
Etat de l’Union : l’Europe n’a pas besoin de discours mais d’actes
Pendant qu’en France la crise politique se prolonge avec la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon et que la crise sociale s’aggrave avec les mouvements sociaux des 10 et 18 septembre, à Strasbourg, Ursula von der Leyen présentait ce mercredi son discours annuel sur l’état de l’Union devant le Parlement Européen.
L’état de l’Union n’est pas plus brillant que celui de la France
L’état de l’Europe n’est pas plus brillant que celui de la France. Depuis janvier dernier, l’UE subit humiliation sur humiliation de la part de Donald Trump et s’est avérée incapable jusqu’ici de réagir de manière ferme et unie, ce qui serait le seul moyen de faire reculer le président américain et sa politique.
L’accord sur les droits de douane conclu en juillet dernier en Ecosse entre Ursula von der Leyen et Donald Trump a été particulièrement catastrophique de ce point de vue. Dans un sondage réalisé par Cluster 17 pour le Grand Continent dans 5 pays européens, 75% des personnes interrogées considèrent que les intérêts de l’Europe y ont été mal défendus.
Et à juste titre. Comme on l’a constaté lors de la rencontre entre Trump et Poutine en Alaska, la capitulation européenne sur les droits de douane n’a aucunement permis de consolider l’engagement américain aux côtés de l’Ukraine. Elle n’a amené ni sécurité, ni stabilité dans les relations commerciales avec les États-Unis et a au contraire encouragé Trump à pousser son avantage en s’attaquant à nos normes sur le numérique et probablement demain aux normes sanitaires sur les produits alimentaires.
Un discours de campagne électorale
C’est dans ce contexte qu’Ursula von der Leyen a pris la parole dans l’hémicycle du Parlement Européen. Ce que nous avons entendu à cette occasion n’était pas vraiment un discours sur l’état de l’Union. C’était plutôt un discours de campagne électorale comme si la présidente de la Commission n’était pas aux affaires depuis plus de six ans. Au lieu de dresser un bilan de son action, elle a cherché à masquer ses contradictions derrière des slogans accrocheurs. Elle a fait du marketing politique.
Ursula von der Leyen a beaucoup insisté tout d’abord, à juste titre, sur le soutien inconditionnel à l’Ukraine et sur les questions de sécurité en promettant un « semestre européen de la défense »… Il est certes indispensable de bloquer l’agression de Vladimir Poutine malgré la trahison de Donald Trump mais on attend aussi depuis longtemps des semestres européens – ces exercices annuels qui visent à coordonner les politiques des 27 états membres – pour le social, pour le climat ou pour l’État de droit.
Gaza : toujours le « trop peu, trop tard »
Sur Gaza, il aura fallu attendre deux ans et 63 000 morts pour que Ursula von der Leyen se décide enfin à proposer quelques mesures significatives contre l’action criminelle du gouvernement Netanyahou. Mieux vaut tard que jamais bien sûr, mais ce qu’elle propose – et qui reste loin d’être encore décidé par les chefs d’État et de gouvernement – reste malheureusement toujours de l’ordre du « trop peu, trop tard » habituel, compte tenu de l’accélération de la politique génocidaire du gouvernement israélien.
Sur le terrain environnemental, la présidente de la Commission a certes tenu à confirmer les objectifs climatiques européens pour 2040, mais elle a réduit leur poursuite à une affaire de compétitivité, comme si la survie de notre planète n’était qu’un défi économique. Elle n’a pas eu un mot en revanche sur un plan crédible d’adaptation de l’Europe au changement climatique : rendre hommage à l’action, aussi indispensable que dangereuse, des pompiers est nécessaire, mais n’est sincère que si l’on s’engage à prévenir les incendies ! Le nucléaire, lui, a cependant eu droit à une place centrale, promu comme « énergie de base ».
L’accord UE-Etats-Unis « le meilleur du monde » ? C’est se moquer des citoyens
La présidente de la Commission a qualifié l’accord UE/États-Unis de « meilleur au monde », alors même que l’Europe s’est engagée à investir massivement aux États-Unis plutôt qu’en Europe et à utiliser notre argent pour soutenir le complexe militaro-industriel américain au lieu de construire la défense européenne. C’est se moquer de nos concitoyens. Parler d’indépendance énergétique tout en renforçant notre dépendance au pétrole et au gaz américains, c’est de l’hypocrisie.
De même, répéter qu’on veut protéger l’agriculture européenne tout en signant des accords de libre-échange destructeurs relève du cynisme. Prétendre défendre le « Produire européen » alors que, dans le même temps les conservateurs imposent l’accord UE–MERCOSUR et la renationalisation de la PAC qui va mettre nos agriculteurs en concurrence sauvage les uns contre les autres, c’est un discours creux, du vent.
Des promesses recyclées sur la pauvreté
Ursula von der Leyen a eu comme d’habitude quelques mots sur une nouvelle stratégie contre la pauvreté, sur le logement social ou sur les droits de l’enfant… Chaque année, elle nous promet de lutter davantage contre la pauvreté mais chaque année on ne voit rien venir après et la fracture sociale s’aggrave. Dans le même temps où elle propose de tripler le budget pour expulser les migrants et les pourchasser à nos frontières, celui des politiques sociales de l’Union stagne et les ONG sont attaquées. Les mots ne suffisent plus.
Rien sur les ressources de l’Union
Dans un discours, les silences en disent souvent plus long que ce qui est dit. Ursula von der Leyen n’a pas eu un mot au sujet de nouvelles ressources propres indispensables pour accroître le budget de l’Union. Alors que c’est la condition sine qua non pour avoir une petite chance de réaliser une partie de tout ce qu’elle promet année après année en matière de défense, d’innovation, de transition énergétique tout en renforçant la cohésion sociale au sein de l’Union…
En bref, on a entendu ce mercredi un discours qui cherchait surtout à jouer sur les émotions, une volonté illustrée par la présence d’un jeune Ukrainien sorti des griffes de Poutine et par celle d’un pompier grec venu combattre les incendies en Espagne.
L’Europe n’a pas besoin de paroles mais d’actes
Ursula von der Leyen sait incontestablement raconter des histoires. Mais l’Europe n’a pas besoin d’une conteuse. Elle a besoin d’actes. Elle a besoin de courage. Elle a besoin de preuves d’engagements. Parce que sans cela, l’Union se fragilise, la démocratie s’érode et les citoyens perdent confiance.
Mounir Satouri
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