Quatrième paquet ferroviaire : promesse d’un renouveau ou pagaille organisée pour le rail européen ?
« En permettant finalement aux structures en holding existantes de perdurer, la Commission européenne donne l’impression d’en revenir à une approche un peu moins dogmatique des relations entre entreprises ferroviaires et gestionnaires d’infrastructures. Dans la pratique, les contraintes qu’elle tente une nouvelle fois de leur imposer démontrent plutôt qu’elle continue de confondre non-discrimination et gestion à l’aveugle d’un secteur qui, en réalité, ne saurait se passer d’une gestion véritablement systémique. Ce que la Commission refuse manifestement de comprendre, c’est que l’intérêt général et la sauvegarde d’un service public performant impliquent au contraire des choix politiques et opérationnels parfaitement légitimes, qui dépassent largement les intérêts particuliers des nouveaux opérateurs uniquement présents sur les segments les plus rentables du marché.
Cette obsession en faveur de l’éclatement du secteur ferroviaire et d’un cloisonnement strict de ses différentes composantes montre bien que la Commission n’a toujours tiré aucun enseignement, ni de la faillite de son modèle et de ses conséquences dans le domaine du fret ferroviaire, ni des conclusions que les britanniques tirent aujourd’hui eux-mêmes de la libéralisation de leurs propres chemins de fer. »
Karim Zéribi, membre de la commission Transports du Parlement européen a ajouté :
« Sortons des dogmes idéologiques actuels où tel modèle serait plus vertueux que tel autre. Il n’existe pas de modèle unique et magique ; plusieurs options sont possibles, ce que la Commission semble avoir fini par comprendre. Pour atteindre les objectifs que l’Europe se fixe à terme dans le ferroviaire, il faut à mon sens respecter trois priorités fondamentales.
Premièrement une qualité de l’offre et l’efficience du système. L’objectif affiché est de satisfaire les citoyens dans les services et les prix qui leur sont offerts tout en garantissant sécurité, ponctualité et fiabilité. Deuxièmement, il faut accroître la part modale du ferroviaire par rapport aux autres modes de transport, afin de répondre au double objectif de transport alternatif et de développement durable.
Enfin, il faudra se concentrer sur le coût financier et les conséquences sur les finances publiques d’une telle libéralisation. Si en cette période de crise, on laisse aux gestionnaires d’infrastructure le poids de la dette, comment pouvons-nous espérer assainir leurs finances ? Si l’on remplit ce triple objectif, chaque Etat membre peut prendre un chemin différent dans son organisation interne. On ne doit pas avoir des certitudes, car tout l’enjeu se situe dans ce que la puissance publique et politique souhaite faire du ferroviaire, ainsi que dans la capacité de coopération entre les acteurs du système. »
Pour Jean-Jacob Bicep, membre de la commission Transports du Parlement européen :
« En ouvrant à la concurrence le transport national de voyageurs, la Commission prétend résoudre son équation magique : plus de concurrence, c’est plus de qualité, moins de coûts et plus de part modale pour le rail. Pourtant, la libéralisation du fret ferroviaire et du transport international n’a pas mené aux effets escomptés et surtout, presque aucune attention ne semble portée à ce qui devrait pourtant être dans le viseur de cette législation : les conditions sociales des travailleurs et la protection de leur statut.
Sans véritable garde-fous sociaux, la mise en concurrence des travailleurs pourra avoir des conséquences désastreuses. Faisons les choses dans le bon sens, l’Europe sociale n’attendra plus. Le but, c’est l’interconnexion, pas la compétition. Le but, c’est le service public, pas la concurrence. La concurrence n’est qu’un outil, et un outil ne sert à rien sans l’intelligence humaine pour l’utiliser, pour l’utiliser à une fin, une fin sensée, crédible et juste. »