Lettre ouverte à l’attention de Catherine Ashton, Haute Représentante de l’UE pour les Affaires Etrangères et de Stefan Füle, Commissaire pour l’Elargissement et la Politique Européenne de Voisinage
Cher Commissaire,
Dans la perspective du Sous comité droits de l’Homme entre l’UE et la Tunisie le 25 février prochain, nous vous interpellons au regard de la situation des droits de l’Homme qui prévaut en Tunisie.
Le journaliste et écrivain tunisien Taoufik Ben Brik, incarcéré en Tunisie depuis le 29 octobre 2009 a été condamné le 26 novembre suivant à six mois de prison à la suite d’un procès inéquitable. Alors qu’il est atteint du syndrome de Cushing et que Mr Ben Brick nécessite des soins réguliers, les conditions de sa détention s’assimilent à un traitement inhumain, cruel et dégradant portant atteinte à ses droits les plus élémentaires comme son droit de visite, son droit d’accès aux soins de santé ou encore ses droits à la défense.
Dans le contexte d’élections municipales le 9 mai prochain, l’accès aux sièges et locaux de plusieurs ONGs et partis politiques légaux reste largement entravé et les mesures répressives se multiplient à l’encontre des militants des droits de l’Homme. Les actes de harcèlement via une surveillance policière constante et les restrictions arbitraires imposées à la liberté de circulation constituent le quotidien des défenseurs des droits de l’Homme que sont par exemple Sihem Bensedrine, Radhia Nasraoui, Azza Ben Brick, Omar Mestiri, Raouf Ayadi, Fahem Boukadous, Hassan Ben Abdallalh ou encore Slim Boukhdir. Khémaïs Chammari, co fondateur de la Fondation euro-méditerranéenne de soutien aux défenseurs des droits de l’Homme, est d’ailleurs réduit à entamer une grève de la faim illimitée afin d’interpeller sur les violations de ses droits et revendiquer leur respect et garantie au quotidien.
Nous vous demandons d’exiger la libération immédiate de Taoufik Ben Brik ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme illégalement condamnés ainsi que l’arrêt immédiat de toutes formes d’intimidation à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme.
Nous vous rappelons une fois encore que l’Accord d’Association qui lie l’Union européenne et ses Etats membres avec la Tunisie contient une clause droits de l’Homme et démocratie juridiquement contraignante pour toutes les parties. La Tunisie s’est également engagée, dans le plan d’action de la Politique Européenne de Voisinage, à promouvoir la démocratie et le respect des libertés fondamentales conformément aux conventions internationales.
Il est temps de prendre acte de la situation sur place et en matière de libertés fondamentales, le constat est rude : aucune reconnaissance légale d’ONG depuis vingt ans, restrictions drastiques de la liberté de circulation, de la liberté d’opinion et d’expression, de la liberté de la presse, de la liberté d’association et de réunion, actes d’harcèlement, menaces, campagnes de diffamation et agressions à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et de leur famille, procès inéquitables, détentions arbitraires, corruption et disparités sociales. Devant ces violations massives des droits de l’Homme, l’exigence de justice se heurte aux atteintes répétées à l’indépendance du barreau et à la mise au pas de l’association des magistrats. Enfin, la torture demeure une pratique courante avérée. Par ailleurs, les fonds de nos projets IEDDH ne sont pas débloqués.
Autant d’éléments qui appellent plus que jamais une mise à l’agenda prioritaire et systématique des droits de l’Homme dans tous les rendez vous de l’Union européenne avec la Tunisie. Nous attendons donc de votre politique à l’égard de la Tunisie qu’elle soit conforme au gage du Commissaire Füle quant au respect des droits de l’Homme comme préalable sine qua non à tout approfondissement des relations de l’UE avec un pays tiers et à la garantie de Mme Ashton de nouer des contacts avec les défenseurs des droits de l’Homme des pays qu’elle visite.
Pour ces raisons, nous réitérons notre appel en faveur d’une mise en œuvre systématique des lignes directrices sur les défenseurs des droits de l’Homme par la délégation de la Commission et les Etats membres. Il est de votre responsabilité que l’UE respecte ses propres engagements et nous attestons pourtant l’absence de mise en œuvre de ces lignes directrices en Tunisie qu’il s’agisse d’assister aux procès des défenseurs des droits de l’Homme, de les rencontrer en prison ou encore de soutenir leurs familles.
Nous vous appelons à réaffirmer les valeurs fondamentales de l’UE comme vous vous y êtes engagés et à exiger de nos partenaires tunisiens le plein respect des droits de l’Homme et de la démocratie conformément aux articles 8 et 21 TUE.
Thijs Berman, député européen S&D
Cornelia Ernst, députée européenne GUE/NGI
Hélène Flautre, députée européenne Verts/ALE
Sylvie Guillaume, députée européenne S&D
Heidi Hautala, députée européenne Verts/ALE, Présidente de la Sous commission des droits de l’Homme
Marie Christine Vergiat, députée européenne GUE/NGI