La bio et son prix : un casse tête insoluble ?

9 juin 2023

Le Tour de France de la Bio continue. Pour cette 5e étape, Claude Gruffat s’est suis rendu dans la capitale française, ville de la cuisine gastronomique et des cafés sur les terrasses. Mais qui dit Paris, dit grande ville. Les grandes villes ont besoin d’une organisation particulière pour l’acheminement de l’alimentation, ce qui demande des adaptations de la filière bio. Et qu’en est-il du prix ?

Les tomates du sandwich acheté pour la pause déjeuner. La banane pour le goûter des enfants à la sortie de l’école. Le verre de bière au bar du coin de la rue. Ces tomates, cette banane et cette bière, il y a des chances qu’elles viennent du marché international de Rungis. 

 

Rungis, le mastodonte de l’acheminement alimentaire, se fait bio

 

Avec 3 millions de tonnes de produits alimentaires qui y transitent par an, le marché de Rungis est une plateforme incontournable des grossistes de France. Il en abrite 800, répartis dans des pavillons sur une superficie de 234 hectares. Et la bio y est représentée par 30 entreprises.

En 2016, Stéphane Layani, président de Rungis, a ouvert le Pavillon bio. “La filière évolue, il faut qu’on soit en capacité d’évoluer”, nous assure Benoît de Chenerilles, responsable agricole, qui nous accompagne sur le marché.

6 entreprises y exposent leurs produits, des fruits et légumes aux produits laitiers, en passant par l’épicerie et le vin. On pourrait imaginer ces professionnels confortablement installés dans un pavillon avec autant de moyens, plus à l’aise que le producteur qui doit acheminer lui-même ses produits vers différents magasins. La réalité n’est pas si simple.

 

Les grossistes bio sont (aussi!) en difficulté

 

Il est 7 heures du matin lorsque nous arrivons à Rungis. Nous y retrouvons les représentants de Semmaris, l’entreprise qui anime le marché international de Rungis. Après une brève présentation globale, nous nous dirigeons vers le pavillon bio où nous retrouvons les entrepreneurs exposants.

Les échanges se tournent rapidement vers les difficultés que ces acteurs rencontrent. La vente a baissé de 20% en 2022, avec une légère hausse en 2023. De nombreux clients, principalement des magasins spécialisés, ont fermé cette année. Une grosse entreprise de gros en produits bio, historique, a même dû se mettre en sauvegarde.

Les entrepreneurs insistent sur le manque de demande. Ils constatent un surplus important des produits bio, et demandent une augmentation de la demande. Beaucoup de producteurs se sont convertis en bio, mais il manque la demande de l’autre côté.

“On est souvent, nous les grossistes, coincés entre le marteau et l’enclume”. 

 

La demande en bio manque : quelles solutions ?

 

Les leviers pour pousser la demande sont nombreux. Rien ne retient leur mise en place, sauf le manque de volonté politique. 

Informer le consommateur : qu’est-ce qu’on met dans mon assiette ?

Le premier levier de soutien à la filière est l’information au consommateur. Nous l’avons souligné lors de l’étape à Nantes, de nombreux labels sont trompeurs et brouillent les messages. Les acteurs rencontrés à Rungis, mais aussi ceux rencontrés à Nantes ou encore à Bordeaux, ont tous insisté sur la nécessité d’un grand plan de communication sur la bio. 

Qu’est-ce que la bio ? Pourquoi consommer bio ? Que m’assure le label bio ? Telles devraient être les questions auxquelles un tel plan répondrait. Manger bio et manger local n’ont pas le même impact, et le consommateur doit en être informé. 

 

Accompagner le consommateur : comment accéder à de bons produits ?

Le second levier concerne le prix. La différence de prix entre les produits bio et les produits conventionnels en grande surface est exagérée : les marges réalisées par les enseignes sont plus importantes sur les produits bio.

En revanche, parce qu’elle s’accompagne d’une meilleure rémunération de l’agriculteur, parce qu’elle demande plus de temps et d’attention, la bio est légèrement plus chère. Et dans une grande ville comme Paris, il est indispensable d’avoir des intermédiaires pour acheminer les produits jusqu’au cœur de la zone urbaine.  Cela additionné aux difficultés financières auxquelles font face de nombreux foyers, bien manger est un droit fondamental auquel de nombreuses personnes n’ont pas accès. Heureusement, pour rendre ce droit plus accessible, une solution est toute trouvée : la sécurité sociale de l’alimentation (SSA).

Basée sur le modèle de la Sécurité sociale pour la santé, la SSA consiste à mettre en place des cotisations pour mieux répartir les moyens, et donner ainsi accès à une alimentation meilleure pour la santé et l’environnement à un plus grand nombre. C’était le sujet de notre atelier des Etats Généraux de l’Ecologie avec le Groupe local de Paris 14e. Les difficultés de mise en place sont encore nombreuses, notamment au niveau du fonctionnement financier du dispositif. Les projets de tests se multiplient notamment à Montpellier, en Alsace, en Bretagne. 

L’accès à une alimentation durable socialement et écologiquement est un combat quotidien, ce combat continue. Je remercie les personnes rencontrées au cours de cette étape, et à très vite pour l’étape lyonnaise !




Partager cet article

Les commentaires sont fermés.