Secteur laitier : le Parlement prépare la nouvelle crise
Selon José Bové, Vice-président de la commission de l’agriculture du PE, cet accord est illusoire et ne changera rien à l’état des lieux actuel :
«Je ne vois rien dans ce nouvel accord qui puisse apporter de véritables solutions aux problèmes du revenu durable des producteurs laitiers en Europe. J’ai par conséquent voté contre. Qui peut croire au renforcement du pouvoir de négociation des organisations de producteurs face aux transformateurs et aux distributeurs avec des outils aussi faibles que ceux proposés par ce texte? C’est totalement illusoire.Le manque de dispositions efficaces des nouveaux contrats n’empêchera pas à nouveau la vente à perte pour les producteurs.
Facultatifs, sans critères de couverture des coûts de production et du travail, sans clause de renégociation en cas de baisse prolongée du prix, ces outils ne sont que des leurres qui n’empêcheront nullement le retour rapide des excédents et donc d’une nouvelle crise laitière. »
Seul le Groupe des Verts/ALE a défendu jusqu’au bout ces options dans la négociation avec le Conseil et la Commission. Le Groupe des Verts a voté contre ce texte. José Bové poursuit :
« Selon moi, la solution est pourtant de bon sens, connue et éprouvée: le maintien des quotas dont la Cour des Comptes Européenne avait reconnu l’efficacité en octobre 2009, c’est à dire le maintien d’une gestion maîtrisée des volumes produits contrôlée par la puissance publique. En votant en faveur de cet accord, le Parlement européen se voile la face en attendant une nouvelle crise inévitable. Ce qui s’est passé au Danemark devrait nous faire réfléchir. La question qui reste posée est de savoir si nous voulons encore des paysans sur tous les territoires en Europe.»
Rappelons que la crise du lait date de la fin de l’année 2009. Elle dérive de l’effondrement du prix payé aux producteurs. Ceci est dû à la libéralisation du secteur laitier, une libéralisation encouragée par la Commissaire européenne à l’Agriculture, Mariann Fisher-Boel.
En 2003, l’arrêt des quotas laitiers pour 2015 a été décidé. C’est la fin de la maîtrise des volumes par la loi de l’offre à la demande, loi érigée jusqu’ici en dogme. Jusqu’alors les producteurs devaient s’adapter en répondant rapidement sans régulation aux signaux du marché.
Face aux excédents provoqués par les augmentations de quotas de 0,5% par an, entre 2006 et 2008, et de 2% en 2008, le marché n’a pas suivi et les prix se sont écroulés. Rappelons le désespoir des paysans contraints de jeter leur lait dans les champs à Ciney en Belgique ou en France au Mont-St-Michel pour attirer l’attention sur la situation catastrophique qu’ils étaient entrain de vivre. Deux ans et demi après, le Parlement européen, en votant en faveur de cet accord, n’apporte que des solutions marginales vouées à terme à l’échec.
Crédit Photo : Parlement européen