Forêt de Khimki en Russie : contre la destruction d’un écosystème au nom du profit
Aujourd’hui, un grand groupe français de BTP, Vinci, avec la complicité active de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe et du gouvernement français, fait pression pour continuer coûte que coûte la construction d’une autoroute entre Moscou et Saint-Pétersbourg. A la clé de ce chantier de 1,8 milliard d’euros, une manne récurrente de près de 700 millions d’euros de péage par an pour le groupe de BTP semble aveugler les hommes d’affaires.
Même si le tracé choisi doit détruire un des trésors naturels russe, la forêt de Khimki, qui abrite sur près de 1 000 hectares une biodiversité unique au monde et des chênes centenaires. Même si les habitants et les entreprises locales se mobilisent depuis 2007 sans relâche pour demander le changement de tracé, relayés depuis cette année par les Moscovites, notamment lors d’une manifestation de plusieurs milliers de personnes le 23 août. Même si la répression à l’égard des manifestants pacifiques, marqué par la violence des arrestations, au premier rang desquelles celle d’Evguenia Chirikova, leader du mouvement de défense de la forêt de Khimki, ont été dénoncées par la Fédération internationale des droits de l’homme. Même si la force des pétitions pour sauvegarder la forêt ont décidé la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) à retirer sa participation au financement du projet. Même si Transparency International Russie a relevé un fort “potentiel de corruptibilité” dans le projet. Et même si le président Medvedev a annoncé le 26 août qu’il arrêtait le chantier pour reprendre “la concertation populaire”.
Coûte que coûte, Igor Levitin, ministre des transports, et Boris Gromov, gouverneur de la région de Moscou, maintiennent leur volonté d’associer le hub stratégique de l’aéroport de Cheremetievo à cette autoroute payante et lucrative. Dès 2004, la loi russe de défense de l’environnement et des forêts a été amendée pour permettre à ce projet de transformation de l’espace naturel en zone constructible de voir le jour. Dès 2009, le gouvernement russe a permis à la police de violenter les défenseurs de la forêt tandis qu’une milice privée les menace de mort encore aujourd’hui.
Le 16 septembre dernier, Emmanuel Quidet, président de la Chambre de commerce française, a plaidé pour que la construction “déjà décidée” par la Fédération de Russie continue. Il espère que l’année de la France en Russie donne “une direction claire et solide à de grands projets d’infrastructures bilatéraux”. Et il ajoute que le temps de la concertation a déjà eu lieu et que les “doutes et remarques des experts” ont déjà été prises en compte.
POUR LA MODIFICATION DU TRACÉ DE L’AUTOROUTE
Cette situation, aux enjeux complexes et aux intérêts entremêlés, est banale à travers le monde. Il s’agit de la prédation et de la destruction des ressources naturelles au nom du profit. Il s’agit précisément de ce combat que les élus d’Europe Ecologie-Les Verts ont choisi de mener contre la surenchère de la marchandisation qui entraîne une extrême sur-consommation des ressources. Il s’agit ici, et cela nous touche plus particulièrement, d’un projet de destruction d’un écosystème formé pendant des milliers d’années, mené selon des méthodes contraires aux droits de l’homme et avec la participation active de représentants officiels français.
Ce qui se passe dans la forêt de Khimki nous concerne, nous Français, nous Européens et nous, écologistes. Nous soutenons le combat des associations d’habitants et d’entreprises pour la modification du tracé de l’autoroute Moscou-Saint-Pétersbourg. Nous dénonçons le traitement auquel ceux-ci sont soumis de la part des autorités russes. Nous souhaitons que les autorités françaises en Russie s’honorent en contribuant à la prise en compte des pétitions populaires. Nous demandons avec force que le gouvernement veille, en concertation avec la Chambre de commerce et d’industrie, pour que l’activité du neuvième investisseur étranger en Russie, la France, ne soit pas complice de la destruction aveugle et court-termiste des richesses naturelles. Pour que la défense des intérêts industriels de notre pays, quelle que soit la place dans le monde où elle s’exerce, ne soit pas en contradiction avec les intérêts écologiques et sociaux dans le respect des valeurs démocratiques.
Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts ;
Catherine Grèze, eurodéputée ;
Eva Joly, eurodéputée, présidente de la Commission développement du Parlement européen ;
Dominique Voynet, maire de Montreuil, sénatrice de la Seine-Saint-Denis.