Le Ghali-gate : Rien ne saurait justifier l’impunité

5 mai 2021

 [Tribune] Le scénario est digne d’un truculent roman d’espionnage. Il prend ses racines dans un territoire disputé depuis plus de 45 ans, « le Sahara Occidental ». En toile de fond : un conflit qui s’aggrave, un cessez-le-feu qui se fragilise, des souffrances et des violations imposées aux populations civiles par l’ensemble des parties, une Union Européenne paralysée et des voisins frères ennemis.

La scène se déroule en Espagne où le Chef du Front Polisario a trouvé refuge incognito au mépris des poursuites judiciaires à son encontre. Nous sommes le 21 avril dernier, Brahim Ghali est hospitalisé d’urgence à Logroño sous le nom d’emprunt Mohamed Benbatouche.

Porteur d’un vrai faux passeport diplomatique algérien, M. Ghali aurait bénéficié d’un avion médicalisé affrété par la présidence algérienne et de la clémence discrète des autorités espagnoles.

Cette manœuvre, véritable maladresse diplomatique, constitue une violation grossière de l’état de droit espagnol et des valeurs de l’UE. 

Le gouvernement espagnol ne devrait pas s’excuser d’avoir accueilli M. Ghali pour « motif humanitaire ». 

Le gouvernement espagnol devrait en revanche s’excuser d’avoir étroitement et secrètement collaboré avec un régime autoritaire à cette occasion. L’accointance ainsi affichée avec le régime algérien vient plomber la crédibilité de la diplomatie européenne quand elle promeut le respect des droits humains vis-à-vis de son partenaire algérien. 

Alors que le Parlement européen demande aux autorités algériennes de mettre un terme à la répression du Hirak et d’avancer sur le chemin de la démocratie, le gouvernement espagnol complote sans égard pour les objectifs droits de l’Homme et démocratie de la politique étrangère européenne. 

Le gouvernement espagnol devrait enfin s’excuser d’avoir voulu consacrer l’impunité au mépris de ses engagements européens et internationaux. En dissimulant l’identité de M. Ghali pour lui permettre d’échapper à ses obligations juridiques, il fait montre d’une politique du deux poids, deux mesures dans son attachement à garantir les droits humains sur son territoire. 

La mobilisation de la société civile et la vigueur du pouvoir judiciaire devraient finalement sauver l’honneur des Espagnol.e.s. Un Magistrat de l’Audience nationale a inculpé ce 4 mai 2021 M. Ghali de génocide et crimes de guerre présumés conformément à la procédure visant une  campagne présumée d’élimination des «élites sahraouies d’origine espagnole» dans les années 1980.  

N’oublions pas qu’il devrait encore répondre d’actes de tortures présumés conformément à la plainte déposée par Fadel Breika. 

N’oublions pas qu’il devrait encore répondre du chef de viol présumé conformément à la procédure introduite par Khadijatou Mahmoud.

N’oublions pas qu’il devrait encore répondre des attentats terroristes présumés de Phos Bucraa conformément au mandat émis contre lui suite aux enquêtes de l’Association sahraouie des droits de l’Homme, de l’Association Canarienne des Victimes du Terrorisme (Acavite) et de la Fédération autonome des victimes d’Espagne (Faavte).

N’oublions pas qu’aucune «cause» ne saurait justifier l’impunité des violations commises en son nom. Il en va de la cohérence du projet européen et de sa capacité à garantir aux victimes l’accès au droit. M. Ghali doit répondre des accusations portées contre lui dans le cadre de procès équitables.

 

Tribune publiée sur Mediapart

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