Pascal Durand : « La directive sur le secret des affaires est un mensonge institutionnel »

20 avril 2016
Jeudi 13 avril, le Parlement européen a voté à une large majorité la directive sur le secret des affaires. Parmi les eurodéputés français, seuls les Verts et les élus du Front de gauche s’y sont opposés. Pascal DURAND explique à « Marianne » les raisons de ce vote et les dangers de cette directive.
Jeudi 13 avril, les députés européens ont voté à une très large majorité – 503 pour, 131 contre – le texte proposé par la Commission européenne sur le secret des affaires. Le tout malgré une pétition signée par plus de 500.000 personnes contre cette directive, à l’initiative de la journaliste Elise Lucet. Le texte adopté vise à protéger les entreprises contre l’espionnage économique et industriel. En cas de vol ou d’utilisation illégale d’informations confidentielles, les entreprises pourront demander réparation devant les tribunaux européens. On peut y lire que « la protection des secrets d’affaires ne devrait dès lors pas s’étendre aux cas où la divulgation d’un secret d’affaires sert l’intérêt public, dans la mesure où elle permet de révéler une faute professionnelle ou une autre faute ou une activité illégale directement pertinentes ».

Dans sa pétition, Elise Lucet n’est pas franchement du même avis : « Avec la directive qui sera bientôt discutée au Parlement, toute entreprise pourra arbitrairement décider si une information ayant pour elle une valeur économique pourra ou non être divulguée. Autrement dit, avec la directive ‘Secret des Affaires’, vous n’auriez jamais entendu parler du scandale financier de Luxleaks, des pesticides de Monsanto, du scandale du vaccin Gardasil… Et j’en passe. »

Marianne : « Pourquoi les eurodéputés français verts ont-ils voté contre la directive sur le secret des affaires ? »

Pascal Durand : « Pour une raison simple : cette directive sur le secret des affaires se base sur de fausses justifications. C’est le plus gros enfumage que j’ai vu depuis que je suis eurodéputé. C’est un mensonge institutionnel. Les deux arguments mis en avant par ses défenseurs sont, d’une part, qu’elle va permettre de protéger les PME et de l’autre, accroître la protection des salariés. Mais vous imaginez bien que ce n’est pas franchement l’inquiétude du boulanger du coin que de se faire voler des informations sur son entreprise… Soyons sérieux !

En réalité, cette directive n’est destinée qu’à permettre aux grandes entreprises d’estampiller sous le sceau du secret des affaires tous les éléments qu’elles voudront. Cette directive crée un « socle », c’est le mot utilisé, du secret des affaires. Toutes les informations liées à l’entreprise seront protégées par le secret des affaires, sauf celles qu’elle décide de rendre public. Nous sommes dans une inversion complète du mouvement pour la transparence ! Le principe étant que tout est opaque, à part ce qu’a décidé de révéler l’entreprise.

L’autre idée avancée, notamment parmi les socialistes européens, est qu’elle permet d’accroître la protection des salariés dans la révélation d’affaires. C’est faux ! La directive, et il a fallu se battre pour obtenir cette petite avancée, ne protège que dans des conditions très limitées les représentants du personnel et, dans les pays européens qui n’en n’ont pas, les salariés qui ont agi dans l’intérêt collectif. Concrètement, si un agent d’une centrale nucléaire découvre une fissure sur une cuve, il ne pourra pas agir directement. Quant aux lanceurs d’alerte, ils ne seront protégés que s’ils dénoncent un acte illégal, un fait inapproprié ou contre l’intérêt général. Qu’est ce qu’un fait inapproprié ? On ouvre ici la porte à l’arbitraire total. C’est un texte qui va clairement empêcher le travail d’investigation des journalistes en tarissant leurs sources. »

La suite à lire sur le site de Marianne

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Un commentaire

  • pierre gillet dit:
     - 

    il me semble que si une entreprise dissimule une info qui a une probabilité de créer un préjudice, alors elle ne peut empêcher sa divulgation (principe de précaution) ;
    n’y a t-il pas dans ce cas un lien direct entre un fait et le préjudice ?
    Et puis si il y a une dissimulation contre l’intérêt général, par exemple l’existence d’un fait à l’encontre de la santé, n’y a t-il pas une situation anticonstitutionnelle ? si aucun texte n’en parle clairement ne peut on pas l’inclure comme principe constitutionnel ?
    Je ne suis pas éclairé dans ces domaines, je ne saisis pas bien les enjeux et les possibilités d’action mais ca semble tellement évident…!

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