La directive sur le temps de travail

1 juillet 2005
La directive sur le temps de travail actuellement en vigueur date de 1993 et définit les règles communes minimales qui garantissent la santé et la sécurité au travail. Sa révision est discutée par les États membres et par le Parlement européen depuis octobre 2004…
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1. État des lieux

– La directive sur le temps de travail actuellement en vigueur date de 1993 et définit les règles communes minimales qui garantissent la santé et la sécurité au travail. Sa révision est discutée par les Etats membres et par le Parlement européen depuis octobre 2004.

La directive européenne de 1993 fixe les limites horaires pour le repos journalier (11 heures consécutives), le repos hebdomadaire (24 heures consécutives), la durée hebdomadaire de travail (48 heures), les congés annuels minimums (4 semaines) et la durée du travail de nuit (8 heures consécutives).

Toutefois, la directive introduit une clause dérogatoire individuelle, également appelée clause de renonciation ou « opt-out ». Cette clause permet à un Etat membre de ne pas respecter la limite en matière d’heures de travail, à condition d’obtenir l’accord individuel du travailleur et de tenir des registres.

– La directive prévoit un réexamen de certains articles au bout de dix ans. De plus, dans sa définition du temps de travail, elle n’évoque pas la notion de temps de garde (période pendant laquelle le travailleur a l’obligation d’être disponible sur son lieu de travail). Or, depuis, la Cour européenne de justice a fait évoluer la jurisprudence sur cette question, imposant de nouvelles contraintes aux Etats membres.

Le 22 septembre 2004, la Commission européenne a présenté un nouveau projet de directive sur l’aménagement du temps de travail, modifiant la directive précédente. Celui-ci prévoit d’étendre la « période standard de référence », servant à calculer et répartir la durée maximale hebdomadaire moyenne du travail. Les Etats membres auront ainsi la possibilité d’étendre cette période de 4 mois (actuellement) à un an. Le projet de directive souhaite également mieux encadrer l’opt-out, pour limiter les abus qui ont été constatés. Dans ce sens, il conditionne sa mise en œuvre à la négociation d’une convention collective ou d’un accord entre partenaires sociaux.

Cependant, des dérogations sont possibles dans le cas où un tel accord n’existe pas : le consentement du travailleur serait alors suffisant mais dans des conditions plus encadrées.

Par ailleurs, si une durée maximale d’heures est fixée dans le cadre de l’opt-out (65 heures), des dérogations sont là encore envisageables.

– Enfin, le projet de directive revient sur la définition du temps de travail pour évoquer le temps de garde : il distingue la période active du temps de garde et la période inactive. Si dans les deux cas l’employé doit être sur son lieu de travail, c’est uniquement dans le premier cas qu’il exerce son activité. La période inactive du temps de garde n’est alors plus considérée comme du temps de travail, sauf si la législation nationale, une convention collective ou un accord entre partenaires sociaux le prévoit.

2. Les étapes importantes

1986 : L’Acte Unique européen permet au Conseil européen d’adopter à la majorité qualifiée des directives qui visent à protéger la santé et la sécurité au travail.

1989 : Les Chefs d’Etats et de gouvernement adoptent la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, qui porte notamment sur la santé et la sécurité au travail, mais qui n’a pas de valeur juridique contraignante.

1993 : Le Conseil européen adopte une directive concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

1997 : Le traité d’Amsterdam étend la règle de la codésicion (le Parlement européen et le Conseil sont co-décisionnaires) au domaine de la santé et la sécurité
des travailleurs.

2000 : Le Parlement européen et le Conseil adoptent une directive modifiant la directive de 1993, afin de couvrir de nouveaux secteurs professionnels.

2003 : Une nouvelle directive reprend et consolide les aspects essentiels de la directive de 1993, en intégrant ceux de la directive de 2000.

2004 : En septembre, la Commission européenne propose un projet de directive sur le temps de travail qui révise les directives précédentes.

2005 : Le 11 mai, le Parlement européen vote un rapport sur l’aménagement du temps de travail qui rejette la proposition de directive de la Commission. Il propose des amendements pour la modifier. Suite au vote du Parlement, la Commission européenne présente au Conseil une version révisée du projet de directive, mais celle-ci n’inclut qu’un nombre réduit d’amendements parlementaires. Le 2 juin, le Conseil européen ne parvient à pas à se mettre d’accord et propose de poursuivre les discussions. Mais le projet de directive risque de ne pas aboutir sous la présidence britannique (de juillet à décembre 2005).

3. Les termes du débat

Le contexte
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L’Union européenne est tenue, en vertu des traités qui la régissent, de promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail. La directive sur le temps de travail fixe des prescriptions minimales à mettre en œuvre par les Etats membres, mais ceux-ci gardent la possibilité d’appliquer des dispositions plus favorables aux travailleurs. La directive vise plutôt à jouer le rôle de « filet de sécurité ». Cependant, pour le Parlement européen, le nouveau projet de directive présenté par la Commission est en contradiction avec ces obligations et avec la législation de l’Union.
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Le Parlement s’oppose à la Commission, en particulier sur les points suivants :
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L’opt-out et la durée maximale du travail
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– L’opt-out a été introduit à la demande du Royaume-Uni. D’autres Etats, comme la Pologne, sont également favorables à cette clause, car ils considèrent que l’incitation donnée à la négociation collective ne s’accorde pas avec leurs systèmes d’organisation du travail qui privilégient les choix individuels des travailleurs et la négociation au cas par cas. Par ailleurs, certains Etats se servent également de cette clause, mais uniquement pour des secteurs limités (la santé en France, en Allemagne et en Espagne, l’hôtellerie au Luxembourg…).

Un des objectifs de l’opt-out serait de permettre une plus grande flexibilité dans la gestion du temps de travail. Toutefois, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) souligne qu’il n’y a pas de lien entre le nombre d’heures de travail par an et le degré de compétitivité d’un pays, et qu’au contraire, un temps de travail limité va de pair avec une flexibilité et une productivité accrues.

– Le Parlement européen, soutenu par les syndicats, demande la suppression de l’opt-out, car celui-ci est en contradiction avec les objectifs de la directive sur le temps de travail. Il fait également obstacle à toute conciliation entre vie familiale et professionnelle.

La période de référence

– L’allongement de la période de référence pour calculer la durée hebdomadaire du travail ne modifie pas la règle concernant le nombre total d’heures de travail mais il peut permettre une répartition différente. La CES considère que l’annualisation de la période de référence rend difficile la protection contre des horaires de travail trop longs car elle autorise des amplitudes très importantes et des horaires irréguliers. De son côté, le Parlement européen estime qu’il peut y avoir annualisation du temps de travail mais, contrairement à la Commission, il pose des conditions indispensables : il faut que la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs soit complètement respectée, et surtout que l’annualisation soit encadrée par des conventions collectives. Mais la CES craint qu’en cas d’absence de conventions collectives, le vide juridique ouvre la porte à des dérogations excessives.

Le temps de garde

– Le Parlement européen demande que la jurisprudence européenne soit respectée. Celle-ci considère que le temps de garde effectué sur le lieu professionnel, qu’il soit actif ou inactif, est du temps de travail. La question du temps de garde se pose d’autant plus que les problèmes liés au manque de personnel dans certains secteurs peuvent entraver le fonctionnement de services essentiels pour les citoyens. Le calcul et la gestion du temps de garde sont souvent renvoyés aux Etats membres, par le biais des législations nationales et des conventions collectives.

4. La position des Verts

– Les Verts ont voté en faveur du rapport du Parlement européen sur l’aménagement du temps de travail. Ils estiment que la directive sur le temps de travail est au cœur du débat sur l’Europe sociale et que l’Union européenne a besoin d’une législation sociale consistante.

– Ils souhaitent l’inclusion du temps de garde inactif dans le temps de travail et la suppression de l’opt-out. Ils demandent que la période de référence pour le calcul des heures de travail soit encadrée et contrôlée. Pour Jean-Luc Bennahmias, le vote du Parlement européen montre qu’il est possible d’harmoniser par le haut les politiques sociales. Jean Lambert, eurodéputée anglaise, rappelle de son côté que le temps de travail doit être encadré pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et pour permettre de concilier vie professionnelle et vie privée.

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Encadré 1LE TEMPS DE TRAVAIL EN EUROPE

Chaque Etat membre de l’Union Européenne étant libre d’aménager le temps de travail, la durée et l’organisation du temps de travail varient d’un pays à l’autre.
Dans sa dernière enquête (2003/2004), la Fondation européenne
pour l’amélioration des conditions de vie et de travail
indique que la durée moyenne
de travail d’un citoyen européen est de 38,2 heures par semaine.

C’est en Lettonie, au Royaume-Uni et en Pologne que les heures de travail sont les plus élevées (plus de 40 heures) et en Italie, France et Pays-Bas qu’elles sont les
plus réduites (autour de 38 heures).

En moyenne, les citoyens européens ont environ 36 jours de congés payés (en incluant les jours fériés) : les Irlandais n’en ont que 29 et les Polonais 28.

Les Suédois en ont quant à eux 44, les Hollandais 42, les Italiens 40 et les Allemands 39,6.

En France et en Espagne, les congés payés et jours fériés se montent
à 36 et au Royaume-Uni à 32,5.

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Encadré 2LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE SUR LE TEMPS DE GARDE

Deux arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), dans les dossiers SIMAP en Espagne (2000) et Jaeger en Allemagne (2003), ont qualifié le
temps de garde (des médecins internes) comme temps de travail.

Pour la CJCE, un service de garde effectué à un endroit déterminé par l’employeur constitue du temps de travail, même si le médecin est autorisé à se reposer sur son lieu de travail lorsque ses services ne sont pas sollicités.

Cependant la proposition de directive de la Commission européenne va à l’encontre des arrêts de la CJCE, car elle estime que la jurisprudence européenne n’est pas en accord avec la législation et la tradition nationale d’une majorité d’Etats membres.

Un point de vue partagé par le Conseil européen, qui considère que les arrêts SIMAP/Jaeger ont créé une véritable insécurité juridique.

Au contraire, pour la CES, les arrêts de la CJCE peuvent être appliqués sans créer de problèmes majeurs.

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