Arrachons l’Europe des griffes des lobbys !
« Monsieur le Président, demandez à votre majorité à l’Assemblée de ne pas ratifier le Ceta et stoppez la négociation avec le Mercosur. » Une tribune de Yannick JADOT, publiée par L’Obs en amont de la venue d’Emmanuel Macron devant le Parlement européen.
Monsieur le Président,
Vous n’avez eu de cesse d’afficher votre ambition pour l’Europe, arguant, à raison, que seul cet échelon offrirait une protection suffisante pour les droits sociaux et environnementaux de nos concitoyens. L’Européen que je suis ne peut que s’en réjouir. Cependant, c’est bien parce que cela fait près de dix ans que je me bats au quotidien dans cette arène pour en faire bouger les lignes et infléchir la vision libérale, qui prédomine hélas dans nos institutions, que je vous mets en garde aujourd’hui : l’Europe ne peut se satisfaire d’un énième discours ou d’une nouvelle déclaration d’intention, aussi belle soit-elle.
Car pendant qu’aujourd’hui vous discourez devant nous au Parlement européen, les adversaires de cette vision du monde, eux, font preuve d’un activisme forcené. Ainsi, au moment même où vous déclinez, à Strasbourg, votre projet d’une Europe qui protège, Justin Trudeau, Premier ministre canadien, s’adresse à nos députés pour les convaincre de ratifier cet accord de libre-échange inique entre le Canada et l’Europe, qu’est le Ceta.
Pendant que vous prétendez, ici, construire l’Europe de demain ; lui, chez nous, à l’Assemblée nationale, en sape les fondements, pour être certain que jamais l’Europe n’aura les capacités de faire face aux lobbys.
Car ces opposants à une Europe forte et bienveillante ont compris qu’elle est l’échelle indispensable pour sortir de l’âge du carbone et des pesticides. Pour combattre les paradis fiscaux ou réguler les Gafa. Pour bâtir un socle de droits sociaux.
Et ils n’en veulent pas.
Aussi, je m’interroge : faites-vous preuve d’une incroyable naïveté – ce dont je doute – ou tentez-vous d’enrober le cynisme de cette politique, de belles paroles ? Comment pouvez-vous prétendre défendre une Europe qui protège et dans le même temps œuvrer à imposer ces accords de libre-échange qui vont la détruire ?
Comment revendiquer une souveraineté européenne quand ces accords la désintègrent pour mieux la livrer à des lobbys surpuissants ?
Comment faire rêver nos concitoyens avec une Europe de la circulation sans entrave, du pétrole sale, de la malbouffe, de la finance casino ? Avec une Europe qui érige des frontières en son sein, et prétend se protéger des hommes avec des barbelés ?
Le Ceta, comme tous ces nouveaux accords de commerce, place la protection de l’environnement et de la santé, les droits des salariés et des consommateurs, nos libertés individuelles et nos droits humains fondamentaux sous la coupe des intérêts du commerce et de l’investissement. A portée de canons des firmes multinationales qui pourront attaquer les Etats devant des tribunaux d’arbitrage lorsque nos protections dérangent leurs profits. Il ne s’agit plus de baisser quelques droits de douane mais de mettre en place la concurrence de tous contre tous, salariés contre salariés, territoires contre territoires, choix de société contre choix de société.
Le Ceta, c’est l’importation de gaz de schiste et de carburant issu des sables bitumineux, les pétroles les plus polluants. Ce sont des dizaines de milliers de tonnes de bœuf et de porc, élevés dans des conditions abominables et shootés aux antibiotiques pour engraisser plus vite, qui viendront tuer un peu plus nos éleveurs. Ce sont les risques sanitaires et environnementaux liés aux OGM et aux perturbateurs endocriniens. C’est encore la destruction de 200.000 emplois en Europe (45.000 en France) selon une étude indépendante américaine. Le rapport d’experts que vous aviez vous-même commandé confirme ces risques mais vous refusez d’en tirer les conséquences.
La tribune est à lire dans son intégralité sur le site de L’Obs.