Israël/Gaza : pourquoi les écologistes ont soutenu la résolution du Parlement européen

20 octobre 2023

Lors de la dernière session plénière à Strasbourg, le Parlement européen a adopté une résolution au sujet de la situation en Israël et en Palestine. Même si elle ne reflète pas pleinement ce que nous aurions souhaité y voir figurer, elle fera date. Explications de David Cormand.

L’agression terroriste du Hamas à l’encontre de civil·e·s israéliennes et israéliens, le 7 octobre dernier, a été le déclencheur et l’accélérateur d’une escalade de violences qu’il convenait et qu’il convient de réduire à tout prix.

Nul ne doit ignorer le contexte global dans lequel cette agression terroriste islamiste s’est déroulée ni celui dans lequel la réplique du gouvernement de Benyamin Netanyahu s’inscrit.

L’acte terroriste du Hamas ne constitue pas une stratégie de résistance ou de libération des Palestiniennes et des Palestiniens. Il s’agit, pour eux, de mettre la Palestine et le martyr de sa population au service d’un récit global motivant une nouvelle guerre de civilisation.

C’est la « raison » des atrocités commises contre des civil·e·s israélien·ne·s innocent·e·s. La barbarie de leurs actes était, d’une certaine manière, le pendant de celle qu’ils souhaitaient voir infliger en retour par le gouvernement de Netanyahu aux Palestiniennes et aux Palestiniens.

Depuis plus de 25 ans, le Hamas et Netanyahu sont opposés au processus de paix issus des Accords d’Oslo. Ils ont tout fait pour l’anéantir. La situation actuelle est l’aboutissement, l’acmé, de cette stratégie du camp de la guerre.

Depuis 15 ans, l’Occident, que ce soit la France, l’Union européenne ou les États-Unis, a cessé de vouloir jouer un rôle actif de médiation et d’équilibre entre l’aspiration légitime de deux peuples à leur autodétermination et à leur sécurité.

La situation actuelle est aussi l’aboutissement de cet abandon, qui a laissé libre court à d’autres acteurs, qui ont vu dans la possibilité de détourner « la cause palestinienne » et sa charge historique une véritable aubaine à instrumentaliser.

Le peuple palestinien se trouve abandonné au sort de puissances jihadistes, terroristes et/ou étrangères comme l’Iran et le Qatar, mais aussi la Russie, qui perçoivent parfaitement l’usage qu’ils peuvent faire du massacre et du martyr palestinien.

Il faut aussi oser dire qu’ils ont, dans ce jeu cynique et macabre, un partenaire idéal dans la personne de Netanyahu qui a fait de l’anéantissement de la Palestine un argument électoral en même temps qu’un bouclier contre ses turpitudes affairistes et judiciaires.

Pour toutes ces raisons, il ne fallait pas tourner autour du pot pour qualifier de terroriste l’agression impardonnable du Hamas contre des civil·e·s. Car c’est bien d’une stratégie terroriste dont il s’agit.

Accorder le statut d’armée régulière au Hamas en qualifiant ses exactions « d’offensive armée » est donc une faute d’analyse sur ce dont il est question, mais c’est aussi une insulte au peuple palestinien qui ne saurait être associé à ce crime.

La légèreté coupable de l’Union européenne

À la suite de cette agression terroriste, donc, l’Union européenne a fait preuve d’une légèreté coupable qui a mis en colère beaucoup de membres du Parlement européen.

Première faute lourde, la déclaration unilatérale du commissaire européen hongrois Olivér Várhelyi annonçant la suspension des aides européennes à la Palestine. Mon collègue Mounir Satouri a été le premier à l’initiative d’un courrier, signé par plus de 70 député·e·s, issus de 5 groupes, demandant son renvoi. Pour ma part, j’avais expliqué dans un billet sur mon site pourquoi l’Union européenne ne devait pas remettre en cause l’aide humanitaire à la Palestine.

Puis, Ursula von der Leyen a entrepris un voyage en Israël, sans aucun mandat, et a défendu une ligne qui ne correspond pas à la position de l’Union européenne, ce qui constitue une faute lourde. Là encore, mon collègue Mounir Satouri a pris la plume, pour une tribune parue dans L’Obs le 19 octobre dernier.

C’est dans ce contexte qu’intervient le débat et le vote de cette résolution.

Du « cessez-le-feu » à la pause humanitaire : le vote d’une résolution au Parlement européen

La demande du groupe Vert était qu’un « cessez-le-feu » soit inclus dans cette résolution. Les 3 gros groupes — PPE (droite), Renew (centre) et socialistes — y étaient opposés, ainsi que l’extrême-droite. Alors, que faire ?

D’abord, pour que les choses soient claires : du côté français, ni les Verts ni les socialistes ne sont contre un « cessez-le-feu » !
Mais la pression que faisait peser l’autre amendement — Vert, celui-ci

Les Verts, les socialistes et les Insoumis français·es ont tous soutenu l’appel à un cessez-le-feu immédiat.

proposant un « cessez-le-feu » sur les groupes Renew et Socialistes a permis qu’un amendement oral, en séance, propose une « pause humanitaire ».

Les Verts, les socialistes et les Insoumis français ont aussi soutenu l’amendement appelant à une pause humanitaire.

À quoi ça sert ? À ce que les armes se taisent.

C’est la première étape pour aller vers la désescalade (que propose aussi la résolution). Ce terme de « pause humanitaire » a été proposé par le Brésil de Lula à l’ONU. Voté par la France mais rejeté par les États-Unis.

En ajoutant cette formule, non prévue dans la résolution d’origine, nous signifions que Mme von der Leyen ne parlait pas au nom de l’Union européenne lorsqu’elle est allée en Israël et que nous avons une position en faveur de la paix, « non-alignée » sur celle des États-Unis.

Et pour que les choses soient claires, tou·te·s les député·e·s insoumis·es ont voté POUR cet amendement proposant la « pause humanitaire ». Pas un·e ne s’y est opposé·e ! Pourquoi feindre de dire aujourd’hui que cette « pause humanitaire » serait une infamie après l’avoir votée en séance plénière ?

Oui, il fallait voter cette résolution pour affirmer l’indépendance du Parlement européen, sa parole forte en faveur de la pause (c’est-à-dire l’arrêt) dans l’usage des armes afin de sauver les vies qui peuvent encore l’être. D’ailleurs, deux député·e·s issu·e·s de LFI l’ont fait…

Deux député·e·s issu·e·s de LFI ont soutenu la résolution finale, qui inclut une pause humanitaire.

Les gloseurs et théoriciens aux petits pieds qui donnent, depuis 15 jours, des leçons de sémantiques en trempant leurs plumes dans le sang et aux noms de celles et ceux qui meurent ne nous impressionnent pas. Mais surtout, ils n’aident en rien à la paix en attisant les haines.

Cette semaine, et c’est peut-être ce qui les révulse, l’Union européenne a fait entendre une voix occidentale non alignée sur celle des États-Unis au sujet de ce conflit meurtrier et atroce.

Il est temps de se saisir de cette étincelle pour que la France porte une nouvelle résolution au Conseil de sécurité de l’ONU proposant cette « pause humanitaire » qui, une fois obtenue, devra devenir un cessez-le-feu et déboucher sur une désescalade vers une paix durable.

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