Donnons les milliards aux 99%

2 mai 2023

L’Union européenne a besoin d’urgence d’un impôt sur les plus-values.

Les plus-values sont l’une des principales sources d’inégalité dans notre économie et, pour la grande majorité, elles ne sont pas imposées. Mais les plus-values (ou gains en capital), c’est quoi ? Qui en bénéficie ? Et pourquoi les taxer est-il un outil clé dans la lutte pour la justice économique ? Dans cet article, nous vous donnons quelques clefs pour comprendre et nous espérons qu’après nous avoir lu, vous serez prêt·e·s à nous rejoindre dans la lutte pour un impôt sur les plus-values en Europe.

Alors, qu’est-ce qu’une plus-value et pourquoi sont-elles importantes?

Une plus-value est l’augmentation de valeur qu’un bien peut avoir acquise entre une certaine date et le jour de son acquisition. Si vous avez vendu votre actif et encaissé la valeur supplémentaire, on parle de plus-value réalisée. Si vous conservez toujours l’actif pendant que sa valeur augmente, c’est une plus-value non réalisée.

Ainsi, par exemple, voir la valeur de sa maison ou de son sac à main de luxe acheté 200 000 euros augmenter à 500 000 euros revient à un gain non réalisé de 300 000 euros. En cas de vente de la maison ou du sac à main, alors le gain réalisé sera de 300 000 euros.

Ces plus-values peuvent être aussi élevées qu’un salaire annuel. Cependant, tandis que le salaire d’un travailleur est taxé chaque mois, les impôts sur les plus-values sont beaucoup plus bas.

Ainsi, alors qu’un travailleur gagnant un salaire brut annuel de 30 000 euros paiera en moyenne 39 % d’impôts et de sécurité sociale, la personne qui a réalisé 300 000 euros de profit en vendant une maison ne paiera presque pas d’impôts pour ce bénéfice (19% en moyenne dans l’Union européenne). Avec les exonérations et les niches, l’impôt pourrait même être proche de 0%.

Alors, pourquoi les plus-values nous intéressent ? Vous l’avez deviné, parce que ce sont principalement des gens riches qui en bénéficient.

Nous sommes en pleine crise économique et il semble que nous n’ayons rien appris des erreurs du passé. Face à la volatilité bancaire, l’inflation causée par la cupidité des entreprises, des familles peinent à joindre les deux bouts. Et, entre les deux, des gens profitent d’un système qui leur est hautement avantageux dans lequel ils peuvent s’enrichir à bas-coûts.

Ben sûr, si des plus-values sont réalisées lorsque la valeur d’un actif physique augmente (une maison, un sac de luxe, des bijoux, de l’art, etc.), elles peuvent également l’être lorsque la valeur d’un actif financier augmente. Le meilleur exemple, c’est la valeur des actions d’une société. Et, vous l’avez sûrement deviné, les actionnaires des sociétés faisant des superprofits, qui collectent leurs dividendes tous les trimestres, qui profitent de la crise, ce sont eux qui font des plus-values et paient très peu ou pas d’impôts.

Ainsi, le travailleur d’une entreprise d’énergie paiera des impôts sur son salaire annuel, mais un actionnaire de cette même société paiera peu ou pas d’impôts sur les bénéfices qu’il réalise sur ses actions (qu’il les vende ou non). C’est ainsi que les riches deviennent encore plus riches en jouant avec un système qui les favorise. Ce sont les 10% des ménages les plus riches qui possèdent des actions d’entreprises et le prix des actions a augmenté plus rapidement que les salaires ou les prix de l’immobilier.

Oxfam a montré dans son rapport annuel sur les inégalités que, depuis le début de la pandémie, l’écart entre les 1 % les plus riches et les 99 % restants a augmenté. Pour vous faire une idée de cet écart de richesse, sachez que pour 100 euros créés dans l’économie européenne entre 2020 et 2021, 44 euros sont allés aux 1 % les plus riches contre 9,6 euros aux 90 % les plus pauvres. En d’autres termes, les 1 % les plus riches ont amassé 4,5 fois plus de richesses que les 90 % des citoyen·ne·s les plus pauvres de l’Union européenne entre 2020 et 2021.

La seule chose que nous savons avec certitude, c’est que cet énorme écart n’est pas dû aux salaires ni au travail des plus riches. Il provient de leurs investissements et des plus-values qu’ils réalisent grâce à ces investissements. La majorité de la population n’est pas propriétaire de 5 appartements, ne possède pas de diamants dans un coffre-fort en Suisse ou n’a pas de parts dans les plus grandes sociétés pharmaceutiques. Quand le travail est imposé, en moyenne, à 39 % alors que la moyenne d’imposition des plus-values est de 19 % (mais en réalité bien moindre), il est facile de voir comment les actionnaires profitent du système. Dans des pays comme le Danemark, les 1 % les plus riches reçoivent plus de la moitié de toutes les plus-values réalisées dans le pays. Autre exemple, en France, les 0,01 % les plus riches perçoivent 60 % de leurs revenus du capital, et ce capital est essentiellement constitué d’actifs financiers tels que des actions cotées en bourse.

Que veut-on ? Et que peut-on faire ?

La réponse est évidente. Nous devons taxer les plus-values, réalisées comme non réalisées !

La plupart des pays de l’Union européenne ne le font pas ou laissent trop de failles qui permettent de bénéficier de taux encore plus bas. Par exemple, alors que l’Allemagne taxe un travailleur sans enfants qui gagne un salaire moyen à 47,8 %1 (pourcentage qui passe les 50 % en Belgique), des pays comme la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie, la Slovaquie et la Tchéquie sont des paradis fiscaux pour les plus-values avec un taux de 0 % d’imposition. Ce n’est pas un hasard si certains milliardaires français possèdent leurs actifs en Belgique. Et encore, ce n’est que pour les plus-values réalisées. Quand il s’agit de plus-values “non-réalisées”, presque aucun pays de l’Union européenne ne les impose.

Et nous ne sommes pas seuls. En mars 2023, le président Joe Biden a proposé d’imposer les plus-values réalisées au même niveau que les salaires, ce qui équivaudrait à une augmentation du taux d’imposition des plus-values de 20 % à 39 %.

Au sein de l’Union européenne, nous devons aller dans la même direction. Et nous devons le faire d’urgence. Nous ne pouvons pas permettre à l’Union de donner plus de pouvoir aux actionnaires qu’aux travailleuses et aux travailleurs.

C’est pourquoi, le groupe Verts/ALE demande à la Commission européenne d’établir un impôt réel et minimal sur les plus-values dans l’Union européenne. Cet impôt affecterait, à la fois, les plus-values réalisées et non réalisées des actions cotées, ce qui signifie qu’il s’appliquerait aux actions de multinationales. Nous l’avons dit à maintes reprises, les ménages les plus riches tirent la majorité de leur richesse des plus-values provenant d’actifs financiers comme les actions.

Notre proposition est simple et fonctionne sur une règle de base : le travail ne peut pas continuer à être plus imposé que le capital. Les 90 % les plus modestes ne peuvent pas payer pendant que les plus riches s’enrichissent en profitant du système. Nous voulons présenter un impôt minimum de 40 % sur les plus-values. Il s’agit de la première étape pour nous assurer de lutter contre les inégalités, pour mettre les travailleuses et les travailleurs au centre et pour cesser de protéger les actionnaires.
En pratique, voilà ce que ça donnerait : si nous prenons les plus-values des actions négociées des entreprises les plus polluantes (Exxon, Shell, Total et BP), avec notre impôt, nous pouvons lever près de 140 milliards de dollars2. C’est presque 3 fois les dépenses publiques espagnoles en matière d’éducation ! Et on ne parle que de 4 entreprises !

Le potentiel de notre taxe est énorme et nous savons que l’Union européenne et ses citoyennes et citoyens ont besoin de cet argent. Les recettes provenant de l’impôt sur les plus-values profiteraient grandement au budget de l’Union européenne et aux budgets des États membres pour lutter contre les inégalités à ces deux niveaux.

Notre proposition répond à l’urgence d’apporter plus d’équité à nos sociétés. La richesse doit être mieux taxée et redistribuée.
Nous ne pouvons pas vivre dans des sociétés où les 10 % les plus riches possèdent plus de la moitié de la richesse totale.
Nous ne pouvons pas vivre dans des sociétés où nous accordons la priorité aux riches, au détriment des personnes qui les font réellement fonctionner.
Nous ne pouvons pas vivre dans des sociétés où les enseignant·e·s, les infirmières, les chauffeurs/euses d’autobus ou les travailleurs et les travailleuses du bâtiment sont taxés 2 à 3 fois plus que les actionnaires. Il est temps de changer le système et d’introduire un impôt équitable sur les actionnaires.

 


Notes :

1. Ce pourcentage est basé sur la méthodologie du coin fiscal utilisée par l’OCDE. Le coin fiscal est défini comme le total des impôts sur le travail payés par les salariés et les employeurs, moins les prestations familiales, en pourcentage du coût du travail. Si l’on considère uniquement l’impôt net moyen payé par les travailleurs, le chiffre moyen pour l’Allemagne serait d’environ 36 % (en tenant en compte les cotisations sociales). (retour au texte)

2. Ce calcul a été effectué en comparant l’augmentation de la capitalisation boursière des quatre entreprises entre la fin de l’année 2021 et la fin de l’année 2022. Ces quatre entreprises ont vu la valeur de leurs actions augmenter de manière significative en 2022. Leurs actions ont également continué à augmenter pendant le premier trimestre de 2023. (en tenant en compte les cotisations sociales). (retour au texte)

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