La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
1. État des lieux
– La Charte des langues régionales ou minoritaires, adoptée le 5 novembre 1992 par le Conseil de l’Europe, est le premier instrument juridique européen consacré à la protection et à la promotion des « langues régionales et minoritaires ».
Cette expression désigne les langues traditionnellement utilisées par une partie de la population d’un Etat qui ne sont ni des dialectes de la langue officielle de cet Etat, ni des langues des migrants, ni des langues créées artificiellement.
– Distinct de l’Union Européenne des 25, le Conseil de l’Europe regroupe 46 pays dont 21 de l’Europe centrale et orientale. Il a pour objectif la défense de la démocratie, des droits de l’homme et de la diversité culturelle.
– Selon le Conseil de l’Europe, les langues régionales font partie du patrimoine culturel de l’humanité et constituent une formidable richesse qu’il convient de valoriser. Ne disposant d’aucune protection juridique ou reconnaissance officielle, bon nombre de ces langues sont menacées d’extinction.
– Afin d’éviter un appauvrissement du patrimoine culturel européen, la Charte demande donc aux pays signataires :
• d’assurer la promotion de ces langues, de respecter leur aire géographique et d’encourager leur usage dans la vie privée ou publique ;
• d’appliquer des mesures facilitant leur emploi dans des domaines précis : enseignement, médias, activités culturelles, monde judiciaire et administratif, vie économique et sociale.
– Pour pouvoir signer la Charte, un État doit s’engager à appliquer au moins 35 paragraphes ou alinéas parmi ces 98 mesures. L’application de la Charte est ensuite contrôlée par un comité d’experts chargé d’examiner des rapports périodiques présentés par les Etats.
2. Les étapes importantes
– 1957 : Le Conseil de l’Europe juge insuffisant l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui consacre le principe de « non-discrimination fondée sur la langue ».
– 1981 : Le Conseil de l’Europe et le Parlement européen déclarent la nécessité d’élaborer une Charte des langues et cultures régionales ou minoritaires.
– 5 novembre 1992 : Adoption de la Charte par le Conseil de l’Europe : abstention de la France lors du vote. Ouverture de la Charte à la signature des membres du Conseil de l’Europe.
– 1er mars 1998 : Entrée en vigueur de la Charte.
– 1er juillet 1998 : Bernard Poignant, maire de Quimper, rend un rapport au Premier Ministre sur les langues et cultures régionales en France. Il préconise la signature et la ratification de la Charte par la France.
– 7 mai 1999 : La France signe la Charte à Budapest.
– 15 juin 1999 : Saisi par le Président de la République Jacques Chirac, le Conseil Constitutionnel français estime que la Charte contient des clauses contraires à la Constitution française.
– novembre 2001 : Le Comité des droits Economiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies demande à la France de ratifier la Charte et de reconnaître aux groupes minoritaires « le droit d’exister et d’être protégés en tant que tels dans l’Etat ».
– 24-26 janvier 2005 : Rejet des amendements déposés à l’Assemblée Nationale demandant la ratification de la Charte par la France.
– 15-16 février 2005 : Rejet des amendements déposés par les sénateurs Verts demandant la révision de l’article 2 et la ratification de la Charte.
– 30 juin 2006 : La France devra rendre son rapport périodique au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.
3. Les termes du débat
– Lorsque l’article 2 de la Constitution a été modifié en 1992 pour y ajouter que « la langue de la République est le français », le Garde des Sceaux avait certifié aux parlementaires que cette précision était uniquement destinée à lutter contre les risques d’hégémonie de l’anglais et qu’elle ne nuirait en rien aux langues régionales. Dans son avis du 24 septembre 1996, le Conseil d’Etat a pourtant conclu à l’impossibilité de ratifier la Charte du fait de son incompatibilité avec l’article 2.
– La diversité culturelle a souvent été perçue comme une menace pour « l’unité de la République » ce qui a conduit la France à mener une politique d’uniformisation préjudiciable aux langues régionales.
– A l’inverse, le Conseil de l’Europe considère que la reconnaissance des langues spécifiques aux minorités permet à ces dernières de se sentir à l’aise dans l’Etat où elles vivent et d’éviter ainsi tout risque de division. L’apprentissage de la langue officielle de l’Etat et le respect de la souveraineté nationale sont en outre deux obligations contenues par la Charte qui permettent d’assurer la cohabitation linguistique et l’unité dans la diversité.
– L’objectif de la charte n’est pas de fixer des droits politiques pour des groupes culturels spécifiques mais de protéger et promouvoir les langues régionales ou minoritaires en tant qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen.
– La France est aujourd’hui l’un des derniers pays de l’Union à ne pas avoir ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Pourtant, depuis 1993 tout nouvel Etat désirant adhérer à l’Union européenne doit impérativement ratifier cette charte.
4. La position des Verts|ALE
– Les Verts ont fortement soutenu les initiatives destinées à promouvoir l’apprentissage des langues et la protection de la diversité linguistique en Europe.
– En mai 2002, les Verts européens ont voté une résolution sur les langues en voie de disparition. Cette résolution rappelait que la disparition de 90% des langues de l’humanité constituait un désastre écologique car en mourant une langue emporte avec elle sa connaissance traditionnelle de l’environnement. La plupart des espèces animales et végétales ne sont actuellement connues que par certains peuples dont les langues meurent.
– En 2003, le groupe des Verts au Parlement européen a défendu le rapport Ebner qui préconisait la création d’une Agence européenne pour la diversité linguistique et l’apprentissage des langues dans le but de favoriser le multilinguisme et la défense des langues régionales.
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Encadré – L’UNION EUROPÉENNE PRÉSENTE UN PATRIMOINE
CULTUREL ET LINGUISTIQUE EXTRÊMEMENT RICHE MAIS MENACÉ
L’Union européenne compte environ 150 langues régionales ou minoritaires, parlées par près de 50 millions de citoyens.
Elles se divisent en trois catégories :
– les langues spécifiques à une région : par exemple, l’occitan, le breton, le corse, ou le gallois ;
– les langues parlées par une minorité dans un Etat membre mais ayant le statut de langue officielle dans un autre : par exemple le français dans le Val d’Aoste
dans le nord de l’Italie, ou l’allemand dans le sud du Danemark ;
– les langues non associées à un territoire précis, comme le tsigane, ou l’arménien.
L’UNESCO a précisé dans son livre rouge sur les langues en voie de disparition que 60% des langues européennes étaient en danger d’extinction. Ce processus touche
l’ensemble de la planète : 90% des langues du monde auront disparu dans les 100 prochaines années.