Il est temps de rompre avec l’illusion de la stabilité achetée

17 juillet 2025

Le 17 juillet, en commission des droits humains, nous avons tenu un échange de vues sur la dimension des droits de humains dans le prochain Pacte pour la Méditerranée. Cet échange a donné lieu à ce billet d’humeur.

Pendant longtemps, l’Union européenne a bénéficié d’une forme d’indulgence, voire d’admiration, dans les pays du Sud. Cette bienveillance tenait à notre attractivité culturelle, à notre modèle social, à une coopération active – portée par des milliers d’ONG – et à l’espoir d’un partenariat équitable, malgré les contradictions post-coloniales persistantes. Mais cette indulgence s’évapore, comme l’eau des mégabassines sous la canicule.

Car au lieu d’investir dans la dignité, de parier sur la justice et la prospérité partagée, l’Europe a trop souvent préféré acheter une stabilité de façade, en finançant des régimes autoritaires, en externalisant ses frontières au mépris des droits fondamentaux, en sacrifiant la démocratie sur l’autel du contrôle migratoire.

Cette stratégie à courte vue est non seulement cynique : elle est aussi inefficace et dangereuse. Elle alimente la défiance des sociétés civiles, nourrit les frustrations et renforce les discours anti-européens. Elle crée un ressentiment profond, dans une jeunesse qui regarde l’Europe non plus comme un horizon d’espérance, mais comme un acteur de son enfermement.

Il est temps de changer de cap. Les droits humains ne sont pas un supplément d’âme ni un luxe réservé aux temps calmes : ils sont la condition sine qua non de tout développement durable, de toute stabilité réelle, de tout partenariat digne. Reconnaître cela, c’est refuser de séparer les politiques économiques, climatiques et migratoires des exigences de liberté, d’égalité et de justice.

Le Sud de la Méditerranée, comme l’ensemble du Sud global, regorge de potentiels humains, culturels, économiques, écologiques. Mais ces potentiels resteront captifs tant que les peuples seront privés de leurs droits, tant que les systèmes répressifs seront renforcés par nos complicités, tant que la jeunesse n’aura d’autres choix que l’exil, la révolte ou la résignation.

L’Union européenne ne peut plus se contenter de gérer le présent dans la peur : elle doit préparer l’avenir dans la confiance. Cela suppose de changer de méthode et de boussole : abandonner le pacte avec les autocrates, reconstruire un projet politique avec les sociétés civiles, conditionner toute coopération à des progrès concrets en matière de droits, de justice sociale, de climat et de gouvernance démocratique.

Car le véritable intérêt stratégique de l’Europe ne réside pas dans la surveillance des frontières, mais dans l’édification d’un espace de co-développement, de solidarité et de paix partagée autour de la Méditerranée. C’est cela, ou l’implosion. C’est cela, ou le ressentiment. C’est cela, ou la guerre.

Mounir Satouri

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