Vers une nouvelle vague de “simplification-dérégulation”
La bataille contre la nature se poursuit à Bruxelles
À l’heure du vote sur le nouveau collège de commissaires, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé qu’elle présenterait dans les 100 prochains
jours un “omnibus législatif” visant à réduire les obligations des entreprises, en commençant par leurs obligations climatiques, et à les décharger de toute responsabilité civile.
Pour Marie Toussaint, vice-présidente du groupe Verts/ALE :
“Sous couvert de “simplification”, Ursula von der Leyen a annoncé une nouvelle vague de dérégulation de l’économie européenne. Sans que ni le Conseil ni le Parlement ne le lui demandent, elle propose ainsi, avec zèle, de rouvrir les seuls textes qui permettaient d’engager les entreprises dans la transition juste.
L’offensive est venue des lobbys de la chimie. Ceux-ci, considérés comme plus puissants encore que les lobbys de l’industrie fossile, ont pourtant largement échappé aux réglementations du Pacte vert et à l’impérieuse nécessité de limiter le nombre de produits toxiques, dont les polluants éternels PFAS, que nous répandons dans l’eau, les sols, l’air ou dans les jouets pour enfants.
Début novembre, dans une lettre co-signée avec le patronat européen (1), ils appelaient clairement à détruire le devoir de vigilance, soit les seules règles qui allaient leur être imposées pour prévenir leurs atteintes aux droits humains et à la nature. Peu importe si les produits toxiques répandus chaque jour dans notre environnement portent des atteintes majeures et irréversibles à la santé humaine et à celle du vivant, elles ont obtenu victoire.
Von der Leyen ne semble guère embarrassée par ses propres contradictions : sa promesse de vouloir maintenir intact le Pacte vert ne tient pas face aux coups qu’elle décide elle-même de porter contre les textes qui en sont issus et permettaient à l’Europe d’atteindre ses objectifs environnementaux, climatiques et sociaux.
Après le règlement sur la déforestation, c’est désormais les textes sur la taxonomie (2), la transparence des entreprises “CSRD” (3) et le devoir de vigilance qui seront rouverts aux
amendements en dépit d’une situation politique dégradée. Leurs points communs ? Avoir pour objectif le respect des limites planétaires, et donc des droits des citoyennes et citoyens, et être issus de propositions parlementaires (rapports d’initiative) lors de la précédente mandature. Elle porte donc un coup double : à la démocratie européenne et aux lois qui nous protègent. »
Les lois de l’économie ne sont pas au-dessus des lois de la nature.
“Si le contenu et la portée de cet omnibus législatif reste à définir précisément, ses orientations sont d’ores et déjà connues : d’un côté, réduire le nombre d’entreprises concernées ; de l’autre, revoir à la baisse les obligations de ces dernières, en particulier climatiques. L’omnibus vise ainsi à alléger les plans de transition climatique des entreprises et à revenir sur la possibilité de mettre en cause la responsabilité des entreprises devant les tribunaux. Pourtant, les récentes décisions de justice établissent un lien direct entre leurs activités et les violations des droits humains qui en résultent, y compris lorsque celles-ci sont liées aux conditions environnementales. Ces reculs n’ont rien de bon, ni même pour les entreprises qui demandent plus de prévisibilité et de stabilité sur le long terme afin de planifier et investir dans des projets sur le long terme et durables (4).
Le problème de l’Europe réside dans l’absence d’investissement et de protection de notre économie, mais droites et extrêmes-droites n’en démordent pas : il faut affaiblir toutes les normes sociales et environnementales qui nous protègent ! Non seulement cela ne résoudra en rien la perte de compétitivité européenne, qui réside au contraire dans une haute qualité de production et le renforcement du bien-être et du rôle des travailleurs et travailleuses européens dans la transition, mais en plus cela portera atteinte aux citoyens dans une période tant d’aggravation de la précarité que de dépassement des limites planétaires.
La “simplification” a bon dos : en la matière, toute opération de simplification réelle porterait sur la mise en œuvre de ces lois plutôt que leur remise en cause. L’offensive est rondement menée, au service de la bataille culturelle contre la nature et les droits sociaux stigmatisés par les droites dures et extrêmes comme la cause de tous les maux de l’économie européenne.
Nous devons nous mobiliser pour assurer que cet “omnibus législatif” ne voit pas le jour et que ces textes cruciaux soient préservés.”
1 Déclaration d’Anvers, février 2024 ; https://euratex.eu/news/business-associations-call-for-practical-eu-due-diligence-framework/
2 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:32020R0852
3 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:32022L2464
4 https://www.theparliamentmagazine.eu/partner/article/a-business-perspective-strong-environmental-standards-foster-longterm-competitiveness
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