Réchauffement climatique: n’oublions pas la biodiversité

14 décembre 2009
La diversité de vie sur terre a toujours su s’adapter à l’évolution des climats. Soit. Ce discours, combien de fois l’avons-nous entendu? Cent, mille fois? Alors à quoi bon s’inquiéter? «Dormez bien, tout va bien»: voilà en substance ce qu’il faudrait en déduire. Ne surtout pas s’inquiéter. Après tout, qu’est-ce que la biodiversité? Un truc d’écolos avec son train de petites fleurs et d’insectes dont on ne sait trop que faire. Après tout, à quoi bon s’offusquer de la disparition d’un quelconque insecte qui, une fois disparu, aura au moins à première vue l’avantage de ne plus piquer…

A quoi bon s’inquiéter aussi de la disparition de cet «étrange» grand hamster, dont le seul intérêt, du point de vue médiatique au moins, semble s’arrêter à sa capacité à contrarier les projets de grand stade ou de grand contournement ouest dans l’agglomération strasbourgeoise? Serait-ce si grave si, demain, orchidées, vautour fauve, vipère péliade, jaguar, corail rouge, poisson clown, et autre grand hamster venaient à disparaître? Non, si l’on se fie à la théorie selon laquelle on a toujours su s’adapter aux évolutions climatiques. A un détail près: si rien n’est fait, l’augmentation des températures moyennes mondiales sera au cours des cent prochaines années plus importante qu’au cours des 10.000 dernières! Quant aux conséquences…
Migrations et disparitions

A titre de «teaser», au cours des dernières décennies, de nombreux insectes ont déjà migré vers le Nord, la propagation de certains ne sera pas sans effet sur nos forêts, l’élevage et l’agriculture. Dans le même esprit, certaines espèces d’arbres se raréfient, voire disparaissent. Conséquence humaine directe: une part de l’industrie du bois sera inévitablement appelée à se déplacer, avec pour corolaire des conséquences économiques et sociales incontrôlables. Sans parler de l’abeille, dont la disparition signifierait le signe avant-coureur de la fin de l’espèce humaine….

L’homme a-t-il idée de l’importance de cet insecte pour l’agriculture et pour la préservation de la biodiversité? Les abeilles pollinisent: par leurs déplacements et leur butinage de fleur en fleur, elles permettent la reproduction des espèces végétales. La production de plus des trois quarts des cultures dans le monde bénéficie de l’activité pollinisatrice. Selon une étude de l’INRA et du CNRS en 2005, 35% de la production mondiale de nourriture résulte de la production de cultures dépendant des pollinisateurs. La pollinisation est un service rendu par la nature qui est estimée par cette même étude à 153 milliards d’euros, soit 9,5 % de la valeur de la production agricole mondiale.

Autant dire que dans un tel contexte il faudra bien plus pour rassurer un forestier, un éleveur ou un agriculteur qu’un «Dormez bien, tout va bien».

Autre exemple, non sans conséquences tant écologiques qu’humaines, l’un n’allant pas sans l’autre, des équipes de chercheurs britanniques et de l’Ifremer ont relevé qu’en vingt ans sur 36 espèces de poissons étudiées dans l’Atlantique Nord, 24 se sont déplacées de 50 à 400 km plus au nord ou en des eaux plus profondes. Autre constat: le plancton dont se nourrissent les poissons se déplace également sous l’effet du réchauffement climatique. Quelles conséquences sur le milieu marin et l’activité humaine liée?
Un impact considérable sur la sécurité alimentaire

En Europe, plus de 40% de la faune est aujourd’hui en danger et ce sont plus de 800 espèces végétales qui sont menacées d’extinction totale. En soixante ans, nous avons perdu plus de la moitié de nos zones humides. Et la liste est loin d’être exhaustive. D’après le Fonds mondial pour la nature, le changement climatique aura un impact considérable sur la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau de millions de personnes.

Augmentation des tempêtes, d’inondations, de canicules, des épidémies de maladies infectieuses, pour l’Organisation mondiale de la santé le changement climatique est déjà responsable d’au moins 150.000 décès par an et ce chiffre devrait doubler d’ici à 2030. Enfin le rapport Stern estime que les coûts du changement climatique pourraient représenter 5 à 20 % du PIB mondial en 2050. Ce choc climatique provoque de profondes modifications de l’environnement et accélère les menaces sur la diversité du monde vivant, la nature, la biodiversité dont l’humanité dépend et fait partie.

Alimentation, santé, accès à l’eau et aux matières premières, emploi, tout (ou presque) ce qui compose notre quotidien est menacé parce que directement lié de près ou de loin à la préservation de la biodiversité. Dormez-vous toujours bien? Tout va-t-il toujours bien?

L’urgence est réelle et n’a rien à voir avec une simple préoccupation d’écolo. Ce qu’il nous faut aujourd’hui est une politique en matière de recherche sur les impacts des changements climatiques sur le milieu naturel. Une politique, ambitieuse, volontariste mais aussi, et c’est essentiel, assortie de financements véritablement à la hauteur des enjeux en présence.

Différentes sections de l’ONU tentent déjà de se coordonner sur le sujet, dont celles la Convention sur la diversité biologique et de la Convention-Cadre sur les changements climatiques, mais nous sommes encore loin du compte. A seul titre d’exemple, le GIEC de la biodiversité, pourtant réclamé avec insistance par plusieurs groupements de chercheurs, attend toujours de voir le jour. Quelle raison rationnelle à cela au regard des enjeux en présence?

La sonnette d’alarme a beau avoir été tirée de nombreuses fois depuis 1992 et le Sommet de Rio, les stratégies internationales, européennes et nationales sont loin d’avoir atteint les objectifs fixés pour 2010, déplorait encore récemment l’UICN, l’Union mondiale pour la nature. Principale raison, l’absence criante de transversalité des politiques publiques menées en la matière. Continuer à gérer indépendamment politique de l’eau, politique agricole, politique des transports, urbanisme et autre gestion du patrimoine naturel nous mènera droit dans le mur.

Seule issue possible: tout plan mis en place dans le monde ou en Europe doit désormais prendre en compte l’impact de tous les secteurs sur la nature et reposer sur une connaissance exhaustive du patrimoine naturel par une haute qualité scientifique. A défaut, nul doute que nous serons peu à aller bien et à pouvoir encore tout simplement dormir…

Il est encore temps de se réveiller!

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