Crise économique : le mensonge a été érigé en système

4 juillet 2012
Plus personne ne sait trop que penser. Les journalistes titrent pour la vingtième fois consécutive sur le « sommet historique » censé avoir conjuré la crise, mais l’opinion est de plus en plus inquiète, tandis que les dirigeants naviguent à vue.
Ce qui est frappant au bout de trois années de « crise de la dette », c’est la culture du mensonge qui s’est mise en place au plus haut niveau des responsabilités. Cela a commencé avec la Grèce, dont les dirigeants avaient consciencieusement truqué les données économiques au moment d’entrer dans l’euro.

Aujourd’hui c’est le tour de l’Espagne, et de sa crise bancaire qui crevait les yeux avec des prêts insensés attribués sur des durées de 50 ans à des jeunes couples pour se loger. Avoir trente ans et hypothéquer une vie entière, jusqu’à ses quatre vingt ans ! Depuis, le chômage (25% en Espagne !) a amputé les revenus des débiteurs, les impayés ont succédé aux impayés, et leur bien a vu sa valeur chuter brutalement. Les banques qui ont prêté ne seront jamais remboursées. Ailleurs, des programmes immobiliers insensés ont été lancés, vides d’occupants alors qu’ils sont terminés, ou encore à peine sortis de terre. Les promoteurs sont aux abois, les faillites se succèdent ; là aussi les banques ne seront jamais remboursées.
L’écroulement du système bancaire dans les sociétés modernes, ce serait l’écroulement de la société toute entière. La hantise des queues d’épargnants prenant d’assaut les guichets pour retirer leurs économies, comme dans l’Amérique ou l’Europe des années 30, avec les conséquences que l’on connaît, taraude chaque décideur.

La même bulle immobilière qu’en Espagne a éclaté en Irlande il y a deux ans. Et l’Irlande a montré ce qu’il en coûte : l’État a mis tout ce qu’il pouvait pour éviter la faillite de son système bancaire, un tiers de son PIB. La dette des banques est devenue une dette d’État, une « dette souveraine ». Mais ses montants sont totalement hors d’atteinte pour l’économie irlandaise. Après la Grèce et le Portugal, l’Europe a apporté son soutien à l’Irlande, ce qui a calmé le jeu. Mais, pour les Irlandais, l’addition est très lourde.

Le Royaume Uni, l’Italie, la France, ont eux aussi dissimulé la réalité des problèmes qu’ils rencontraient, jusqu’à l’Allemagne, même si les montants y sont moins extravagants au regard de leurs puissances économiques respectives. Un scandale retentissant vient d’éclater dans les milieux bancaires britanniques, et le même est annoncé dans la zone euro, qui démontre que le mensonge était devenu la règle dans les banques, pour donner une image rassurante, tout en escroquant au passage des millions d’épargnants.

La classe dirigeante grecque a été montrée du doigt tel le mouton noir de l’Europe. Puis, les années passent, et on découvre que c’est tout le troupeau qui est noir ! Plus ou moins tout le monde a, est, ou sera amené à dissimuler, escamoter, ou travestir la réalité pour « rassurer les marchés ». L’enjeu est vital : une panique généralisée serait impossible à juguler, et elle mettrait bien des économies définitivement par terre.

Comment en est-on arrivé là ? Dans quelle surenchère est-on entré pour arriver à de tels excès ? Souvenez-vous, il n’est pas si vieux le temps où il fallait « aller chercher la croissance avec les dents », où toute politique économique était jugée positive dès lors qu’elle « soutenait la croissance ». Le mythe de la croissance a enivré, aveuglé, puis mystifié l’Europe entière. Aujourd’hui, c’est la gueule de bois !
Pour se redresser, les économies européennes n’ont pas le choix. Revenir en arrière serait échouer séparément, mais assurément. Pas un État n’en réchapperait, et les plus riches d’aujourd’hui savent déjà que leur richesse ne durera que si leurs « clients » principaux, les citoyens des autres États européens, demeurent solvables. Tous ensemble, les Européens ont les moyens de sortir de ce mauvais pas. Séparément, tous sont menacés et la crise les rattrapera tous, un jour ou l’autre.
Aussi, pour juger des politiques décidées lors des « sommets européens », un seul critère doit en fait être considéré : va-t-on vers davantage d’Europe, et le fait-on suffisamment vite malgré le souverainisme étatique qui illusionne encore trop souvent les opinions européennes ? Car la capacité de « dette souveraine » de chacun des États pris séparément est impuissante face aux défis économiques qui s’annoncent.

Lors de ce dernier sommet donc, un point positif : l’aide directe, sans passer par les États, apportée par l’Europe aux systèmes bancaires les plus exposés, à commencer par l’Espagne. Mais aussi plusieurs points négatifs, et notamment cette culture du mensonge qui perdure pour sauver la face d’Etats-nations qui refusent leur déclin historique.

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