Conseil européen : au sommet de l’hypocrisie
Coup de force sur le budget européen. Quelques heures seulement avant l’arrivée des chefs d’États et de gouvernements à Bruxelles, le Président du Parlement européen, Martin Schultz, conclut seul, sans consultation préalable des principaux groupes politiques au Parlement européen, un accord sur le futur budget de l’Union pour les 5 ans à venir avec les représentants de la Commission européenne et du Conseil. Un compromis politique qui ne satisfait en rien les conditions émises par une grande majorité des députés européens le 13 mars dernier : accord sur les ressources propres, nette augmentation des dépenses d’avenir (énergies renouvelables, Erasmus, innovation, recherche, etc.), révision obligatoire du budget une fois le nouveau Parlement européen élu en mai 2014, flexibilité accrue pour pouvoir réagir aux circonstances exceptionnelles comme celles que nous connaissons depuis 2009. En tant qu’écologistes, nous ne pouvons évidemment que refuser ce couteau mis sous la gorge des parlementaires européens, et rejetterons ce compromis politique dès mercredi par un vote en plénière à Strasbourg. Ce coup de force est d’autant plus inacceptable que le Conseil européen entend mettre en place un « nouveau plan d’investissement en Europe ». Comment peut-on prétendre soutenir l’économie, investir dans les PME, la jeunesse, la recherche et l’innovation, en mettant en place pour la première fois de l’histoire un budget européen en recul de 9% par rapport au budget précédent?
Emploi des jeunes, dénonçons la supercherie. Mis face à leur responsabilité, les dirigeants européens semblent enfin réagir. Alors qu’une dizaine de pays européens sont aujourd’hui en récession, ils reconnaissent la nécessité d’équilibrer discipline budgétaire et investissements d’avenir, et demandent à la Commission européenne de mieux prendre en compte le contexte économique global, y compris des critères sociaux, dans ses recommandations de politique économique. Alors que plus de 26 millions de personnes sont au chômage en Europe, 6 milliards d’euros seront investis sur les 2 prochaines années pour la lutte contre le chômage des jeunes, et jusqu’à 8 milliards sur la période 2014-2020. De quoi réjouir François Hollande qui a fait de la jeunesse une de ses priorités, et renforcer l’électorat d’Angela Merkel à quelques semaines d’élections fédérales en Allemagne. Mais ne nous y trompons pas ! Ces discours de campagne cachent une lamentable supercherie : sans augmentation générale du budget de l’Union, ce n’est pas de l’argent supplémentaire qui est consacré à l’emploi des jeunes, mais de l’argent retiré à d’autres priorités européennes. Les dirigeants européens veulent nous faire croire à ce tour de passe-passe y compris sur l’aide aux plus démunis.
En réalité, le compte n’y est pas ! D’autant que selon l’Organisation internationale du travail, il faudrait 21 milliards d’euros pour garantir à tous les jeunes européens de moins de 25 ans une offre d’emploi, de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la fin de leurs études ou suite à la perte d’un emploi. La charge portera donc avant tout sur les budgets nationaux. Une hypocrisie totale quand on sait que ces mêmes budgets sont soumis à la drastique règle des 3% de déficit. Sans financement, cette ambition affichée pour la lutte contre le chômage prend une toute autre tournure : allègement de la fiscalité sur le travail, déréglementation des marchés du travail, mobilité accrue sans garantie de rémunération équitable ni de protection sociale. Contre ces politiques libérales, une très grande majorité du Parlement européen vient d’appeler à mettre fin aux politiques d’austérité qui ont des répercussions négatives sur l’emploi, en particulier l’emploi des jeunes, à assurer leur autonomie par l’accès aux droits – logement décent, revenu minimum, accès à la santé – ainsi qu’à garantir à tous les chômeurs européens un niveau commun d’indemnisation proportionnel à leurs revenus antérieurs, première étape vers une assurance chômage européenne que nous appelons de nos vœux.
Union bancaire, pas avant 2014. Dans quelques semaines, l’Espagne, l’Irlande et le Portugal devront se tourner à nouveau vers les marchés pour financer leurs dettes, leurs plans de sauvetage arrivant à échéance. Les taux d’intérêts à la hausse illustrent un manque de confiance toujours présents chez les investisseurs sur la capacité de la zone euro à résister aux pressions financières. C’est pourquoi il est plus que temps de mettre en place l’union bancaire en discussion depuis plus d’un an. A ce titre, le calendrier annoncé lors du Conseil européen est un signe encourageant, bien qu’insuffisant. Si François Hollande assure mettre en place l’union bancaire d’ici les élections européennes de mai 2014, Angela Merkel refuse toute avancée sans révision préalable des traités.
La sortie de crise ne peut s’affranchir d’une démocratie européenne. Il fallait s’y attendre. Le Conseil européen a de nouveau été pris en otage par le jeu des calendriers électoraux. Aucune décision sur le renforcement de la coordination économique, en particulier au sein de la zone euro, ne sera prise avant la formation d’un nouveau gouvernement en Allemagne à la rentrée 2013. Pour sortir de cet immobilisme, la Commission européenne doit retrouver sa capacité d’initiative. Nous ne demandons pas l’impossible, mais au moins de revenir à l’esprit des propositions qu’elle a émise en novembre 2012 : mutualisation des dettes, budget de la zone euro, création d’un Trésor de l’UEM, instrument budgétaire contracylique, assurance chômage européenne, fonds d’amortissement de la dette, les propositions ne manquent pas !
En lançant le 17 juin notre « Appel d’Athènes », nous invitions les citoyens grecs et européens au sursaut contre les politiques néolibérales en engageant la reconquête de l’espace public et démocratique face aux populismes de tout genre. Sans alternative, il n’y a pas de démocratie. C’est cette alternative pour une Europe fédérale, écologique et sociale qui bénéficierait d’une vraie légitimité démocratique pour répondre aux attentes des citoyens européens que nous défendrons dans les débats en France et en Europe pour les élections européennes de mai 2014.