Politique agricole commune : le Parlement européen commet une erreur historique

Le 23 octobre 2020, le Parlement européen a adopté sa position sur la prochaine Politique agricole commune (PAC). Par 425 voix, une majorité d’eurodéputé·e·s a validé les compromis mis sur la table par les trois grands groupes politiques. Maintenant que le Conseil et le Parlement ont adopté leur position respective, reste à s’entendre sur un projet dans le cadre des négociations de trilogue. Un accord ne sera probablement pas trouvé avant la présidence portugaise en 2021. En tout état de cause, cette PAC entrera en application en 2023, après la période de transition de deux ans décidée récemment pour laisser le temps à cette réforme d’être menée à bien.

Ce résultat est désastreux. La majorité du Parlement européen a décidé de faire la sourde oreille aux alarmes de la communauté scientifique, de la génération climat et des paysannes et des paysans. Malgré le déclin de notre biodiversité, la chute vertigineuse du nombre de fermes et d’agricultrices et d’agriculteurs et l’importance de mettre la PAC au diapason du Pacte vert, c’est le statu quo qui prévaut.
La Politique agricole commune que le Parlement européen vient d’adopter est peu ou prou la même que la précédente, mais en pire, puisqu’elle renationalise ce qui était, jusque-là, la plus importante politique communautaire.
On peut, hélas, lui prédire un destin quasiment identique : anti-paysanne, anti-environnement, anti-climat… et anti-européenne !

Qu’on ne s’y trompe pas : cette PAC n’est pas la révolution verte annoncée. Au contraire, elle condamne une nature déjà bout de souffle. Pour chaque avancée constatée, le texte voté l’accompagne d’une exception possible ou lui impose un plafond obligatoire. Cela rend vaine l’extension de la conditionnalité environnementale à tout le premier pilier, dont la Cour des comptes européenne et les scientifiques ont déjà pointé l’absence de résultat durant la PAC précédente, pour cause de flexibilités trop grandes.
À l’inverse, la part des aides directes étant obligatoirement fixée à 60% minimum du premier pilier, cela revient à plafonner le verdissement possible de cette politique : si la France veut faire plus que ce qui est suggéré, elle n’en aura pas la possibilité légale !
Il faudra donc se contenter des écorégimes, dont la part, déjà minime (30%), sera sans doute réduite par le Conseil lors des prochaines négociations… 

Derrière les écrans de fumée verte, le minimum incompressible de 60% d’aides directes n’a d’autre objectif que de soutenir le revenu des agricultrices et des agriculteurs. Mais même cette dimension est inefficace puisque la majorité des aides va à celles et ceux qui n’en ont pas besoin : 80% des aides de la PAC finissent entre les mains des 20% de bénéficiaires les plus favorisés. Sans parler de celles et ceux dont on se demande pourquoi elles et ils touchent une aide au revenu agricole : grand·s propriétaires terrien·ne·s, oligarques et multinationales…
Les mécanismes visant une distribution plus équitable des aides ont tous été rejeté : revalorisation du paiement redistributif, plafonnement efficace, soutien à la main d’œuvre.
Il en va de même pour les mesures visant à renforcer l’autonomie des femmes en milieu rural. Nous pensions pourtant que cette question ferait consensus avec les député·e·s de la majorité au pouvoir en France !
Notre question demeure : à qui profite donc cette PAC ? Pour qui les député·e·s l’ont-ils votée ? Certainement pas pour les paysannes et les paysans ni pour les citoyennes et les citoyens, et encore moins pour la nature. 

Au fond, ce vote était un référendum anti-Pacte vert. La majorité, après avoir choisi d’installer Mme von der Leyen à la tête de la Commission, vient d’enterrer, après seulement un an, son projet phare qu’est le Pacte vert. Malgré nos divergences sur bien d’autres politiques, elle sait pouvoir compter sur le soutien du groupe Verts-ALE pour sortir ce projet des limbes. C’est pourquoi nous lui demandons d’intervenir dans les semaines qui viennent afin d’amender sa propre proposition de PAC, comme le droit l’y autorise. Reste à savoir si elle aura le courage de s’imposer face à ses frondeurs pour sauver le Pacte vert.

Quant à nous, nous continuerons le combat dans les semaines et les mois qui viennent, pour permettre à notre agriculture d’être en phase avec les attentes de toutes et tous.
Les attentes des paysannes et des paysans sont de pouvoir vivre de leur travail et d’assurer la continuité de leur profession.
Leurs attentes et celles des consommatrices et des consommateurs sont de pouvoir travailler et s’alimenter sans pesticides.
Les attentes des jeunes générations sont de pouvoir jouir d’une planète et d’une biodiversité intactes. 

C’est pour tout cela que nous nous battrons, à travers les stratégies « De la ferme à l’assiette » et « Biodiversité », dès leur examen par le Parlement européen le mois prochain.

 

Partager cet article

Les commentaires sont fermés.