Ecosse
La manchette du quotidien économique « la Tribune » de ce lundi 12 octobre est orné d’une éolienne accompagnée d’un titre : « l’Ecosse bascule du pétrole vers les énergies nouvelles ». La pleine page consacrée au sujet détaille avec plusieurs articles les réalisations qui accomplissent ce vaste projet qui est en train de faire de la mer du Nord la vitrine européenne des énergies du vent et de la mer. Ainsi, l’industrie de l’extraction pétrolière en mer, et ses nombreux sous-traitants locaux, ont d’ores et déjà réalisé là-bas les plus grosses unités d’Europe en matière d’éoliennes en mer, avec le « record du monde » en matière de profondeur des fonds marins où elles sont implantées : 45 mètres au large d’Aberdeen, où elles côtoient les plate formes pétrolières progressivement désaffectées d’un des tout premiers gisements off-shore exploité depuis 1984 et bientôt en fin de vie. « Notre objectif est de remplacer l’industrie pétrolière par celle des énergies renouvelables. Ce ne sera ni bon marché ni rapide, mais c’est ici que nous démontrons que c’est possible » déclare au journal le responsable de « l’European Marine Energy Center » établi dans les îles Orkney, au cœur des Highlands, qui bénéficie des aides de l’Union Européenne.
L’Emec s’intéresse à toutes les énergies marines, et c’est en Ecosse que l’on teste les plus gros prototypes de ces énergies du futur. Ainsi a été mis au point aux îles Orkney, dans le détroit de Warness, point de passage entre l’Atlantique et la Mer du Nord, les premières turbines Openhydro qui produisent le courant électrique à partir des courants marins. EDF s’apprête à reprendre cette technologie en Bretagne, dans les parages de l’île de Bréhat. L’invention est américaine, la société irlandaise, mais c’est en Ecosse que les premiers pilotes industriels ont été réalisé par des transfuges de l’industrie pétrolière. Un peu plus loin, c’est une société écossaise, Aquamarine, qui développe une « huître » (oyster) qui s’ouvre et se ferme au gré des vagues, envoyant ainsi une eau sous pression à une minicentrale fixée à terre, un des tout premiers brevets d’exploitation de l’énergie des vagues promis à un développement industriel.
Ce foisonnement créatif est le produit d’une décision politique du gouvernement nationaliste écossais qui, dans le cadre du pouvoir législatif permis par la dévolution dont bénéficie l’Ecosse depuis 1997, a adopté une loi particulièrement ambitieuse en matière de lutte contre les émissions de CO2 qui provoquent le réchauffement climatique. L’Ecosse prévoit ainsi de réduire ses émissions CO2 de 42% à l’horizon 2020, là où l’Europe peine à trouver un consensus autour de 20%, et de 80% à l’horizon 2050 ! Pour cela les énergies renouvelables n’y suffiront pas, et le gouvernement écossais a lancé une politique particulièrement ambitieuse de réduction des consommations énergétiques, en commençant par lui-même. Pour cela il a mis au point une « première mondiale », qui consiste à adopter un budget qui libelle les dépenses publiques également en « tonnes CO2 ». Le Monde du 28 septembre dernier salue cette remarquable innovation en matière de comptabilité publique qui est concrétisée dans le projet de loi budgétaire adopté par le Parlement écossais le 17 septembre dernier pour l’exercice 2010-2011. « On y apprend que les 33 milliards de livres de dépenses publiques pour la prochaine année fiscale se traduiront par l’équivalent de 11,5 millions de tonnes de CO2 émises, soit 14% des émissions totales de l’Ecosse en 2004. »
Le budget de l’Ecosse affecte donc désormais un indicateur de « consommation CO2 » aux dépenses engagées dans chaque ministère, avec bien sûr, chaque année, l’objectif de réduire « l’empreinte énergétique » des politiques publiques, tout autant que d’en maîtriser les coûts. Cela vaut pour le Ministère de la Santé (11,5 milliards de livres de dépenses, et 3,5 millions de tonnes CO2 émises), pour celui des collectivités locales (11,6 milliards de budget pour 4,3 millions de tonnes CO2 émises), etc.. jusqu’au total général de 11,5 millions de tonnes CO2 émises au total dans le cadre des politiques publiques, et que le gouvernement va s’attacher à réduire chaque année pour soutenir les objectifs globaux que la loi écossaise assigne désormais à tous les écossais, particuliers et entreprises : -42% en 2020, -80% en 2050.
Au moment où le gouvernement nationaliste écossais sert de référence européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique, se tenait également à Bruxelles une « grande messe » annuelle, les « Open Days » au cours desquels le Parlement Européen invite toutes les autorités locales (régions, départements, provinces, etc…) à participer à une semaine de débats. Devant la Commission du Développement Régional, et 800 délégués dans la salle venus de toute l’Europe, un débat était organisé qui mettait en évidence les performances économiques de 25 ans de gestion du Pays Basque par les nationalistes depuis 1982 et la première autonomie basque. Preuve supplémentaire que la gouvernance nationaliste de régions avec une autonomie législative très forte est porteuse des meilleures références en Europe. Mais avec un bémol : celui qui parlait en tribune, le socialiste Patxi Lopez, a présenté un bilan qui n’est pas le sien, car il a pris le pouvoir il y a quelques mois à peine avec le soutien de la droite espagnoliste du Parti Populaire, au détriment des nationalistes PNV-EA jusque là aux affaires.
De ces deux exemples il faut tirer deux conclusions qui, je l’espère, éclaireront les débats de ceux qui, en ce moment-même mènent leurs démarches en vue des prochaines élections territoriales : l’important est de prendre le pouvoir, et de le garder !
François ALFONSI