Politique gazière européenne : la faute du Parlement européen
Le 9 mars 2022, le Parlement européen a manqué l’opportunité de concrétiser l’urgente et nécessaire sortie de la dépendance européenne au gaz, en soutenant une liste de projets d’infrastructures énergétiques qui ne feront qu’accroître la consommation européenne d’énergies fossiles, contraire à nos engagements climatiques et au maintien de la paix dans le monde.
La liste des projets d’intérêt commun (PIC ou PCI) de l’Union est une sélection de projets d’infrastructures énergétiques — tels que des interconnecteurs, des lignes électriques, des gazoducs, des terminaux gaz naturel liquéfié (GNL) ou des projets de réseaux intelligents — susceptibles de bénéficier d’un financement de l’Union européenne et de procédures d’autorisation plus rapides.
La Commission européenne a présenté sa 5e liste de PCI en novembre 2021 : plus de 20 projets d’infrastructures gazières sont encore présents sur la liste ! Pourtant, ils ne sont pas nécessaires du point de vue de la sécurité d’approvisionnement et l’utilisation du gaz acheminé dans l’Union européenne via ces infrastructures augmenterait encore nos émissions de gaz à effet de serre (GES) au lieu de les réduire. Qui plus est, les gazoducs supplémentaires enferment les Européens dans un gaz fossile coûteux, accroissent la dépendance à l’égard des fournisseurs extérieurs et ont un effet à la hausse sur les prix car les infrastructures, qui pourraient coûter 13 milliards d’euros, sont amorties par les tarifs du gaz. Alors que c’est le gaz qui finance aujourd’hui la guerre de Poutine en Ukraine, nous devons nous prémunir de toute future tension géopolitique pour l’accès aux ressources, nous devons tourner le dos à ces énergies du passé.
C’est pourquoi Marie Toussaint, et 107 eurodéputé·e·s, ont proposé de rejeter cette liste de projets d’intérêt commun (PCI) et demandé à la Commission de présenter une nouvelle liste d’ici juin, qui garantisse que tous les projets qui y seront proposés soient conformes aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris, c’est-à-dire sans aucun projet de gaz fossiles, mais qui consacre toutes les ressources financières et administratives de l’Union aux économies d’énergie, à l’efficacité énergétiques et aux renouvelables.
Lors du vote en session plénière à Strasbourg, 177 eurodéputé·e·s ont soutenu la motion de rejet. Cependant, une majorité de 519 eurodéputé·e·s n’a pas souhaité demander à la Commission de revoir sa copie, préférant les énergies du passé et le gaspillage d’argent public.
Pour Marie Toussaint, eurodéputée EELV au parlement Européen, membre de la commission de l’Industrie, de la recherche et de l’énergie et en charge du dossier pour le groupe Verts/ALE :
“Il n’y a pas de place pour des investissements supplémentaires dans le gaz lorsque l’on s’attaque à la crise climatique. De plus, la guerre en Ukraine et la flambée actuelle des prix de l’énergie montrent que les investissements dans le gaz fossile augmentent la dépendance aux importations, les coûts pour les Européen·ne·s et financent les conflits.
Alors que l’Agence internationale de l’énergie estime que l’Europe devrait sortir du gaz fossile d’ici à 2035, une majorité de mes collègues croient encore pertinent de gaspiller l’argent du contribuable dans des projets qui ne verront pas le jour avant 5 ans, seront alors obsolètes et ne feront que renforcer notre dépendance aux fossiles. C’est autant d’argent public qui aurait dû financer des interconnecteurs électriques et des projets d’énergies renouvelables.
Avec ce vote, le Parlement vient aussi de donner un blanc sein à des projets particulièrement problématiques, comme Eastmed, qui pourrait transporter chaque année 10 milliards de m3 de gaz à travers la Méditerranée, un projet pharaonique aux impacts géopolitiques ultra contestés.
Comble de l’hypocrisie, le Parlement, qui a créé un prix en la mémoire de la journaliste Daphné Caruana Galizia, vient ainsi d’accepter le projet Melita. La journaliste maltaise a été assassinée alors qu’elle enquêtait sur une affaire de corruption liée à ce gazoduc reliant Malte et l’Italie. Un ancien membre du conseil d’administration de la société Electrogas Malta Ltd. a été accusé d’être le cerveau de son meurtre, ainsi que de blanchiment d’argent : financer Melita, c’est faire bénéficier un meutrier de fonds publics européens.
Ce vote était l’occasion de demander à la Commission de revoir sa copie, d’accorder ses violons pour s’engager concrètement pour la paix, pour le climat, pour la justice sociale. Le Parlement a encore une fois montré son vrai visage aux citoyen·ne·s, celui d’une institution engluée dans un modèle énergétique du passé, finançant la guerre, les crimes et la destruction de la planète. Avec les Verts/ALE et les député·e·s progressistes de cette institution, nous continuerons le combat au travers de la révision du paquet gazier, qui devra entériner notre sortie du gaz.”
Marie Toussaint, qui portait cette objection, est intervenue en plénière.
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