4e maraude – Claude Gruffat : non seulement ce n’est pas de l’accueil, mais c’est une mise en danger de personnes vulnérables
Quatrième fin de semaine, quatrième tour de garde des Maraudes Solidaires. Député européen, Claude Gruffat arrive à Briançon jeudi 18 février. Il s’apprête à vivre deux maraudes nocturnes et deux maraudes diurnes, 48 heures aux côtés des bénévoles qui œuvrent sans relâche pour la solidarité à la frontière franco-italienne.
Tout se déroule en montagne, dans la neige, dans des conditions de froid éprouvantes. Sur l’ensemble des deux jours et quelques passés à Montgenèvre, je reviens avec énormément d’émotions : c’est choquant et c’est dur. L’état dans lequel sont les exilé·e·s, la détermination qu’ils ont pour fuir la mort chez elles, chez eux, tout ce qu’ils traversent est profondément choquant. Ils et elles ne sont pas des migrant·e·s, mais des chercheurs et chercheuses de refuge qui fuient des situations invivables, insoutenables, mortifères.
Au Refuge Solidaire, à Briançon, j’ai pu discuter avec elles et eux : le lieu est un peu plus calme, on a un peu plus de temps pour parler, ils sont un peu plus en confiance. Leurs témoignages sont très impressionnants : depuis leur lieu de départ jusqu’à arriver là, certain·e·s ont passé jusqu’à 2 ans et demi à marcher via la route des Balkans. Ils ont traversé dix, douze, quatorze frontières avant de parvenir à la nôtre : quand on voit les difficultés pour la passer alors qu’elle marque un pays dit libre, je n’ose imaginer à quoi ressemble le chemin ailleurs.
Des traitements cruels, des exilé·e·s qui arrivent avec des morsures de chien partout sur le corps parce qu’on leur a envoyé des chiens et que, depuis une semaine, ils continuent de marcher. Les blessures, jamais soignées, s’infectent.
On est tellement hors de toute règle internationale et européenne : je suis vraiment choqué de voir une bestialité pareille au 21e siècle et dans le périmètre européen.
L’engagement des bénévoles est exceptionnel : il est total. Profondément humain. Les jours, les nuits, les soignant·e·s aident dans des conditions difficiles et travaillent à mains nues. Si les forces de l’ordre affirment, lorsque je leur demande, que les personnes dont ils examinent la situation n’ont besoin d’aucun soin, la réalité à laquelle sont confronté·e·s les soignant·e·s est tout autre : bien sûr que si, les personnes exilées sont dans un état de santé souvent très précaire.
J’ai participé à quatre maraudes : jeudi et vendredi soir, ainsi que vendredi et samedi en journée. J’ai assisté à des refoulements. Jeudi soir, par exemple, je me suis présenté trois fois au poste frontière, où un groupe de 6 personnes afghanes était auditionné avant d’être remis à la police italienne. J’ai demandé à voir ces personnes exilées : on ne m’y a pas autorisé. Elles avaient été installées dans les bureaux, là où l’accès n’est pas permis aux parlementaires.
Si l’accueil par le chef de poste fut très correct, les façons de faire ne le furent pas : ainsi, lorsque, vendredi soir, en arrivant, j’ai demandé si des personnes exilé·e·s étaient présentes, on m’a répondu que non… alors que cinq furent refoulées cette nuit-là, dont l’un sans chaussure.
Non seulement, ce n’est pas de l’accueil, mais c’est une mise en danger de personnes vulnérables. Imaginez : un 19 février, à 2h du matin, on renvoie des gens pieds nus dans la neige, pour retourner avec la police italienne.
Les forces de l’ordre expliquent appliquer les ordres. L’« accueil » est brutal, sans considération pour les personnes exilées : on remplit des papiers malgré elles, on ne leur demande pas si elles demandent l’asile.
Vous pouvez aussi retrouver ce témoignage sur le site de Damien Carême
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