Droits des femmes : difficilement gagnés, toujours menacés

8 mars 2017
Les droits des femmes ne sont malheureusement jamais vraiment acquis. En France comme ailleurs en Europe, ils restent constamment menacés par les forces conservatrices et rétrogrades. Décryptage des votes FN et LR au Parlement européen.
 
Les femmes sont généralement les premières victimes quand l’état de droit régresse dans un pays. Au Parlement européen, nous avons récemment été témoins des reculs radicaux qu’ont pu connaître, entre autres, les droits des femmes hongroises et polonaises. Parce que nous considérons qu’il est plus que jamais impératif de prendre très au sérieux ce que défendent certaines forces politiques françaises, nous avons décidé de faire toute la lumière sur leurs votes au Parlement européen sur la question des droits des femmes.

Le Front National bafoue les droits réels des femmes

Le FN a pris pour habitude d’agiter le mythe d’une invasion islamiste de l’Europe pour se poser en rempart contre les menaces que celle-ci ferait peser sur les droits des femmes. Réagissant aux agressions de Cologne en 2016, Marine Le Pen faisait part de son “effroi” et de volonté de défendre “la dignité et la liberté de la Femme”. Sauf que dans les faits, le FN vote systématiquement contre la mise en œuvre d’instruments juridiques de lutte contre les violences faites aux femmes. Ainsi en 2014 les eurodéputés FN ont-ils voté contre la proposition du Parlement de mettre en place un règlement européen de prévention et de lutte contre les violences à l’égard des femmes. Les mêmes, en novembre 2016, se sont opposés à l’adhésion de l’UE à la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Un texte pourtant considéré unanimement comme une avancée majeure sur le sujet.

Au niveau national, le tableau est tout aussi inquiétant. Pendant les régionales de 2015, Marion-Maréchal Le Pen a proposé de supprimer les subventions régionales au Planning Familial, dont l’une des missions est justement d’accompagner les femmes et jeunes filles qui auraient été victimes de violences sexuelles. Le FN s’est également opposé à loi sur l’égalité femmes-hommes de 2014 instrument de lutte contre les violences faites aux femmes en France. Cette loi renforce notamment l’ordonnance de protection (activation plus rapide et même sans dépôt de plainte, protection plus longue y compris des enfants), la lutte contre les mariages forcés, fait de l’éviction du conjoint violent du domicile familiale la règle, et généralise le “téléphone grave danger”.

Sur un tout autre sujet, celui de l’égalité professionnelle femmes-hommes, le FN ne fait guère mieux. Ainsi le FN vote-t-il constamment contre l’égalité salariale au Parlement européen, au titre que celle-ci représenterait une “atteinte directe à la liberté des entreprises françaises” (explication de vote de Louis Aliot sur le rapport de suivi de la directive de 2006). Même chose en France, où Gilbert Collard et Marion-Maréchal Le Pen ont voté contre la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes en 2014, et de nouveau contre la proposition de loi sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en première lecture à l’Assemblée nationale le 2 février dernier.

Le vrai visage du FN : un parti rétrograde et misogyne

Quoiqu’en dise le storytelling du FN présentant Marine Le Pen comme une femme “moderne”, “de coeur et de conviction”, la place des femmes pour ce parti rétrograde et misogyne reste bien au foyer, à “s’occuper des gosses et du ménages” ! En mars 2015, l’eurodéputé FN Dominique Martin promettait ainsi en commission Emploi du Parlement européen de “libérer les emplois” en encourageant les femmes à rester à la maison! “Ça aurait l’avantage de donner une meilleure éducation à nos enfants, ça aurait l’avantage de sécuriser nos rues parce qu’ils ne traineraient pas dans nos rues et ne seraient pas soumis à la drogue”.

Qu’on ne s’y trompe pas! Celle qui aime à rappeler dans les médias qu’elle a réussi à concilier vie familiale et vie professionnelle vote systématiquement contre le renforcement des droits femmes ayant des enfants dans le monde du travail. En 2010, elle a ainsi voté, avec son père, contre l’extension du congé maternité à 20 semaines en Europe (AM 12=38, p. 144), et contre l’idée de garantir une rémunération minimum pour les femmes pendant leurs congés maternité (AM 115/2, p. 148). De même, Gilbert Collard et Marion-Maréchal Le Pen ont récemment voté contre la proposition de loi sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui allonge la durée du congé maternité de 16 à 18 semaines, et relève le congé paternité de 11 à 14 jours. Ils leur préfèrent la mise en oeuvre d’un “salaire parental” qui ne remplacera jamais la garantie de pouvoir retrouver son travail à la fin de sa grossesse. A hauteur de 80% du SMIC (soit à peine 910 euros par mois), celui-ci ne sortirait en rien les parents au foyer de la précarité dans laquelle ils se trouvent trop souvent.

Et pour preuve de la piètre opinion dans laquelle le FN tient les femmes et de son dédain pour la législation sur la parité en politique, il semblerait qu’il soit d’usage que des femmes fraîchement élues soient contraintes de céder leur place à des hommes qui auraient eux échoué face au scrutin populaire. Ainsi en mai 2014, le FN a réclamé le siège de deux femmes fraîchement élues au Parlement européen pour y placer des hommes. A la suite des élections régionales de 2015, c’est Nathalie Betignies qui avait dû céder son siège au Conseil régional d’IDF à Axel Lousteau. Le trésorier de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, faisait pourtant déjà l’objet à l’époque d’une mise en examen pour financement illégal de campagne.

Heureusement, nous avons la chance de pouvoir compter sur de “vrais défenseurs de la famille”

C’est ainsi grâce à l’immense courage des eurodéputés “Les Républicains”, que le Parlement européen n’a pas condamné la proposition de loi du gouvernement ultraconservateur polonais visant à interdire totalement l’avortement. Désireux qu’on les connaît de vouloir protéger à tout prix les droits des enfants (et non le droit “à l’enfant”, sic), ils se sont abstenus sur un amendement conjointement déposé par les Verts, les socialistes et la GUE/NGL (groupe dont fait partie le Front de Gauche) visant à condamner ce projet de loi qui, selon les propres termes de Jaroslaw Kaczynski, vise à s’assurer que “même dans les cas de grossesses où l’on est sûr que l’enfant va mourir peu après sa naissance ou naîtra déformé, les femmes accouchent afin que l’enfant puisse être baptisé avant d’être enterré”.

Ces prises de position assumées sont facilitées par la prolifération et l’intensification de l’activité d’associations et collectifs conservateurs qui gravitent et exercent leur lobbying sur les instances décisionnaires nationales et européennes comme le révèle une étude financée par notre collègue écologiste finlandaise Heidi Hautala en janvier 2017. Ainsi on observe que des mouvements particulièrement actifs en France comme la Manif pour Tous ou encore les associations anti-avortement espagnoles ou polonaises parviennent à coordonner leur travail et à partager leurs tactiques et argumentaires.

Face au backlash conservateur auquel on assiste au niveau mondial, les écologistes européens jugent important de comprendre et s’attaquer aux problèmes qui nourrissent le développement de ces discours et actes qui remettent en cause les progrès vers l’égalité femmes-hommes : une crise économique généralisée et génératrice d’inégalités croissantes et les défaillances de nos systèmes politiques démocratiques. Il est crucial pour les forces progressistes de présenter des solutions concrètes à ces défis et de contrer la vision rétrograde poussée par ces acteurs conservateurs. Pour ce faire, les besoins des citoyens, en particulier de ceux et celles qui sont marginalisés, doivent être placés au coeur de l’agenda politique.

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