre le principe de précaution qui protège notre santé et l’environnement dans le respect d’une innovation technologique responsable. Enfin, il est impératif de sanctuariser les budgets de recherche publique, car ils sont désormais en danger car soumis au filtre de politiques publiques austéritaire ou néo-manageriale.

Les écologistes, régulièrement caricaturés en opposants au progrès technologique, rappellent que celui-ci n’a de sens que lorsqu’il rend la société meilleure, au profit de toutes et tous. C’est pourquoi nous parions sur le désintéressement des sciences citoyennes et de l’économie collaborative pour contrer l’hégémonie d’une science au seul service d’intérêts privés. Plus largement, le savoir et la connaissance doivent être reconnus pour ce qu’ils sont, des biens communs dont le partage et la circulation bénéficient à l’ensemble de la société.

L’écologie n’est pas un obscurantisme, c’est un nouveau paradigme qui prend en compte les limites de la planète, s’oppose au mythe de la croissance infinie et critique un scientisme débridé, prétendument fondé sur le génie humain. Le scepticisme moderne fondé par Montaigne et consacré par Pascal est le meilleur moyen d’appréhender la complexité et la finitude de notre monde. Et c’est pourquoi nous n’oublions pas la devise rabelaisienne « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » : la nature humaine n’est forte que lorsqu’elle a conscience de sa faiblesse.

Karima DELLI, Pascal DURAND, Eva JOLY, Michèle RIVASI

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