Transparence fiscale : la fausse bonne annonce du gouvernement français ?
Pour Pascal DURAND, député européen Verts/ALE :
« La France risque de rater l’opportunité d’être moteur en Europe sur la lutte contre l’évasion fiscale. En l’état, cet amendement est très limité. Un impact quasi nul pour une mesure essentiellement cosmétique. Peu d’entreprises concernées, mais surtout des « informations » réservées aux administrations, donc qui demeureront confidentielles, sans réelles sanctions en cas de manquement. Avec le risque d’une amende – maximale-de 100 000 euros, les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros pourront continuer à dormir tranquilles.
Les informations doivent être publiques, car seule la transparence mettra un terme aux pratiques d’évasion fiscale. Il est normal de savoir ce que les multinationales – qui font de très importants bénéfices tout en les déclarant dans des paradis fiscaux – paient réellement comme impôt. Ces pratiques, souvent frauduleuses, mais toujours injustes en regard des impôts que payent les PME/TPE avec la complicité de la quasi-totalité des États de l’UE, doivent enfin être mises en pleine lumière. Les banques européennes y sont soumises depuis cette année et personne ne s’en plaint. »
Pour Eva JOLY, députée européenne Verts/ALE :
« L’annonce par le gouvernement répond à une volonté d’afficher le leadership français en matière de lutte contre l’optimisation fiscale. Mais gare au double jeu!
Grâce au travail des écologistes notamment, le Parlement Européen a en effet voté, dans le cadre de la directive « Droit des actionnaires », la transparence financière pays par pays publique pour les multinationales. Le texte est entré dans la période de trilogue. A ce stade nous faisons face à l’opposition de tous les États Membres, France comprise. À laquelle s’ajoutent les hésitations de la Commission européenne qui refuse de s’engager sur le caractère public de la mesure. Pourtant, grâce à une majorité grandissante au sein du Parlement Européen et à la mobilisation de la société, nous pouvons gagner la bataille de la transparence dans l’année qui vient. Alors pourquoi tant d’empressement du gouvernement français à vouloir adopter une mesure bien moins ambitieuse que celle défendue à Bruxelles?
En préemptant la négociation, la France risque, sous couvert de première mondiale, d’imposer un nouveau référentiel, très faible, à la négociation européenne. C’est ce qu’elle avait déjà fait en matière de séparation bancaire en coupant l’herbe sous le pied du législateur européen en 2013. Depuis rien n’a changé et les banques Too Big to fail restent à l’abri de la réforme. Nous ne pouvons pas risquer que ce scenario se reproduise pour la transparence financière.
Aujourd’hui, la véritable avancée serait que la France soutienne à nouveau le projet de transparence financière réellement publique pays par pays. Et qu’elle pèse de tout son poids pour que l’UE accélère sur ce dossier. »