Pour une réforme durable des retraites

Pour les eurodéputés d’Europe écologie, réformer les retraites devrait être l’occasion unique de réfléchir à l’organisation du temps de vie en France. Ne résumons pas ce débat à une vision comptable ! Tribune.
Mise à contribution des revenus du capital, redéfinition des cotisations, et invention d’un « contrat emploi retraite » pour des départs progressifs sans toucher à l’âge de 60 ans : de quoi financer même le pire scénario.

Par Pascal Canfin, Eva Joly, eurodéputés d’Europe Ecologie, et Eva Sas, responsable de la commission économie des Verts.

Le gouvernement a fait part, dimanche 16 mai, de ses premières orientations pour le financement des retraites. La réflexion des écologistes sur les retraites ne se résume pas à une vision comptable et le débat actuel doit être l’occasion de repenser l’organisation des temps de la vie. Mais ce débat de société ne peut avoir lieu de manière sereine que si le financement du régime par répartition, qui est un élément fondateur de notre contrat social, est garanti. Pour y parvenir, la solution choisie par le gouvernement –l’allongement de la durée des cotisations– est loin d’être la seule alternative. Un plan de financement juste, responsable et équilibré est possible. Nous en exposons ici les grandes lignes.

Ce plan est juste car il met en priorité à contribution les revenus du capital qui sont les grands gagnants de la répartition des richesses des
trente dernières années, et il ne repousse pas au delà de 60 ans l’âge légal à partir duquel il est possible de prendre une retraite sans décote.
Nous avons écarté cette mesure car elle fait porter le coût de l’ajustement uniquement sur les personnes ayant commencé à travailler jeune, souvent les moins diplômées.

Ce plan est responsable car il s’appuie sur le scénario de croissance le moins optimiste et prévoit la possibilité que ces objectifs de croissance, même faibles, ne soient pas atteints.

Enfin ce plan est équilibré car il joue sur de nombreux leviers et fait porter l’effort de financement pour moitié sur le capital et pour moitié
sur le travail.

Le besoin de financement estimé par le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans son scénario le moins optimiste représente 1,9 % du PIB en 2015, 2,1 % en 2020 et 2,9% en 2030. Pour le couvrir, notre plan repose sur quatre piliers : l’élargissement de l’assiette de financement aux revenus du capital, la suppression des exonérations inutiles de cotisations sociales, l’augmentation modérée des cotisations retraites et la mise en place d’un système de retraite progressive dans le cadre d’un nouveau « contrat emploi
retraite »
.

Dans un contexte d’augmentation importante des inégalités de revenus comme de patrimoine depuis plusieurs décennies, il est parfaitement raisonnable de faire contribuer les revenus du capital au financement du système de retraite par répartition. C’est pourquoi nous proposons d’augmenter la CSG sur les revenus du patrimoine (hors dividendes), de taxer les stocks-options au même niveau que les revenus du travail et de créer une contribution retraites de 12 % sur les dividendes, dont la part dans la valeur ajoutée n’a cessé d’augmenter dans le PIB ces trente dernières années, traduisant la montée en puissance du capitalisme financier.

Enfin, une contribution retraites de 3% sur les bénéfices des sociétés pourrait être mise en place pour un rendement de 5 milliards. Un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires a en effet montré que les entreprises du CAC 40 ne paient que 8% d’impôt quand le taux nominal est de 33%. Grâce aux paradis fiscaux et à la concurrence fiscale absurde que se font les Etats, notamment au sein de l’Union européenne, les grandes entreprises paient chaque année de moins en moins d’impôts rapportés à leur bénéfice. Inverser cette tendance est donc tout à fait légitime. L’ensemble de ces mesures sur le capital représente 27 milliards d’euros par an, soit la moitié du besoin de financement des retraites.

Le deuxième pilier du plan de financement que nous proposons est la suppression d’une partie des exonérations de cotisations et des subventions à l’épargne retraite par capitalisation. L’Etat a perdu plus de 20 milliards d’euros de recettes en 2009 en raison des exonérations de cotisations sur les bas salaires dont l’impact sur l’emploi est jugé nettement insuffisant par la Cour des comptes dans un rapport de 2009. Nous proposons de diminuer de moitié ces exonérations en les ciblant sur les entreprises qui en ont le plus besoin et en les conditionnant au respect de critères sociaux. Le gain pour le régime de retraites sera d’environ 4 milliards d’euros de cotisations supplémentaires. Par ailleurs, il est paradoxal de constater que l’Etat subventionne la constitution d’une épargne retraite (PERCO, PER…) par capitalisation alors qu’il manque d’argent pour financer l’avenir des deux premiers niveaux de retraite, le régime général et le régime complémentaire. Nous proposons donc de soumettre à cotisations les plans d’épargne retraite ainsi que l’intéressement dans une proportion qui réduira de moitié le manque à gagner pour l’Etat, soit 3,6 milliards d’euros en 2009.

Reste les deux derniers piliers. Nous proposons d’augmenter progressivement de deux points en 20 ans les cotisations retraites patronales, soit une augmentation de 10 % sur la période. Grâce aux mesures d’élargissement de l’assiette, cette hausse est modérée et ne dépasse pas le rythme d’augmentation constatée depuis les années 80. Enfin, nous proposons de compléter la réforme par la mise en place d’un «contrat emploi retraite» qui organisera le passage progressif de l’activité professionnelle à la retraite. Cette nouvelle transition rendra moins brutale l’arrivée à la retraite souvent vécue comme une rupture déstabilisante. Cette nouvelle organisation rendra également possible une augmentation d’un an de la durée de cotisation en 20 ans. D’ici 2030, nous devrions vivre 4 ans de plus. Cela revient à consacrer 25 % de ce temps de vie supplémentaire au travail.

Ces mesures assurent la pérennité du système de retraite par répartition dans le cadre des scénarios du COR. Mais compte tenu de l’incertitude qui pèse sur des prévisions économiques à 20 ans, il est nécessaire de se doter en complément d’un indicateur de stabilisation qui permette de faire évoluer les différentes mesures de façon à maintenir à un niveau équitable le partage des richesses entre actifs et inactifs.

L’ensemble de ces propositions dessine un plan de financement responsable, juste et durable. Trois valeurs cardinales du projet politique que porte Europe Ecologie.

Pascal Canfin, député européen Europe Ecologie
Eva Joly, députée européenne Europe Ecologie
Eva Sas, responsable de la commission économie des Verts

– Cette tribune est parue sur le site MediapartRetraites: les axes d’une réforme durable
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