Les convictions régionalistes de José Bové
Son premier combat est celui des agriculteurs, et le Parlement Européen lui offre une tribune rêvée pour cela. La Politique Agricole Commune, la PAC, depuis décembre 2009 et l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, figure en effet parmi les compétences soumises à la « co-décision », cette procédure de « décision à deux », Parlement Européen et Conseil européen des 27 Etats-membres, procédure dans laquelle le vote du Parlement intervient, in fine, pour approuver, ou rejeter, les projets de directives de la Commission Européenne.
Durant la succession des « navettes » entre les trois pôles du pouvoir européen, Commission qui propose, Parlement et Conseil formé des 27 Etats-membres qui décident, c’est à dire des dizaines de réunions que les fabricants de néologismes européens on baptisé du nom imagé de « trilogues », une nouvelle PAC va se décider d’ici le premier janvier 2014. Et le virage à prendre est colossal pour passer d’une PAC qui structure une agriculture européenne à une nouvelle PAC en faveur de l’agriculture paysanne que José Bové défend de toutes ses forces.
C’est cette contradiction que Jean Quatremer a voulu explorer, entre celui qui a fait campagne pour le non au traité constitutionnel européen en 2005, et qui, cinq ans plus tard, s’investit à fond dans les mécanismes du Traité de Libonne qui, malgré le « non », a fini par être adopté quand même. Et, à partir de ce fil directeur, un livre d’entretien a été fait, sous le titre « du Larzac à Bruxelles »*.
Durant ces entretiens, différents thèmes son abordés, pour réfléchir sur l’avenir de l’Europe et de ses peuples. José Bové y livre ses convictions régionalistes :
« Il ne faut pas construire l’Europe sur la peur de l’autre, sur la recherche de boucs émissaires externes : il ne s’agit pas de faire un nouvel État-nation en plus grand. Pour moi, l’Europe c’est le bien commun et le droit de l’individu dans un espace que l’on respecte, pas la puissance et le rejet de l’autre. C’est cela que les Européens essaient de construire, souvent maladroitement : mais il faut bien avoir conscience que ce que nous faisons depuis soixante ans, mettre en commun les compétences souveraines de 27 États-membres que souvent l’histoire oppose n’a jamais été fait depuis que l’humanité existe.
Je suis persuadé que les gens sont moins attachés à leur pays qu’à leur culture régionale. La vraie richesse de l’Europe, c’est sa diversité culturelle. Ces identités sont plus profondes, antérieures aux identités nationales et elles ont résisté à l’État-nation. Les régions se retrouvent très bien dans la construction européenne, qui les protège contre l’État-nation. Ce n’est pas un hasard si François Alfonsi, l’élu autonomiste corse, qui siège avec notre groupe au Parlement Européen, a défendu de manière très volontariste le « oui » en 2005. Les Corses savent aussi que l’Europe est le bon levier pour changer les choses (…). Je pense que l’échelon étatique est devenu un frein à la construction européenne.
C’est plus compliqué [que l’Europe contre les États]. Les États ne vont pas disparaître, mais leur nature peut changer afin qu’ils n’entravent plus le développement des régions, notamment en France où l’on s’arc-boute sur l’État-nation pour nier les identités régionales. Pourquoi ne pas imaginer un Conseil Européen scindé en deux chambres, une chambre des États et une chambre des régions européennes ? »
Ces quelques lignes font plaisir à lire et nous voulions vous les faire partager, tout en vous recommandant la lecture de tout ce livre qui est comme José Bové : simple et éclairant.
*Du Larzac à Bruxelles, José Bové (entretiens avec Jean Quatremer) ; éditions du Cherche Midi.