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Compte-rendu de l’audition de Barroso devant les Verts européens

10 septembre 2009
C’est devant une salle pleine à craquer que l’audition de José Manuel Barroso a eu lieu mercredi 9 septembre 2009. Le groupe des Verts/ALE est au complet mais c’est surtout le nombre conséquent de journalistes présents qui frappe. Il faut dire que les Verts/ALE sont les seuls à avoir organisé cette audition de manière publique; tous les autres groupes politiques ont en effet préféré le faire à huis-clos.

Dany Cohn-Bendit ouvre ce débat en interrogeant le président de la Commission sur sa volonté de vouloir absolument se faire investir sous le traité de Nice. En effet, vu le calendrier, avec le référendum en Irlande le 2 octobre sur le traité de Lisbonne, nous pourrions nous retrouver dans une situation juridiquo-politique inédite : un président de la Commission investi sous un traité, celui de Nice, et une Commission qu’il faudrait nommer sous un autre, nouvellement en vigueur, celui de Lisbonne. Il faudrait d’ailleurs dans ce cas procéder à une nouvelle investiture du Président de la Commission dans les règles du traité de Lisbonne. C’est pourquoi les Verts/ALE proposent de prolonger la Commission actuelle jusqu’à la fin 2009, une fois levée l’incertitude sur le traité en vigueur, et d’investir Président et commissaires sous le même traité, que ce soit Nice ou Lisbonne.

José Manuel Barroso souhaite obtenir le soutien de toutes les forces pro-européennes et déplore donc que les Verts/ALE se soient positionnés aussi fortement contre sa candidature. D’après lui, il faut respecter les traités à la lettre. D’après les traités en vigueur à l’heure actuelle, le mandat de la Commission vient à terme en octobre 2009 et il faut donc la renouveler. Ne pas le faire la plongerait dans l’incertitude, l’affaiblirait, notamment face aux Etats-membres qu’il se fait fort d’affronter. De plus, cela affaiblirait la Commission dans la préparation du sommet de Copenhague.

C’est ensuite Rebecca Harms, co-présidente du groupe, qui l’interroge sur son bilan de président entre 2004 et 2009. Elle fait le constat d’une extrême faiblesse dans le domaine social, que l’enthousiasme de l’élargissement à l’Est en 2004, année de sa nomination, a été déçu et que les inégalités entre Ouest et Est sont toujours très profondes. Enfin, il fût peu réactif en 2008 quand la crise a éclaté, donnant l’impression qu’elle nous était tombée dessus « comme une catastrophe naturelle ».

Barroso demande à être aujourd’hui évalué sur son programme. De manière générale, il esquive durant tout le débat toute interpellation sur son bilan en demandant à être jugé sur le programme qu’il présente pour la nouvelle commission et en répétant quelques engagements, jamais véritablement contraignants.
Il déplore d’être jugé sur sa personne et d’être victime de « caricature ». Il n’est pas un conservateur libéral comme on le dépeint. Il se proclame « réformiste du centre » et affirme que son parti est l’Union européenne.
Il vient d’un pays qui a bénéficié de la solidarité européenne et est donc très attaché à la celle-ci. Il prétend également avoir pris, lors de la crise, beaucoup d’initiatives en matière de régulation, d’avoir convaincu des Etats membres qu’il fallait plus de régulation. Il est favorable à l’économie sociale de marché, croit en un marché libre et concurrentiel avec de la régulation, mais sans vraiment préciser laquelle.

Michèle Rivasi l’interroge sur l’autocritique qu’il est capable de faire de son action, notamment au regard du taux d’abstention élevé aux dernières élections européennes et le désamour général des citoyens pour l’Union européenne.

Barroso rejette la responsabilité sur les leaders politiques nationaux qui « nationalisent les succès et européanisent les échecs » : ce sont eux qui provoquent cette mauvaise image de l’Europe.

Pascal Canfin l’interroge alors sur le contenu de son programme, et plus particulièrement son volet économique. Notant que les mots capitalisme, paradis fiscaux, harmonisation fiscale et spéculation sont totalement absents de ce texte, comment pourrait-il être à la hauteur de la crise que nous traversons? Pascal Canfin lui demande s’il est favorable à l’échange automatique d’informations sur l’évasion fiscale entre les Etats membres de l’UE et les pays identifiés comme des paradis fiscaux par l’OCDE.

Barroso répond par l’affirmative à cette question mais sans le qualifier d’automatique…

Yannick Jadot rappelle son attitude de président de la Commission de 2004 à 2009. Comment peut-il réclamer le leadership européen, comment peut-on le croire lorsqu’il se proclame champion de la lutte contre les égoïsmes nationaux alors qu’il a cédé aussi facilement en 2008 devant le lobby de l’industrie automobile allemande et aux conservateurs et socialistes allemands dans les discussions sur la législation sur les émissions de C02 des voitures? Alors qu’il a cédé aux demandes des Etats lors des discussions sur le paquet énergie-climat? Yannick rappelle que l’on a besoin d’une Commission forte pour Copenhague.

En matière climatique, Barroso avance que c’est la Commission qui a proposé le paquet climat, que l’on pourrait au moins lui reconnaître ce mérite et qu’il s’est toujours fortement engagé dans la lutte contre les changements climatiques. Pour lui, l’Europe est à la pointe de ce combat, comparé aux Etats-Unis et à la Chine, et c’est déjà un beau succès.

José Bové est intervenu sur la politique agricole demandant deux engagements à la Commission européenne : celui de renégocier les accords de Blair House qui limitent la production de protéines végétales dans l’UE à 5 millions d’hectares, l’obligeant à importer plus de 80% de ses besoins, de plus en transgénique, et celui de faire une véritable politique européenne en matière d’OGM, de ne plus chercher à les imposer.

Sur ces deux interrogations, Barroso répond clairement contre ces demandes : il ne remettra pas en cause les accords internationaux, comme celui de Blair House, et préfère laisser les Etats membres décider indépendamment quant à la production d’OGM. Sur l’importation d’OGM, il refuse de mettre des barrières commerciales : l’impasse est totale en matière agricole entre nos positions et les siennes.

Eva Joly est intervenue sur l’aide aux pays en voie de développement (PED), soulignant la disproportion indécente entre les sommes que les pays de l’UE sont capables d’accorder au secteur bancaire et celles allouées aux PED. Pourtant, rien que l’équivalent de 0,001% des aides aux banques permettrait de changer radicalement la donne dans les PED.

Aucune réponse concrète de Barroso à cette interpellation d’Eva Joly.

Cette audition se conclut par une interrogation de Dany sur ses éventuels regrets d’avoir soutenu la guerre en Irak. Il répond alors qu’il était contre la guerre mais qu’il a choisi, sur bases de « preuves » de la possession d’armes de destruction massive par l’Irak, de suivre son allié américain, une démocratie, contre la dictature de Saddam Hussein. Un choix de suivre le plus fort, plutôt que de se baser sur des considérations politiques, comme lorsqu’il a invariablement plié devant les Etats membres et les grands lobbies au cours de son mandat 2004-2009.

Barroso n’a définitivement pas changé et les Verts/ALE souhaitent, plus que jamais, ne pas le voir reconduit à la tête de la Commission européenne.

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4 commentaires

  • Brian94 dit:
     - 

    Cet homme que je ne connaissais pas avant de lire cet article à l’air d’être un boulet plutôt qu’un leader lucide sur les problèmes de l’Europe et du Monde.

    Aucune avancée concrète ne pourrait venir de sa part il suit les autres et ne peut pas être capitaine de navire.

    Vivement que l’on en change !

  • Anonyme dit:
     - 

    Merci aux verts d’avoir offert cette vidéo à tous les européens. Cet exercice outre de vous mettre en valeur pour la transparence dont vous faite preuve, a le mérite de mieux nous faire connaître un de nos dirigeant dont on entend finalement que peu parlé.

    Même si je ne comprend pas l’allemand, et que certains passages étaient incompréhensibles car hachés à cause du streaming, la vidéo était particulièrement intéressante car elle explique mieux comment fonctionne M. Barroso. Au final, la vidéo est beaucoup plus nuancée que ne peut laisser penser le contrendu.

    Comme le dit lui même D.Cohn Bendit, à la fin de la vidéo, M. Barroso semble être un homme avec beaucoup de talent. Par contre en effet si on regarde le fond du sujet, sa propension à chercher à plaire à tout le monde et sa position sur certains sujets, font qu’il semble légitime que l’on puisse émettre des doutes quant au bien fondé de sa reconduction à la tête de commission.

  • knd dit:
     - 

    Un compte-rendu verbatim des échanges aurait été bienvenu, d’autant que les vidéos sont partielles et non sous-titrées (dur pour les non-germanophones !). Et puis, certaines réponses de Barroso sont parfois plus subtiles que telles qu’elles sont rendues ici. J’aurais aimé un éclairage sur sa défense concernant sa proposition de nommer un commissaire au climat. Des détails quelqu’un ?

  • knd dit:
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    Une transcription verbatim des échanges aurait été bienvenue car les vidéos des échanges sont partielles (et en partie inaccessibles aux non-germanophones). Autant pour les réponses de Barroso (plus subtiles que telles que ne le laisse supposer le CR) que pour le détail des questions des députés.

    D’autre part, quelqu’un peut-il expliquer les enjeux quant à la nomination d’un commissaire Climat ? Ça ne semblait pas clair pour qui n’est pas dans la place.

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