Omnibus I
Le Parlement européen vient de voter à 382 voix contre 249 la destruction des règles sociales et environnementales européennes cruciales du paquet Omnibus I.
Sous prétexte de simplification, la droite européenne s’est alliée à l’extrême droite pour vider de leur substance les textes censés garantir la transparence des entreprises (CSRD) et leur responsabilité climatique et sociale (CSDDD) et ainsi porter atteinte tant aux ambitions climatiques de l’Union qu’à la souveraineté européenne. Avec une certaine forme d’ubiquité, la droite européenne a, dans la même session de vote, associé ses voix à celles des écologistes et des forces démocratiques pour soutenir un objectif de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040. Un écran de fumée.
Les négociations interinstitutionnelles (trilogues) s’ouvrent désormais sur l’Omnibus I et la loi climat 2040, deux textes décisifs dont l’issue déterminera si l’Union européenne choisit de confirmer son virage réactionnaire ou de rétablir une trajectoire fidèle à ses engagements climatiques et sociaux.
L’alliance des droites au service des lobbies
Donald Trump et le Qatar l’avaient exigé, TotalEnergies et Siemens réclamé : la droite européenne leur a offert la dérégulation européenne sur un plateau. Le vote d’aujourd’hui marque une étape clé vers l’affaiblissement massif des règles de transparence et de vigilance des entreprises – une victoire fracassante pour le monde des fossiles et des forces réactionnaires.
En s’attaquant à la CSRD (transparence des entreprises) et à la CSDDD (devoir de vigilance), l’Omnibus I organise une invisibilisation des impacts climatiques et sociaux et réduit drastiquement le nombre d’entreprises concernées. Le seuil de la CSRD a été rehaussé pour ne s’appliquer qu’aux entreprises de plus de 1 750 salariés et €450 millions de chiffre d’affaires, contre 250 salariés auparavant.
De la même manière, le seuil du devoir de vigilance a été quintuplé à 5 000 salariés et €1,5 milliard de chiffre d’affaires, contre 1 000 et €450 millions auparavant. En supprimant le régime de responsabilité civile européen, les droites permettent aux multinationales d’échapper aux poursuites en justice, laissant les victimes à l’abandon, sans réparation. Pire, les potentiels litiges pourraient même être réglés selon les lois des États tiers, donc, par exemple, par le Bangladesh dans le cas du Rana Plaza.
Mais la véritable cible de cette alliance inédite des droites à l’échelle européenne portait bel et bien sur le climat. Ainsi, les droites ont décidé de simplement supprimer l’obligation pour les entreprises de mettre en œuvre un plan de transition climatique et se conformer aux obligations imposées aux États dans le cadre de l’Accord de Paris. En clair : les multinationales les plus polluantes (dont évidemment TotalEnergies, mais aussi Shell, Exxon ou encore Amazon et Shein) pourront tout simplement se soustraire à quelconque obligation climatique.
Alors que le vote sur les objectifs climatiques pour 2040 représente une victoire nécessaire mais amère tant ils sont affaiblis, l’Omnibus I en compromet déjà la mise en œuvre en démantelant les outils indispensables pour les atteindre.
Pour Marie Toussaint, vice-présidente du groupe Verts/ALE au Parlement Européen :
« Il y aura un avant et un après cette triste journée pour l’Union européenne. Pour la première fois, la droite traditionnelle a brisé le cordon sanitaire et tendu la main à l’extrême droite, scellant une alliance inédite pour détricoter les fondements mêmes du projet démocratique européen. Cette alliance se forge contre l’intérêt européen, au service des lobbys et des forces de l’argent.
La médiatrice européenne enquête déjà sur une préparation capturée par les intérêts privés : 36 rendez-vous sur 37 accordés aux seules entreprises par le Commissaire en charge, Stéphane Séjourné. Le résultat : une dérégulation taillée sur mesure pour les géants industriels.
Nous assistons à un détournement de la décision publique au profit des pollueurs ! Pendant que les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, la France invite TotalEnergies à ses côtés à la COP et l’Europe dérégule. Les lobbys dictent leur loi, et les droites obéissent.
En détricotant les garde-fous climatiques pour complaire aux lobbies, l’Union européenne organise sa propre impuissance.
Au fond, nous faisons face à une double démission : la démission climatique et l’abandon de la souveraineté européenne. Car si elles prétendent défendre notre économie, les droites décident de soumettre les producteurs européens, agricoles ou industriels, à une concurrence déloyale débridée.
Ce n’est pas un hasard si les États-Unis de Donald Trump ou le Qatar ont requis l’abolition des lois européennes : ils veulent pouvoir vendre sur notre territoire, en toute impunité, des biens issus du travail forcé ou de la destruction du vivant. Au risque de mettre en péril l’ensemble de l’économie du continent.Dans ce contexte, le vote sur les objectifs climatiques pour 2040 fait office d’écran de fumée pour mieux servir les objectifs tactiques d’une droite déterminée à démolir le Pacte vert. Nous avons soutenu la loi Climat 2040 car elle constitue une étape indispensable pour maintenir notre trajectoire climatique, mais elle est insuffisante au regard de l’urgence. Malgré un objectif affiché à 90 % de baisse des émissions, elle acte un objectif domestique abaissé à 85 % de réduction des émissions, tout en ouvrant la possibilité de compenser jusqu’à 5 % de ces réductions par des crédits carbone internationaux – soit des centaines de milliards d’euros investis hors de nos frontières plutôt que pour transformer l’industrie européenne.
L’Europe mérite mieux que cette politique du renoncement. Nous continuerons de nous battre pour une Union fidèle à l’accord de Paris, aux droits humains et à la justice climatique. »
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