Taxe Tobin pour le climat : de promesse en promesse
Journée tendue dans les négociations de Copenhague ce lundi. Après la menace de boycott du groupe des pays africains, les pays en développement ont suspendu temporairement la négociation. La raison : ils craignent que les pays riches qui avaient signé le protocole de Kyoto tentent de le « tuer ».
Prolonger Kyoto est un impératif à leurs yeux. Les signataires, quant à eux, ne veulent pas accepter de prolonger Kyoto tant qu’ils n’auront pas plus de certitudes sur les engagements des grands émergents et des Etats-Unis. Cela devra donc se régler entre Chefs d’Etat… En attendant, les pays en développement montrent leurs muscles.
L’autre sujet qui fâche les pays en développement reste l’aide financière aux pays du Sud. Les pays industrialisés avaient espéré se sortir de Copenhague en ne promettant de l’argent, de l’ordre de 10 milliards de dollars par an, que pour les trois prochaines années. C’est peut être raté : les pays en développement demandent plus de certitudes sur l’aide à l’horizon 2020. « Peut être », car rien ne dit que les pays en développement resteront unis jusqu’à la fin sur cette demande. Certains grands émergents, Chine en tête, ont bien compris qu’ils ne bénéficieront que peu – voire pas – des financements publics mobilisés par les pays riches. Vont-ils rester solidaires avec les pays les plus pauvres ? On le saura dans quelques jours…
Il faut pourtant, à Copenhague, donner des certitudes sur les financements à moyen terme pour que les pays les plus pauvres lancent sérieusement leurs stratégies d’adaptation au changement climatique et d’accès à l’énergie propre. Pour cela, les pays riches doivent préciser leurs engagements financiers. On ne peut se satisfaire, comme le fait la France, qu’ils disent : « allez, engageons nous tous ensemble pour 100 milliards d’euros ou plus et on trouvera bien une solution comme la taxe sur les transactions financières pour lever ces fonds ».
Ces promesses sont trop fragiles. Quels sont les « mécanismes innovants » (mettre aux enchères les droits à polluer, taxe Tobin, taxe sur le transport maritime par exemple) qui verront le jour ? Difficile à dire aujourd’hui. Peut être aucun. Ces pourquoi les pays riches doivent donner des certitudes, en s’engageant sur des sommes financières précises.
Peut-on réussir à avoir cela à Copenhague ? Oui. Pour cela, il est nécessaire que les américains ou les européens fassent le premier pas et annoncent leur contribution financière à moyen terme. Depuis des mois l’Europe hésite à s’engager sur 15 milliards d’euros : elle devra enfin le faire, avant la fin du Sommet, et sur une somme espérons-le deux fois plus importante. Barack Obama devra lui une nouvelle fois devancer son Congrès, non seulement mettre sur la table les chiffres qui figurent dans les projets de loi (de l’ordre de 10 milliards de dollars par an), mais aussi les augmenter.
Une petite clarification pour finir sur la taxe sur les transactions financières: je ne critique pas Jean-Louis Borloo ou Nicolas Sarkozy sur ce sujet parce que j’y suis opposé. Mais parce que je suis plus que sceptique sur leur volonté réelle de la mettre en œuvre. Non seulement elle arrive sur la table des négociations maintenant alors qu’on parle depuis des années des différents mécanismes financiers innovants. Surtout, cela ressemble un peu trop à un retournement de veste : il y a moins d’un an, Nicolas Sarkozy alors président de l’Union européenne se vantait auprès des ONG d’avoir réussi à imposer aux pays européens d’utiliser la moitié de l’argent qu’ils tireront du marché carbone européen (soit quelques dizaines de milliards d’euros chaque année) pour lutter contre le changement climatique et aider les pays en développement.
Qu’en est-il aujourd’hui de cette promesse ? La France soutient-elle toujours l’utilisation de cet argent pour aider les pays en développement ? Elle préfère désormais nous parler d’une taxe sur les transactions financières. De promesse en promesse, la France se veut le héros du climat.
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