Langues : les belles leçons du Pays de Galles
Pour moi, le choc de cette preuve crée un impératif très fort. Nous devons nous emparer de leurs méthodes, immédiatement. L’enseignement par immersion doit devenir notre objectif premier. C’est le seul chemin qui vaille, et nous devons l’emprunter absolument, quelles que soient les oppositions, quelles que soient les difficultés.
La seconde impression très forte ressentie lors du séjour tient à l’excellence de ce qui nous a été présenté. D’emblée les studios de la BBC où sont enregistrés les épisodes journaliers de Pobl y Cwm (« les gens d’ici »), la populaire série qui tous les soirs remplit les écrans TV de la chaîne entièrement galloise S4C, en donnent la mesure en terme de moyens techniques, de matériel, de reconstitutions de décors, intérieurs et extérieurs,, et humains, avec l’évidente qualité du scénario et des acteurs. Nous avons pu visionner la projection d’un épisode de vingt minutes, en restant, comme tous les gallois, scotchés par un scenario et une réalisation de grande qualité. La productrice et la réalisatrice sont là et répondent à nos questions. « Nous avons vu un épisode sous-titré en anglais. Pobl y Cwm est-il diffusé sous-titré par S4C ? ». Leur réponse en dit plus que mille discours sur ce que vit aujourd’hui le peuple gallois : « Oui, car dans une famille de quatre ou cinq personnes, souvent une seule maîtrise vraiment le gallois. Si ce n’était pas sous-titré, toutes ces familles regarderaient un autre programme. » Et nous de réaliser que, le plus souvent, le seul locuteur en langue galloise de cette famille, c’est son plus jeune enfant !
La troisième impression, c’est la force et la cohérence de l’engagement de la société galloise dans cette politique de reconquête linguistique. C’est par la volonté des parents d’inscrire leurs enfants dans une école en langue galloise que se développe le réseau scolaire d’immersion linguistique. Les réseaux de bénévoles, actifs depuis le début de la revendication linguistique en 1922, sont fédérés dans des organismes qui mettent à leur disposition des formations, du matériel en langue galloise adapté à leur activité, qu’elle soit sportive, culturelle, ludique ou éducative, et qui, chaque année, rassemble tout ce dynamisme dans une grande « fête de la langue » où toutes les écoles, les troupes culturelles, les groupes de chant, les poètes, etc… font vibrer le cœur de dizaines de milliers de participants. Cette fête est itinérante, chaque année dans une région différente. Elle unifie le peuple gallois autour de sa langue, même si beaucoup ne la connaissent pas.
Quatrième leçon de ce voyage d’études : l’évidente décrispation du débat linguistique avec le gouvernement anglais à Londres, et au sein de la classe politique galloise. Des élus veulent s’exprimer en gallois alors que d’autres ne le connaissent pas ? Au Pays de Galles, pas de drame, pas de François Tatti pour y aller de sa motion hypocrite sur le « respect des droits de l’élu », et tutti quanti : le nouveau siège de l’Assemblée galloise comporte des cabines de traduction. Cette Assemblée nationale galloise réclame l’officialisation de la langue galloise ? Londres y consent par une loi de novembre 2010, qui prévoit un redéploiement et un renforcement juridique important des droits linguistiques. Ainsi, l’horreur absolue pour tout jacobin français : devant une cour de justice, un accusé ou son avocat peuvent s’exprimer en gallois, avec une traduction simultanée !
Enfin, en débattant avec Merion Pryes Jones, qui préside l’Office de la Langue Galloise, chargé par la loi de coordonner toute cette action, notre délégation a pris conscience de la dimension politique de premier ordre de ceux qui font vivre, au quotidien, ce programme linguistique. Cette osmose réussie entre professionnalisme et militantisme est parfaitement incarnée par ce dirigeant de premier ordre qui, au plan européen, préside le réseau Network to Promote Linguistic Diversity, NPLD, auquel l’Assemblée de Corse a décidé d’adhérer en 2010.
Les journalistes présents pour l’ensemble des médias corses, Corse Matin, FR3, RCFM, Alta Frequenza, ont bien exprimé dans leurs compte-rendus ce sentiment de réelles avancées, qui impressionnent par leurs résultats. Cette médiatisation a eu un impact certain dans la société corse. Les leçons de l’expérience galloise, si nous pouvons les intégrer rapidement dans nos programmes et nos méthodes, seront à coup sûr salutaires pour la langue corse.
François ALFONSI
Reportage de France 3 Corse, rendant compte de cette délégation :
Reportage au Pays de Galles par EurodeputesEE
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-bleu/?nr=f00be783ae379544adaec164e179e218&aafbde4b4320a496fdb89d91dd08be07_container_id=8016&aafbde4b4320a496fdb89d91dd08be07_container_mode=instances&aafbde4b4320a496fdb89d91dd08be07_article_id=691067
Interview François Alfonsi en français sur ALTA :
http://www.alta-frequenza.com/l_info/l_actu/sauvegarde_d_une_langue_sur_le_declin_le_tres_bon_exemple_du_pays_de_galles_52876
Interview François Alfonsi en corse sur ALTA :
http://www.alta-frequenza.com/l_info/l_actu/sauvegarde_d_une_langue_sur_le_declin_le_tres_bon_exemple_du_pays_de_galles_52876
Interview Jill Evans sur ALTA :
http://www.alta-frequenza.com/l_info/l_actu/rencontre_avec_jill_evans_deputee_galloise_du_groupe_les_verts_alliance_libre_europeenne_52879
Le dossier dans ARRITTI : (pdf 457.11Ko)