Ecotaxe : le principe pollueur-payeur à la peine en Europe
Autriche : le pays précurseur
Dès 2004, l’Autriche se dote d’un système de taxation des véhicules de plus de 3,5 tonnes sur ses autoroutes et voies express (alors 7 % de l’ensemble du réseau national). A l’époque, l’enjeu est de taille : l’élargissement de l’UE à l’Est s’accompagne d’une énorme augmentation du transit de marchandises par les Alpes. Avant même ce nouveau péage écologique, un système d’écopoints régissait déjà la circulation des poids-lourds en Autriche – les camions les plus pollueurs étant exclus des routes autrichiennes. Un mécanisme négocié avec Bruxelles lors de l’adhésion du pays à l’UE en 1995.
L’Autriche, qui est un véritable carrefour en Europe, souffre des pollutions dues au trafic routier qui d’ailleurs ne cesse d’augmenter : + 84 % en quinze ans (étude datant de 2007). Le gouvernement mène donc depuis longtemps une véritable guerre aux camions. En 2007, il tente même de doubler son écotaxe mais l’UE lui refuse arguant un niveau d’imposition déjà élevé. Les bénéfices de l’écotaxe en Autriche sont dédiés aux infrastructures routières elles-mêmes, mais également au réseau ferroviaire qui assumait dès 2007 plus d’un cinquième du transport marchand.
Allemagne : un bilan écologique mitigé
Depuis le 1er janvier 2005, l’Allemagne applique la « LKW-Maut », une taxation des camions de plus de douze tonnes empruntant les autoroutes du pays et, depuis août 2009, les routes nationales de deux fois deux voies reliées aux autoroutes. Les poids-lourds sont taxés en fonction du kilométrage parcouru mais aussi du nombre d’essieux et du niveau de pollution du véhicule (sa classe Euro) ce qui défavorisent de fait les pollueurs.
Avec une moyenne de 16,41 centimes du kilomètre, cette taxe a par exemple rapporté à l’Etat 4,4 milliards d’euros en 2012, dont la moitié sert théoriquement à financer les infrastructures routières. 35 % sont également alloués au réseau ferroviaire et 15 % au réseau fluvial du pays. Face toutefois au besoin criant de rénover et d’améliorer les infrastructures, les Ministres chargés du transport des seize régions allemandes ont décidé, début octobre 2013, d’étendre cette taxe aux 40 000 kilomètres de routes nationales dans le pays. L’objectif est de récolter 2,3 milliards d’euros supplémentaires par an. Ils examinent par ailleurs la possibilité d’étendre cette taxe aux camions plus petits de 7,5 tonnes voire de 3,5 tonnes. Mais ces propositions soulèvent un tollé des professionnels et la mesure est systématiquement ajournée par Berlin qui souhaite ne pas affaiblir la compétitivité de son réseau de petites et moyennes entreprises.
Malgré ces ambitions, les conséquences écologiques de cette taxation sont en demi-teinte. Non seulement le trafic routier n’a pas diminué en Allemagne, mais il a même augmenté sur les routes non soumises à cette taxe. Le nombre de camions roulant à vide a chuté la première année de 6 % et seuls 2,5 % des entreprises seraient passés en 2006-2007 vers le transport fluvial. Les entreprises de logistiques ont en revanche très largement investi dans des véhicules moins polluants.
Comme en France, la suspension en Belgique
Avant la France, la Belgique a également reporté à 2016 l’entrée en vigueur d’une écotaxe. Si le projet faisait l’objet d’un consensus politique, la fronde des transporteurs belges a fait capoté l’ accord conclu en janvier 2011 entre les trois régions belges (Bruxelles-capitale, Wallonie et Flandre).
Europe de l’Est : les transporteurs mécontents
Tout comme la République tchèque depuis le 1er janvier 2012, la Pologne surtaxe les véhicules de plus de 3,5 tonnes auxquels il faut ajouter les autocars de plus de neuf places (depuis le 1er juillet 2011). Cette mesure concerne environ 1900 kilomètres d’autoroutes, de voies express et de routes nationales pour des recettes annuelles de 200 millions d’euros.
En Slovaquie, un système de télépéage a été mis en place à partir du 1er janvier 2010 sur un réseau de près de 2 500 kilomètres. Il concerne également tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes et les autobus. Comme en Allemagne, le tarif varie selon le poids, le nombre d’essieux et la classe EURO du véhicule. Or, sur les 150 millions d’euros que rapporte le dispositif annuellement, une grande partie est reversée à la société SkyToll (dont le français Sanef est actionnaire), opérateur du dispositif de télépéage, dans le cadre d’un contrat d’un montant total de 852,1 millions d’euros pour une durée d’exploitation de treize ans. Les associations de transporteurs dénoncent ainsi un impôt inutile.
Le Portugal bien seul au sud de l’Europe
Au sud de l’Europe, seul le Portugal a mis en place une écotaxe (« Via Verde »), en vigueur depuis juillet 2013. Elle n’est pas à l’ordre du jour dans les autres Etats méridionaux de l’Union européenne. L’Espagne et l’Italie sont très réfractaires et ont d’ores et déjà exclu de mettre en application une taxe sur les poids-lourds de plus de 3,5 tonnes.
Hors UE : le modèle suisse
En matière de taxe poids-lourds, tous les Européens regardent vers la Suisse. Ce petit pays, non-membre de l’UE, mais traversé par d’importants flux de marchandises, est à la fois le précurseur en la matière, mais aussi l’Etat ayant su développer le cadre le plus performant. Le système suisse, basé sur une taxation élevée des transports poids-lourds, proportionnelle aux distances parcourues, réinvestit les recettes de la taxe vers le développement de l’infrastructure ferroviaire, avec des résultats probants en matière de report modal vers le rail.