Accord sur le système européen d’échange de quotas d’émission
des efforts supplémentaires demandés à l’industrie pour tenir les objectifs climatiques du Pacte vert, mais un certain sacrifice de l’ambition de justice sociale
Cette nuit, dimanche 18 décembre, les négociateurs du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne sont parvenus à un accord sur la révision du marché européen du carbone (ETS) et la création d’un nouveau Fonds social européen pour le climat. L’échange de quotas d’émission est un instrument central de la politique climatique du Pacte vert et du paquet Fit for 55 pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne. À savoir : la réduction des émissions de l’Union européenne d’au moins 55 % d’ici à 2030 et faire de l’Union européenne le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050. Le Parlement européen et le Conseil doivent à présent approuver le résultat de ces négociations.
Déclaration de Marie Toussaint, vice-présidente du groupe Verts/ALE, membre de la commission de l’Environnement :
« Réviser le fonctionnement et les objectifs du système européen d’échange de quotas d’émission, autrement appelé le « marché carbone », était une absolue nécessité pour que l’Europe soit en capacité de tenir les objectifs fixés par la loi climat européenne. L’accord trouvé, légèrement plus ambitieux que la proposition de la Commission européenne concernant les objectifs et le rythme de réduction d’émission sur ce secteur, son extension au maritime ou encore la sortie des quotas gratuits pour les entreprises polluantes, reste malheureusement en-deçà de ce que requiert le respect de l’Accord de Paris.
Le bât blesse sur la question de la justice sociale. Ainsi, le secteur de l’industrie reste largement préservé des ambitions d’accélération pourtant portées dans le cadre des politiques publiques ou requises par les citoyennes et citoyens européen·ne·s. La fin des quotas gratuits est, ainsi, bel et bien prévue, mais uniquement à l’horizon 2034 ; l’application du principe pollueur-payeur en est, ainsi, d’autant plus retardée. Tandis que les ménages seront soumis, dès 2027 ou au plus tard 2028, à une nouvelle fiscalité carbone portant sur le pétrole, le fioul et le chauffage. Les petits pas de l’Union européenne vers la protection du climat doivent être salués ; mais la protection de la planète ne pourra se faire dans l’injustice sociale. »
Déclaration de Sara Matthieu, rapporteure fictive pour le groupe Verts/ALE sur le Fonds social pour le climat :
« Le Pacte vert doit également être un accord social. C’est pourquoi nous, groupe Verts/ALE, avons réussi à obtenir de nouvelles garanties contre une forte augmentation des factures d’énergie pour les ménages à la suite de la nouvelle proposition d’ETS2. Mais je suis consternée que les États membres aient considérablement réduit l’ampleur du nouveau Fonds social européen pour le climat. C’est pourquoi le groupe Verts/ALE s’est battu pour que les États membres donnent la priorité aux ménages vulnérables lorsqu’ils utilisent les 210 milliards d’euros de revenus du nouveau système ETS2. Cependant, comme cela est loin d’être suffisant pour protéger tous les ménages vulnérables en situation de pauvreté énergétique et devant se déplacer, les États membres doivent rapidement passer à la vitesse supérieure en augmentant massivement leurs dépenses sociales dans les années à venir. »
Contexte
*Dans le cadre de l’accord, les émissions des secteurs industriels et énergétiques de l’Union européenne seront réduites de 62 % d’ici à 2030 par rapport à 2005. Près de 50 % des allocations gratuites de CO2 seront supprimées d’ici à 2030 et complètement à partir de 2034. La réforme contribuera à envoyer un signal aux industriels de l’Union européenne pour qu’ils réduisent enfin leurs émissions. Alors qu’elles sont actuellement exemptées du paiement d’un prix pour la plupart de leurs émissions, les industries lourdes de l’Union européenne dans les secteurs, notamment, du ciment, de l’acier et du fer, devront payer pour environ la moitié de leurs émissions d’ici 2030 et leur intégralité d’ici 2034. Bien que le groupe Verts/ALE aurait souhaité une réduction plus rapide, cela contribuera à générer plus de revenus qui seront dépensés pour soutenir la décarbonation de l’industrie. Les quotas qui continueront à être distribués gratuitement à l’industrie européenne seront assortis de conditions, notamment l’adoption de plans de neutralité climatique pour les installations les plus polluantes.
Le secteur maritime commencera également à payer progressivement pour ses émissions à partir de 2024. Une nouvelle proposition législative sera présentée en 2026 pour tenter d’étendre le marché européen du carbone aux incinérateurs de déchets municipaux à partir de 2028.
*Tarification du carbone pour les bâtiments, les transports et les investissements sociaux (ETS2)
Le compromis prévoit également l’introduction d’un deuxième système d’échange de quotas d’émission (ETS2) pour les bâtiments et les transports à partir de 2027. En parallèle, un nouveau Fonds social européen pour le climat de 86,7 milliards d’euros à partir de 2026 sera utilisé pour les investissements structurels et pour aider à réduire la facture énergétique des ménages. Le groupe Verts/ALE a obtenu que le Fonds démarre un an avant l’entrée en vigueur du nouveau système d’échange de quotas d’émission pour les transports et les bâtiments, afin d’accélérer les rénovations et autres investissements visant à sortir les ménages de la pauvreté énergétique et réduire leurs dépenses de transport. Le Fonds social européen pour le climat est destiné à atténuer les éventuelles répercutions, entre autres, des coûts de chauffage sur les consommateurs par les fournisseurs de pétrole et de gaz et les compagnies pétrolières. C’est la toute première fois que l’Union européenne investit directement dans la transition climatique des ménages vulnérables. Les États membres ont, malheureusement, réussi à réduire considérablement la taille du Fonds social pour le climat par rapport à la proposition initiale de la Commission. Mais le groupe Verts/ALE s’est assuré que tous les autres revenus générés par cette nouvelle taxe carbone qui ne vont pas au Fonds social pour le climat de l’Union européenne (s’élevant à environ 210 milliards d’euros sur la période 2027-2032) soient toujours utilisés pour soutenir l’action climatique, en priorité pour les ménages les plus vulnérables.
En outre, pour protéger les ménages vulnérables de l’impact de la hausse des factures d’énergie, nous avons obtenu deux garanties supplémentaires : premièrement, le prix du CO2 ne dépassera pas 45 euros par tonne avant 2030 ; deuxièmement, une pause d’urgence garantira le report de l’ETS2 à 2028 si les prix de l’énergie dépassent les prix actuels.
*Extension au transport maritime et aux déchets
Le secteur du transport maritime commencera enfin à payer pour ses émissions, progressivement à partir de 2024 et intégralement à partir de 2026. Cela concerne 100 % des émissions du transport maritime à l’intérieur de l’Union européenne et 50 % des émissions des voyages au départ ou à l’arrivée de ports de l’Union européenne en provenance de ports non européens. D’ici la mi-2026, la Commission présentera également une nouvelle proposition législative visant à étendre le marché européen du carbone aux émissions provenant de l’incinération des déchets municipaux. Les incinérateurs de déchets municipaux émettent actuellement autant que 13,4 centrales électriques au charbon par an.
*Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Les industries de l’Union européenne sont actuellement exemptées du paiement d’environ 94 % de leurs émissions pour les protéger de la concurrence des importateurs non soumis au même prix du carbone. Un mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone (CBAM) sera introduit progressivement à partir de 2026. Les importations de fer et d’acier, d’électricité, d’engrais, de ciment et d’hydrogène seront donc soumises à une taxe sur le carbone correspondant au niveau d’émission de ces produits. Ceci créera des conditions de concurrence équitables avec les industries européennes. En contrepartie, les industries européennes de ces secteurs commenceront à payer une part équitable de leurs émissions, jusqu’à 48,5 % de leurs émissions en 2030 et 100 % à partir de 2034.
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