L’avenir de l’Europe est en Méditerranée
L’Europe, 500 millions d’habitants, grande puissance mondiale à fort pouvoir économique, dotée de la seule monnaie de référence pouvant rivaliser avec le dollar, ayant une capacité diplomatique et militaire au potentiel énorme pour peu que les décisions politiques qui en organisent l’efficacité et la complémentarité soient enfin prises, hésite sur ses perspectives d’avenir.
Pourtant les faits sont là. Son marché intérieur est atteint par la dénatalité. L’adhésion des pays de l’Est sera sa dernière expansion naturelle. Plus à l’Est, c’est la Russie qui est une grande puissance par elle-même. Au Nord, il n’y a plus que les ours polaires, et à l’ouest, il faut atteindre les côtes américaines avant de trouver âme qui vive ! Autant dire que le seul espace du voisinage qui reste ouvert pour recevoir une croissance économique qui bénéficiera aussi à l’Europe, c’est en Méditerranée qu’on le trouve, dans sa partie occidentale avec cent millions de Nord-Africains, et dans sa partie orientale où la Turquie et les Balkans abritent cent millions d’habitants également.
Pour ces populations, l’accès à des standards de vie semblables aux nôtres, ce que l’on ne peut que leur souhaiter, -et nous souhaiter à nous-mêmes si on veut éviter de sombrer tôt ou tard dans un conflit aux conséquences imprévisibles-, générerait mécaniquement une croissance économique dont l’Europe, par le simple effet de sa proximité, serait automatiquement bénéficiaire. Et cela quelle soit l’option politique choisie, intégration à l’espace européen comme cela est en cours pour les Balkans avec la Croatie en train de rejoindre l’Union Européenne, élargissement -ou à défaut, un partenariat- avec la Turquie, une « coopération renforcée » avec l’Afrique du Nord dans le cadre d’une stratégie macro-régionale, et d’autres hypothèses qui pourront surgir avec le temps, peu importe la formule, pourvu que l’essentiel soit réalisé : lier l’avenir de ce « voisinage » à celui de l’Union Européenne elle-même.
Les événements qui se déroulent actuellement, et qui s’accélèrent depuis les derniers mois, préparent-ils ce projet politique ? Ou bien le compromettent-ils ? Le réveil démocratique de la rive sud, après des décennies de dictature, se déroule, mais il risque de s’enliser dans les problèmes économiques, alors que, dans le même temps, on observe l’aggravation du décrochage du « sud de l’Europe ». La concomitance des deux est préoccupante, et appelle des réponses politiques urgentes. En effet, pour la « rive sud » le souffle démocratique sera sans lendemain si la relance économique n’est pas rapidement mie en œuvre. Et l’Europe doit surmonter la crise qui frappe sa propre « rive de Méditerranée », en Grèce, en Espagne,et bientôt en Italie. Sans solution crédible à ce double défi, c’est l’avenir même qui s’en trouverait compromis.
Première urgence, en finir avec la guerre en Libye. La résistance berbère du Djebel Nefousa est en train de changer la donne. Dans un premier temps, la rébellion libyenne ne pouvait que succomber face aux tanks et aux avions de combat de l’armée du dictateur. L’intervention de l’OTAN a rétabli l’équilibre, mais elle reste impuissante pour déloger un régime appuyé sur un armement et une manne financière inépuisables ou presque. Les 500.000 berbères du Djebel Nefousa ont structuré leur « lutte de libération nationale » et montré leur capacité, pour peu qu’on les fournisse en armement, pour mettre à mal les troupes de Kadhafi. Ils sont devenus le fer de lance de la résistance libyenne. En Afrique du Nord, les traditions de tolérance religieuse et sociétale des populations berbères ont régulièrement été victimes des régimes dictatoriaux, en Libye de la part de Kadhafi comme en Kabylie de la part du régime algérien. Et les traditions de tolérance des Amazigh combattent naturellement l’islamisme. Le peuple berbère est donc une partie essentielle de la solution politique en Afrique du Nord. L’Europe commence enfin à s’en apercevoir.
Sur l’autre rive, il faut admettre enfin que la crise ne se résorbera pas toute seule, par la simple « purge » des finances publiques. C’est une stratégie de développement qui doit être mise en œuvre, et pour cela des outils d’investissement et de solidarité seront indispensables.
Mais, pour l’heure, l’Europe du Nord manifeste de plus en plus ses réticences à regarder vers le Sud. Pourtant, c’est là que se joue notre avenir.
François ALFONSI