Des eurodéputés lancent un appel pour contrer le lobby des banques
En matière sociale, en face des organisations patronales, les organisations syndicales peuvent faire entendre leur voix. En matière environnementale et de santé publique, en face des industriels, les organisations non gouvernementales ont développé une véritable contre-expertise. En matière financière, il n’en est rien : les capacités de lobbying de l’industrie financières sont exceptionnellement fortes tandis, qu’en face, la contre-expertise de la société civile particulièrement faible. Pour Pascal Canfin, Sven Giegold, Eva Joly et Philippe Lamberts, députés Verts signataires de l’appel, cette situation est un danger pour la démocratie : elle favorise soit une réponse politique trop faible au regard des enjeux, soit une réponse politique uniquement basée sur l’émotion et le populisme.
C’est pourquoi, à l’initiative de Pascal Canfin (Europe Ecologie Groupe des Verts/ALE), un appel est mis en ligne aujourd’hui sur Il est soutenu par des députés de neuf pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal, Grèce, Luxembourg, Italie…) en charge des textes clés actuellement en cours de négociation au niveau européen en matière de régulation financière (fonds spéculatifs, rémunération des banquiers, création d’une agence européenne de régulation des marchés financiers, contrôle des agences de notation, produits dérivés…). Les députés signataires de cet appel sont issus de cinq des sept groupes du Parlement européen allant du Parti populaire européen à la Gauche unitaire européenne en passant par les Libéraux, Les Verts et les Socialistes. Les députés qui ont signé cet appel ne sont pas d’accord sur toutes les mesures à prendre mais ils veulent que le débat soit de qualité et équilibré.
– Lire l’interview de Pascal Canfin sur le site Euractiv.fr : « Il faut un Greenpeace de la finance »
L’APPEL
Nous, élus européens en charge de réglementer les marchés financiers et les banques, constatons tous les jours la pression exercée par l’industrie financière et bancaire pour influencer les lois qui la régissent. Il n’est pas anormal que ces entreprises fassent entendre leur point de vue et discutent régulièrement avec les législateurs. Mais l’asymétrie entre la puissance de ce lobbying et l’absence de contre-expertise nous semble un danger pour la démocratie. Le lobbying des uns doit en effet être contrebalancé par celui des autres. En matière environnementale et de santé publique, en face des industriels, les organisations non gouvernementales (ONG) ont développé une véritable contre-expertise. Il en est de même en matière sociale entre les organisations patronales et syndicales. Cette confrontation permet aux élus d’entendre des arguments contradictoires. En matière financière, ce n’est pas le cas. Ni les syndicats de salariés, ni les ONG n’ont développé d’expertise capable de rivaliser avec celle des banques. Il n’existe donc pas aujourd’hui de contre-pouvoir suffisant dans la société civile. Cette absence ne nous empêche pas de développer notre propre expertise indépendante de l’industrie et de faire notre travail, mais cette asymétrie constitue à nos yeux un danger pour la démocratie.
Car cette asymétrie s’inscrit dans un contexte de forte proximité des élites politiques et financières. Aux Etats-Unis les liens entre Goldman Sachs et l’administration fédérale sont connus. Mais en Europe cette proximité n’est pas moindre. Elle contribue à renforcer la prise en compte des arguments de l’industrie financière de manière unilatérale et constitue un frein certain à la capacité du personnel politique à prendre des décisions en toute indépendance. Or, l’absence de réponse politique adéquate à la crise du système financier peut nourrir toute forme de populisme, basé davantage sur l’émotion que sur la raison.
En tant qu’élus européens en charge de la réglementation financière et bancaire nous appelons donc la société civile (ONGs, syndicats, universitaires, think-tanks…) à s’organiser pour créer une (ou plusieurs) organisation non gouvernementale capable(s) de développer une contre expertise sur les activités menées sur les marchés financiers par les principaux opérateurs (banques, compagnies d’assurances, hedge funds, etc…) et de faire connaitre de manière efficace cette analyse aux medias. En tant qu’élus issus de plusieurs familles politiques nous pouvons diverger sur les mesures à prendre. Mais nous convergeons pour alerter l’opinion sur ce risque pour la qualité de la démocratie. En tant que parlementaires européens, nous invitons les élus des parlements nationaux à rejoindre notre appel en se rendant sur le site internet dédié www.finance-watch.org.
Liste des premiers signataires membres du Parlement européen :
Sophie Auconie (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Burkhard Balz (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Pervenche Berès (rapporteure de la commission spéciale sur la crise financière économique et sociale, présidente de la commission de l’emploi & des affaires sociales), Udo Bullman (responsable pour le groupe Socialistes & Démocrates dans la commission des affaires économiques & monétaires), Leonardo Domenici (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Pascal Canfin (vice-président de la commission spéciale sur la crise financière économique et sociale), Sergio Gaetano Cofferati (membre de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale), Elisa Ferreira (membre de la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la gestion de la crise transfrontalière dans le secteur bancaire), Jean-Paul Gauzès (responsable pour le groupe du Parti Populaire Européen dans la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la directive sur les fonds spéculatifs), Sven Giegold (responsable pour le groupe des Verts-ALE dans la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la directive sur les autorités européennes des marchés financiers), Robert Goebbels (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Thomas Händel (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Charles Goerens (membre de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale), Eva Joly (présidente de la commission du développement, membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Jürgen Klute (responsable pour le groupe Gauche Unitaire Européenne dans la commission des affaires économiques & monétaires), Philippe Lamberts (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Arlene McCarthy (membre de la commission des affaires économiques & monétaires, en charge de la directive sur les fonds propres bancaires), Sirpa Pietikäinen (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Anni Podimata (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Miguel Portas (vice-président de la commission spéciale sur la crise financière économique et sociale ), Peter Simon (membre de la commission des affaires économiques & monétaires), Dirk Sterckx (membre de la commission des affaires économiques & monétaires)