Les parcs naturels nationaux

1 juin 2005
La France est riche d’un patrimoine naturel exceptionnel présentant une grande variété de paysages et d’espèces animales et végétales. Pour le protéger, elle s’est dotée de parcs nationaux. Quelle est sa stratégie par rapport à celles de pays voisins ?
Note sinople « Les Parcs naturels nationaux » (pdf 141.08Ko)

La loi actuellement en vigueur date de 1960, lors de la création du statut des parcs nationaux :

Une partie du territoire peut être classée « en “parc national” lorsque la conservation de la faune, de laflore, du sol, du sous-sol, de l’atmosphère, des eaux et, en général, d’un milieu naturel présente un intérêtspécial et qu’il importe de préserver ce milieu contretout effet de dégradation naturelle et de la soustraireà toute intervention artificielle susceptible d’en al-térer l’aspect, la composition et l’évolution (Art.1). »

– On distingue la zone centrale ou le « cœur » du Parc, où la réglementation est la plus stricte ; et la zone périphérique ou « zone d’adhésion », où la règlementation plus souple permet le développementd’activités humaines sous certaines conditions.

2. Les étapes importantes

1963 : Premier parc créé en Vanoise (Savoie) puis àPort-Cros (Var)
1967 : Pyrénées (Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées)
1970 : Cévennes (Lozère et Gard)
1973 :Ecrins (Hautes-Alpes)
1979 :Mercantour (Alpes-Maritime et Alpes-de-Haute-Provence)
1989 : Guadeloupe
Aujourd’hui : on compte 7 Parcs Nationaux (qui représentent 1% du territoire français).
Des nouveaux Parcs sont en projet (Guyane, Réunion, Calanques, Fontainebleau, Mer d’Iroise, Corse) mais aucun n’a pu aboutir. Suite au rapport Giran (député UMPdu Var) paru en juin 2003, l’Etat a décidé de préparer la réforme de la loi de 1960.
25 mai 2005 : Le ministre de l’Ecologie Serge Lepeltier présente son projet de réforme.
Le projet de loi devrait être examiné à l’Assemblée Nationale à l’automne 2005.

3. Les termes du débat

Les reculs du projet de réforme

L’affaiblissement des exigences pour la protection de la nature

– Le projet de loi prévoit de remplacer l’impératif deprotection dans le cœur du Parc par l’objectif de “développement durable”. Le cœur des Parcs avait pourtant été conçu comme une zone d’exception pour préserver le patrimoine naturel. Or dans sa première version, le projet va jusqu’à autoriser la construction de centrale hydroélectrique, l’élevage hors-sol ou l’exploitation minière.

– S’agissant des zones périphériques, jusqu’à présent celles-ci toléraient des aménagements, sous réservede certaines conditions (pratiques agricoles et pastorales respectueuses de l’environnement, infrastructures avec réseaux électriques enterrés,… ). Là aussi, le projet est en faveur du développement d’activités humaines.

Le désengagement politique et financier de l’Etat

– L’Etat se désengage de la gestion administrative et politique des parcs en donnant davantage de pouvoir aux élus et aux groupes locaux. Le financement des parcs, qui baisse déjà de façon inquiétante, devra être assumé en grande partie par les collectivités locales, alors qu’il n’y a pas de transfert de moyens financiers à la hauteur des besoins.

Le poids donné aux intérêts locaux et aux intérêts économiques

– Certains groupes de pression, actifs au niveau local (chasseurs, professionnels du tourisme, grands propriétaires etc.), pourront faire primer leurs intérêts particuliers sur l’intérêt général, en influençant les élus locaux qui seront prépondérants au sein du Conseil d’Administration de chaque parc.

De plus, la zone périphérique devra faire l’objet d’une “adhésion” descommunes ; les acteurs locaux devront définir une “Charte de développement durable”, mais rien ne garantit, ni qu’elle respectera les impératifs de protection environnementale, ni qu’elle sera effectivement appliquée et contrôlée. On peut donc craindre des dérives, telles que le “bétonnage” des côtes maritimes ou l’extension des stations de ski dans des zones protégées.

Mais une réforme nécessaire…

La dernière création de Parc remonte à 1989 ; le processus semble bien bloqué.

– Il y a un besoin d’écoute et d’adaptation au contexte local, mais aussi un besoin de volonté politique.

La consultation des acteurs locaux est nécessaire pour éviter d’éventuels conflits et permettre une gestion consensuelle des parcs. Les habitants et les scientifiques pourraient apporter leur expertise locale. Cependant le projet de réforme ne donne pas les moyens à tous de se faire entendre, face aux élus et aux puissants groupes d’intérêts. Les Groupes d’Intérêts Publics (GIP), conçus comme un espace de consultation, devraient mieux utilisés.

– La consultation doit être accompagnée de garde-fous : la Charte élaborée par les communes devraitêtre encadrée par un minimum d’obligations légales.

– Enfin, il est nécessaire de veiller à la cohérence des différents dispositifs de protection pour constituer un réseau de sites naturels. (Cf. Sinople la Note Natura 2000)

Un nouveau projet légèrement amélioré ?

– Sous la pression des associations de défense de l’environnement, le ministère de l’Ecologie et du Développement Durable a revu sa copie.

– Parmi les avancées, on peut noter les articles suivants :

« Art. L. 331-3. – I.Les activités industrielles et minièressont interdites dans le coeur du parc national.»

« Article L.334-4. (adaptations pour la Guyane): Lacharte du parc national prend en compte les élémentsspécifiques des modes de vie traditionnels qui contri-buent à la conservation du milieu naturel et l’usagedurable de la diversité biologique.»

– Cependant, de nombreuses questions restent en suspens: qui va financer la gestion des Parcs ? La Charte sera-t-elle une garantie suffisante ?

4. La position des Verts

– Les parcs doivent rester de la responsabilité de l’Etat, garant de la protection du patrimoine commun.

– Une trop grande place est accordée aux intérêts économiques locaux.

– Il faut encourager des pratiques pastorales respectueuses de l’environnement dans les zones périphériques et récompenser les bonnes pratiques grâce à une “dotation environnementale”.

– En Guyane, les Verts n’accepteront la création d’un Parc National que si celui-ci interdit l’orpaillage et respecte les droits des Amérindiens. (voir encadré 3 ci-dessous)

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[Encadré 1] ITALIE

L’Italie compte 21 Parcs nationaux et 3 nouveaux Parcs sont en projet. Ils couvrent 1,5 million d’hectares, sur environ 5% du territoire national. Ils ont été mis en place par le Ministère de l’Environnement et ils recouvrent une grande diversité administrative et géographique, avec l’originalité d’inclure des territoires où la présence humaine peut être significative. Les Parcs italiens jouent un rôle central pour la cohésion territoriale et le développement régional. Les Parcs marins sont particulièrement importants pour préserver les écosystèmes et les paysages uniques de la Méditerranée

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[Encadré 2] SUÈDE

La Suède a été le premier pays d’Europe à créer des Parcs nationaux : 9 Parcs furent établis dès 1909, dans l’idée de préserver le patrimoine naturel et culturel pour les générations futures. Aujourd’hui, la Suède compte 28 Parcs nationaux (dont 90% en montagne), mais aussi de nombreuses réserves protégées ; au total, 8% du territoire est protégé. Selon la loi suédoise, les Parcs nationaux doivent préserver un échantillon représentatif des biotopes, mais aussi permettre aux visiteurs d’accéder à des environnements d’une beauté unique. L’Agence de Protection de l’Environnement suédoise est chargée de la gestion des Parcs et propose la création de nouveaux Parcs, ensuite soumis au vote du Parlement.

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[Encadré 3] GUYANE

Annoncé en 1992 par Mitterrand, le projet de Parc National devait englober une zone de 30.000 km2 de forêt dans le Sud de la Guyane, d’une grande richesse du point de vue de la biodiversité et des ressources en or.

Avec l’augmentation des cours de l’or, l’orpaillage (l’exploitation de l’or) est en pleine expansion. Même pratiquée dans les meilleures conditions, «l’orpaillage propre» reste une activité provoquant la déforestation et la pollution de l’eau et des sols. Les Amérindiens souffrent des conséquences sanitaires du mercure rejeté par cette activité qui intoxique les poissons dont ils se nourrissent.

Cette activité est aussiparticulièrement dangereuse pour les ouvriers qu’elle emploie (principalement des clandestins venus du Brésil, employés dans des conditions très précaires).

Des opérations «Anaconda» ont été menées pour lutter contre l’orpaillage illégal, mais sans grand succès, d’autant plus que l’orpaillage « légal » emploie aussi des travailleurs illégaux.

Aujourd’hui, la zone Sud de la Guyane est protégée par un arrêté préfectoral de 1970. La question est de savoir si le Parc permettra de mieux protéger la forêt et les droits des populations.

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