Asile et migration : l’UE doit cesser son chantage aux pays tiers et l’inhumanité de sa politique

19 novembre 2020

Le 19 novembre se tenait au Parlement européen la Conférence interparlementaire de haut-niveau sur la migration et l’asile en Europe. L’occasion pour les parlementaires nationaux et européens de mieux coopérer en échangeant avec les institutions européennes et internationales et la société civile. Mounir Satouri est intervenu pour représenter le groupe des Verts / ALE au sein de l’atelier sur la dimension externe de la politique migratoire européenne.

 

 

Depuis les années 90, la coopération est progressivement devenue un outil de négociation, voire de chantage, pour mettre les pays tiers au service de la politique migratoire de l’UE. Le virage est devenu évident au sommet européen de Séville en 2002 avec la proposition de la Présidence Espagnole de conditionner l’aide au développement à la coopération migratoire. Si une telle décision n’a pas été formellement entérinée, seule la logique de « donnant-donnant » continue pourtant d’inspirer les programmes d’assistance aux pays tiers pour la gestion des migrations.

Les parlementaires nationaux et européens peuvent être des acteurs du changement en dénonçant le déséquilibre de cette relation. Ils peuvent par exemple appeler les parlements nationaux des Etats membres de l’UE à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Cette Convention en vigueur depuis 2003 n’est signée par aucun Etat membre. Une telle ratification contribuerait à témoigner de la volonté de l’UE d’établir avec les pays d’émigration des rapports fondés sur l’intérêt réciproque des deux parties.

Les politiques d’immigration européennes ont été harmonisées sur le seul volet répressif. L’enfermement est logiquement devenu un mode de gestion des migrations conduisant à une industrialisation du retour : puisqu’il faut expulser, il faut multiplier les accords de réadmission et les centres de détention. Centres de détention aux conditions inhumaines et dégradantes que l’UE finance largement, de préférence chez ses voisins. Il s’agit pour l’UE d’échapper ainsi à ses responsabilités quant aux violations des droits de l’Homme ainsi commises en toute impunité. Sous-traiter le contrôle des frontières extérieures de l’UE se révèle par ailleurs également très dangereux pour la sécurité. Il est mensonger, coûteux, inefficace et criminel de prétendre fermer les frontières européennes. L’UE se met à la merci du bon vouloir de gouvernements à ses frontières sans stratégie long terme. On le voit aujourd’hui avec la Turquie et la « surenchère menaçante aux migrant.e.s » du Président Erdogan ; on le voit aussi en Libye.

Les financements européens sont diffus, les négociations d’accords officieux discrètes et la mise en œuvre des missions de garde-côtes peu transparentes. L’opacité règne en maitre et il devient urgent pour les parlementaires de mettre fin à ce déni démocratique dans la gestion migratoire de l’UE.  Exercer un droit de regard parlementaire est une exigence. Les outils sont multiples, qu’il s’agisse de missions d’observation, de commissions d’enquête sur les activités menées en Méditerranée au nom de la lutte contre l’immigration, d’un appel à plus de contrôle de l’Agence des Droits Fondamentaux sur ces questions, etc.

L’impunité et l’inhumanité résument les politiques migratoires européennes. Les personnes migrantes voient leurs droits systématiquement violés et restent sans information ni droit de recours. Créer des voies de recours effectives et efficaces pour les plus démunis d’entre nous n’est pas une option mais le BABA juridique de tout Etat de droit.

Enfin, il convient d’afficher un soutien sans faille à la société civile et aux ONGs criminalisées en raison de leur action en faveur des migrants. Ces initiatives sont les seules à incarner de l’humanité, elles méritent nos remerciements et notre appui. Un soutien parlementaire uni contre l’infâme délit de solidarité s’impose de concert avec un appel à une politique migratoire de l’UE centrée sur les peuples et non les Etats.

 

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Programme complet de la Conférence interparlementaire de haut-niveau sur la migration et l’asile en Europe

Programme de la session sur la dimension externe – Façonner des partenariats avec des pays-tiers
Présidée par le coprésident du Parlement européen Tomas Tobé et Monika Gregorčič (Assemblée nationale slovène)

Introduction
Jutta Urpilainen, Commissaire aux partenariats internationaux
Amira Elfadil Mohammed Elfadil, Chargée d’affaire pour la commissaire de l’Union Africaine

Discutants
Nicola Bay, Représentante du Conseil danois des réfugiés
David Miliband, président et chef de la direction de l’International Comité de Sauvetage (International Rescue Committee)

Échange de vues avec les membres des parlements nationaux et du Parlement européen
• Dimension externe de l’asile et de la migration au-delà des principes;
• Développement d’accords globaux avec des Etats tiers – état des lieux;
• Approche internationale en période de crise du multilatéralisme

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